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Benjamin Legrand (Traducteur)
EAN : 9782266188678
1024 pages
Pocket (05/02/2009)
4/5   239 notes
Résumé :


Charlie Croker, richissime promoteur de soixante ans, a bâti son immense empire à Atlanta.

Il est le symbole de l'Amérique blanche triomphante - jusqu'à ce qu'un placement immobilier hasardeux le menace de banqueroute. Fareek Fanon, célèbre footballeur noir tout droit sorti du ghetto d'Atlanta, est accusé de viol par une riche et influente Blanche.

Les émeutes raciales menacent la ville: Atlanta la Blanche, ville de pou... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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« Un homme, un vrai « de Tom Wolfe est surement un des plus anciens livres de ma PAL…En effet, ce pavé de 1000 pages y trône depuis une bonne quinzaine d'années…
Je me rappelle parfaitement l'avoir acheté en 2002 sur les conseils avisés d'un ami. (Merci à lui). Bon, je ne vais évidemment pas lui avouer que j'ai mis tant d'années à m'y mettre…Ceci dit, il sait que je suis une lectrice très dispersée (lui aussi, d'ailleurs)
Et puis, il y a quelques jours, ça y est ! le déclic s'est enfin produit ! J'ai compris que c'était le moment où jamais de me lancer dans cette lecture. Au vu de la taille de ce pavé, le week-end de Pentecôte dernier est juste bien tombé pour pouvoir avancer sans trop trainer dans cette lecture.
J'ai tout de suite été happée par l'histoire car Tom Wolfe a une façon fort dynamique de raconter son histoire. On ne peut s'empêcher de suivre avec intérêt un des personnages principaux de ce livre : Charlie Croker. Richissime promoteur immobilier, il est en plus doté d'une très forte personnalité.
Vivant en Géorgie, il a tout d'un descendant des sudistes de la période pré guerre de Sécession. Propriétaire d'une plantation, il traite son personnel noir avec un paternalisme mêlé d'un zeste de condescendance. Cependant, malgré tous ses défauts, son caractère outrancier, ses magouilles financières, ce personnage haut en couleur m'est resté sympathique.
Il va être sollicité pour témoigner en faveur d'une star du football accusée de viol.
Ce livre ne se réduit pas à cette histoire. Beaucoup de personnages forts intéressants gravitent dans l'entourage plus ou moins proche de Charlie Croker.
Le personnage le plus attachant et dont j'ai suivi les pérégrinations avec le plus d'intérêt est celui de Conrad. Jeune manutentionnaire embauché dans une des usines de Croker, à des milliers de kilomètres d'Atlanta, Conrad va se retrouver au chômage suite à une restructuration du personnel…. Il va aller de déboires en déboires, jusqu'à ce que le hasard lui fasse lire un livre d'un certain Epitecte.
Je n'en dirais pas plus sur cette histoire, mais clairement, j'ai beaucoup aimé malgré quelques petites (mais toutes petites longueurs). Et j'ai compris avec plaisir le pourquoi du titre et à qui il était destiné au cours de ma lecture…. le style de l'auteur est vivant et fluide et sa vision d'une certaine Amérique est édifiante, même si l'histoire date un peu…
Je savais que Tom Wolfe est aussi l'auteur du autre livre : « le bucher des vanités » livre qui avait inspiré en son temps le réalisateur Brian de Palma et mettant en vedette Tom Hanks…le film date un peu puisqu'il est sorti en 1990, mais je reconnais ne l'avoir jamais visionné. Cependant, à défaut du film, je pense que tôt ou tard je vais lire le livre au vu de mon ressenti de ma lecture…

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Pour qui sonne ce titre, « Un homme, un vrai » ? Que faut-il faire, qui faut-il être pour justifier ce qualificatif dans Atlanta, la ville de Martin Luther King, celle où il est né et où il est enterré ?
Atlanta, capitale de la Géorgie est, à l'échelle des USA, une ville moyenne. Mais elle s'enorgueillit d'être l'une des trois* seules ayant hébergé les Jeux Olympiques d'Eté, ceux du centenaire en 1996 (le roman date de 1998). Siège de Coca Cola et de CNN, elle est à soixante-dix pour cent noire. Si la mairie est occupée par un représentant de la communauté la plus nombreuse, si comme on dit là-bas, « Atlanta is too busy to hate », il n'empêche que le dépliant touristique des JO était curieusement amputé d'une partie de la ville, le sud qui abrite les quartiers noirs pauvres (il y a des quartiers noirs qui sont riches) où les autorités ne souhaitaient visiblement pas que des touristes s'égarent. En résumé, elles ont beau prétendre le contraire, l'un de leurs soucis est d'éviter des émeutes raciales dans ce qui est également la ville de Margaret Mitchell. Alors, quand un « incident » menace de dresser les deux communautés l'une contre l'autre…le maire doit s'en préoccuper.
Un maire retors qui prépare sa réélection, un avocat ambitieux et un peu honteux de n'être pas assez noir, un promoteur mégalomane et imprudent, son ex-femme délaissée qui lui coûte cher, sa nouvelle, de trente ans plus jeune que lui, qui lui coûte encore plus cher, un sportif célèbre aussi inculte qu'antipathique, une jeune héritière qui tente de se faire passer pour une oie blanche, un jeune homme dont le rêve américain a tourné au cauchemar, un cadre de banque vivotant qui voudrait jouer dans la cour des grands, des banquiers aussi imprudents que stupides, un recouvreur de dettes qui utilise les méthodes psychologiques des commandos. Tom Wolfe poursuit sa Comédie Humaine en dépeignant précisément et ironiquement les travers de la société américaine. le racisme dans toutes ses formes (le blanc comme le noir), la presse, la politique, le mythe de l'éternelle jeunesse, la dictature du corps parfait, l'argent, le divorce, la rumeur, la vanité, la lâcheté, la peur du qu'en dira-ton. Il enchaîne à très vive allure des situations ubuesques, explosives et délicieusement drôles, pour forme un savoureux cocktail.
Alors, qui est vraiment « Un homme, un vrai » ?
« Il jeta sa main droite vers le sol et saisit le serpent à sonnettes par le cou, à la base du crâne. D'un seul geste il se redressa, arrachant le crotale du sol, et il le tint par la tête, à bout de bras devant lui. »
Ca, c'est Charlie Crocker, l'ancien sportif vedette de Georgia Tech, qui est devenu ce promoteur mégalomane dont la tour plane au-dessus de la cité pendant que la faillite plane au-dessus de sa tête, ça pourrait être lui, le gars qui en a ?
« Lentement, il retira son enveloppe de sa poche de chemise et glissa son gros index sous le rabat pour l'ouvrir. Il y avait le chèque rose, comme d'habitude. Et, derrière, il y avait une feuille de papier blanc. Il lut les premiers mots : « En raison d'une réduction nécessaire des capacités de production de cette entreprise, vos services… » Puis il leva les yeux. Kenny et l'Ampoule le fixaient. Il ne parvenait pas à parler. Il ne pouvait que hocher la tête de haut en bas pour leur signifier « oui, c'est vrai. »
Ca, c'est Conrad, le modeste magasinier de Crocker Global Foods, qui a tout perdu, sa femme, ses enfants et sa liberté ? Pourquoi pas lui ? L'un ou l'autre ? Aucun des deux ? Un troisième homme pourquoi pas, le maire ou bien un dénommé Epictète ou encore un autre, un copain avec un drôle de nom, Agrippinus ?
Vous n'en saurez plus qu'après avoir dévoré, comme moi, ce formidable roman qui se lit comme un thriller. D'ici là, ne soyez pas impatients, restez philosophes et, pour faire votre choix, lisez. Vous vous régalerez !
*les deux autres sont Los Angeles et Saint Louis
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L'écrivain Tom Wolfe nous a habitué à ses énormes bouquins et ce Un homme, un vrai est du même gabarit avec ses 1000 pages ! Parfois pour ne pas dire souvent, le plus est l'ennemi du bien, pourtant ici encore Tom Wolfe réussit l'exploit de nous tenir en haleine tout du long. Il ne s'agit pas du tout d'un polar dont on voudrait absolument connaître le dénouement, non, mais d'un livre d'une incroyable richesse de documentation qui a certainement demandé un énorme travail de recherches et de compilation d'informations. Ce roman peut se comparer à un volume de la Comédie Humaine, nous ne sommes pas loin De Balzac pour sa peinture d'une certaine société et de ses moeurs. Lucide, cruel, critique, très vrai et plus proche de nous puisque le roman date de 1998, ce magnifique ouvrage nous met le nez dans notre époque, où du moins dans certains mondes de notre époque.
Charlie Croker est un ancien athlète de haut niveau du football américain à la carrure imposante, parti de rien du fin fond de sa Géorgie (un « péquenaud » de Sudiste) il est devenu le principal entrepreneur immobilier d'Atlanta. le fric tombe de ses poches par liasses, propriétés, avions privés, voitures de luxe, il est une figure marquante de la haute société locale, plus pour son argent que pour ses manières ou sa distinction. Au crépuscule de sa carrière il s'est engagé dans un projet de construction pharaonique qui doit couronner son ego mais qui va l'acculer à la ruine. Ca c'est la trame du roman, mais en parallèle nous suivons aussi les aventures d'un brave gars, manutentionnaire mis au chômage, qui par une succession de coups du sort va se retrouver en tôle, au milieu de fous furieux. Il y a aussi un jeune black vedette du football accusé du viol d'une fille blanche de la société huppée de la ville ; le maire noir de la ville qui manoeuvre en vue des prochaines élections municipales en jouant sur d'éventuelles émeutes raciales, d'un jeune avocat noir aussi, ami du maire et aux dents longues, des membres d'une banque qui veulent récupérer les prêts accordés à Charlie Croker et bientôt tous ces personnages sont mis en rapport, plus ou moins directement.
Quand je parlais De Balzac en version moderne, je n'en étais pas loin car Tom Wolfe nous immerge dans le monde de la finance et des affaires, de la politique et des élections, d'un pénitencier avec ses rites et ses codes, du travail dans les entrepôts frigorifiques. Tout est magnifiquement documenté et décrit dans ses moindres détails ; nous passons d'une réception dans une plantation du Sud avec banquiers et politiques, à une cellule dans un pénitencier.
Contre toute attente, un dernier personnage fera son apparition par le biais d'un livre, Epictète le philosophe latin. Stoïcien il avait une vision de la vie fondée sur la différence entre ce qui dépend de l'individu et ce qui n'en dépend pas. C'est ce principe appliqué in fine par Charlie Croker qui, d'une certaine manière, le sauvera. Mais je vous laisse deviner comment.
Non pas un livre mais une somme, un chef-d'oeuvre à lire absolument. La construction habile, le ton enlevé, certaines scènes inoubliables, font que j'ai littéralement dévoré le bouquin.
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Un livre, un vrai.
C'est un pavé (+1000 pages en poche) qu'on est content de tenir dans les mains, d'esquinter, d'entraîner partout avec soi, car c'est un univers à lui tout seul. Quel talent, bon sang. Des morceaux d'anthologie comme la réunion où le Croker se fait lessiver par ses créanciers autour d'une table de réunion, la saillie dans le ranch devant un public effaré, l'enlèvement de la voiture d'un chômeur par la fourrière... La venue d'Epictète et des stoïciens dans le livre loin d'entrainer le lecteur dans un délire de plus, le ramène à une certaine sagesse.
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Malgré ses 1000 pages, ce roman se dévore et se digère très facilement. Avec drôlerie et malice, Tom Wolfe nous invite à une plongée dans l'Amérique de la fin du XXème siècle, en suivant les mésaventures d'une ancienne gloire du football devenue un promoteur immobilier pourchassé par ses banquiers. Il y est aussi question de plantation, chasse à la caille et serviteurs noirs (on est en Géorgie) ; de "frères" et/ou "Afro-Américains", et de ce melting-pot qui exacerbe la défiance ; de femmes obsédées par l'argent ; d'un genou qui coince ; de Zeus et d'Epictète.
Surtout, il y est question des dilemmes qui se posent à Charlie Croker, 60 ans et dépassé par tout ce qui lui arrive et par ce monde qui évolue trop vite pour lui. Que faut-il conserver quand on risque de tout perdre ?
J'ai retrouvé avec plaisir le style de Tom Wolfe dans cet opus. J'aime la façon dont il évoque le Sud des Etats-Unis en jouant notamment avec les accents. Il fait preuve, une fois encore, d'une grande finesse psychologique, tout en dressant un tableau sans concession d'une Amérique malade du capitalisme, où la quête de l'éthique ressemble à une véritable odyssée. Néanmoins, la fin un peu abrupte m'a un peu frustrée...
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Citations et extraits (48) Voir plus Ajouter une citation
La foule se pressait...avant même qu'elle l'ait vu venir, un homme très grand se retrouva à quelques centimètres d'elle, s'adressant à un autre homme qui tournait le dos à Martha. Pourtant elle n'eut aucun mal à le reconnaître (...)ce ne pouvait être qu'Arthur Lomprey, le président de Plannersbanq. Il avait été son invité d'honneur à trois dîners au moins, à l'époque où Charlie essayait d'obtenir le financement de Crocker Concourse. Après tout, c'était son retour ... en société. Elle avait payé 20 000$ pour une table et invité neuf personnes. Elle avait acheté cette robe 3 500$, elle était fière de ses larges épaules et de ses mollets bien tournés. Elle avait oint ses épaules de lait pour bébé afin de les satiner. Elle avait dépensé 4 200$ pour ce collier (une chaîne de montre en or avec de petits rubis), 225$ pour sa coloration (blond ananas) et sa coupe chez Philippe Brudnoy, 150$ de maquillage chez LaCrosse, 850$ pour ces escarpins noirs, lézard et cuir, sans compter les cours de Mustafa Gunt chez DefinitionAmerica dans l'espoir de ressembler un tant soit peu à ces garçons-avec-des-seins.
En plus de tout ça, elle venait de descendre une autre coupe de champagne. Elle s'approcha donc, comme elle put, de la grande silhouette voûtée et lança :
_ Arthur !
Arthur Lomprey se retourna, la regarda, et son sourire s'élargit tellement qu'elle aurait pu compter ses dents. Mais ses yeux reflétaient la panique pure. Ils disaient : Mayday ! S.O.S ! J'ai rencontré cette femme un jour, mais qui est-ce, bon Dieu ?
_ Héééé ! Comment ça va ? s'exclama-t-il tout en continuant à sourire bêtement, alors que ses yeux cherchaient frénétiquement un indice. Ils couraient de ses boucles teintes, son visage maquillé, son collier, sa robe, ses épaules satinées, à tout son corps si studieusement travaillé.
_ Comment vont les enfants ? demanda-t-il finalement, tentant le tout pour le tout.
_ Comment vont les enfants ? Rien n'aurait pu la blesser davantage. L'homme venait de passer au scanner ce qu'elle pouvait offrir de mieux au monde après une dépense de 8 925$ ainsi que d'innombrables heures d'agonie cardio-vasculaire entre les mains d'un bourreau turc, et son cerveau, cet ordinateur entièrement analogique, chimiquement activé, était arrivé en quelques millisecondes à cette conclusion : une matrone. Donc... Comment vont les enfants ?
Martha avait envie de hurler, mais, dans son état de stupeur, le mieux était encore de répondre d'un ton morne et mécanique :
_ Bien.
_ C'est merveilleux ! s'exclama Arthur Lomprey, qui ne l'avait probablement même pas entendue. C'est vraiment bien ! Il continuait à secouer la tête avec enthousiasme, mais il fuyait son regard, essayant de trouver un moyen de la planter là avant d'être contraint de la présenter aux gens qui l'accompagnaient. Qui était cette femme superflue ? Qui était cette invisible ex-femme ? Qui était ce fantôme social (sans un mari à son côté pour lui donner une identité) ?... Elle n'attendit pas que la situation empire (et) tourna les talons.
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_ Aïe ! (C'était Serena juste derrière lui) Charlie ! Une abeille m'a piquée !
_ C'tait pas une abeille, dit Charlie sans même regarder, c'tait une mouche !
Probablement une mouche noire, songeait-il. Méchantes petites salopes : noiraudes, avec un aspect malsain, et des ailes déployées en arrière comme celles d'un avion de chasse ou d'un bombardier furtif. Elles ne rataient jamais leur cible.
_ Charlie ! cria Serena. Qu'est-ce que c'est que ces petites... pffft pffft pffft pffft... bêtes blanches ? Elles sont dégoûtantes !
Charlie les vit aussi, une autre sorte de mouche, plutôt dans les blancs.
_ C'est des mouches d'aisance, dit-il. Elles ne te piqueront pas. Elles volent autour des...pffft pffft pffft pffft... lieux d'aisances.
_ Quels lieux d'aisances ?
_ Les chiottes extérieures.
_ Monsieur Crocker ! s'exclama Heidi. Regardez arbre !
_ Des chenilles processionnaires, expliqua Charlie.
Elles avaient infesté la totalité de l'arbre. Elles le dénuderaient de ses feuilles en un rien de temps.
_ Ce qu'on entend, dit Serena, c'est le ...pffft pffft pffft pffft... bruit qu'elles font en se nourrissant ?
_ Ouaip, fit Charlie.
Elles émettaient une espèce de crunch crunch. En réalité, c'était le bruit de leur défécation et des excréments de dizaines de milliers de chenilles touchant le sol. Mais inutile de donner cette information à six mètres à peine de la porte d'entrée. Inutile de mentionner également qu'en juin à Baker County, sous l'ombre des grands chênes et des magnolias, il y aurait des moustiques, des moustiques géants, de la famille des Culicidae, toute la sainte journée. Le marais de Jook - là où, en cette saison, les moustiques se multipliaient par milliards et prospéraient en suçant le sang de leurs victimes - était à quelques pas. Inutile aussi d'attirer l'attention sur cette souche de grand chêne, là-bas, à l'ombre. Qu'on essaie de s'y asseoir pour jouir quelques instants du soleil, ou de s'allonger sur le joli tapis d'aiguilles de pin ! Les moustiques, mouches jaunes, taons, mouches noires et moucherons tomberaient du ciel, et les chenilles attaqueraient aussitôt les chevilles, les cuisses, le cou, et le gros cul imprudent avant même qu'on ait eu le temps de prononcer leur nom. Juin était le mois des chenilles. Pour elles, juin c'était Thanksgiving, Noël et le 4 juillet réunis.
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Brrrannnnnng ! Brrrannnnnng !...Soudain le terrible bruit cessa. Serena avait fini par trouver le bouton. La sonnerie résonnait encore dans le crâne de Charlie quand il se tourna vers le placard. Serena en sortit, débordant de sa petite nuisette. Elle respirait bruyamment et évitait de le regarder.
Tout à coup on frappa à la porte de la chambre.
_ Papa ! Papa ! Tu es là ?
C'était Wally, l'air dérouté, endormi, décomposé, maigre, gauche. Il portait une robe de chambre en laine sur le tee-shirt et le caleçon dans lesquels il dormait.
_ Que s'est-il passé ? demanda Wally.
_ Pas de quoi s'inquiéter, le rassura Charlie. C'est juste Serena...juste le système d'alarme qui nous a fait une de ses petites attaques.
Wally passa la tête dans l'entrebâillement de la porte. Il vit la nouvelle femme de son père, assise au bord du grand lit avec ses longues jambes nues croisées. Ses cheveux tombaient en cascade sauvage sur ses épaules dénudées. Elle avait les bras sur sa poitrine, assez pudiquement, mais il n'y avait pas une chance pour qu'une telle fille, pourvue d'un tel corps et portant une aussi minuscule nuisette soit pudique. Les yeux de Wally lui sortaient de la tête comme les crochets à chapeau d'une église de campagne de Baker County. Charlie était mortifié, et pour des raisons qui allaient bien au-delà de la pudeur. Son fils de seize ans avait un aperçu de la tanière du plaisir, de la chambre du maître, et, sur le bord du lit du maître lui-même, un aperçu interdit de ce pour quoi son père avait quitté sa mère. Charlie regarda Serena. Il avait envie de dire : "Wally, ne regarde pas ! Sors d'ici !" Il avait envie de dire : "Serena ! Pour l'amour du ciel ! Disparais ou couvre-toi !" Mais les mots restaient bloqués dans sa gorge.
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Oserait-il rouvrir les yeux et regarder en bas ? Il ne le voulait pas, mais il ne put s'en empêcher. Exactement comme il l'avait craint, le G5 (NDR son jet privé) était à l'aplomb de Crocker Concourse, lui offrant une parfaite vue aérienne. Tout était là, la tour, le centre commercial, le complexe de cinémas, le complexe hôtels-appartements, l'immense surface asphaltée du parking (manifestement vide). La folie de Crocker ! Il a fallu que tu sautes trop loin dans le futur, pas vrai, Charlie ? D'ici à quelques années, quelqu'un se ferait une fortune grâce à ce qu'il avait mis en place là, une fois que l'autoroute périphérique serait achevée, mais pour l'instant... Trop loin au nord, trop loin de la vieille ville, la vieille Atlanta. Pour l'instant...
Il avait fallu qu'il construise une tour, hein... qu'il étale le nom de Charlie Crocker dans le ciel à quarante étages de hauteur... avec un dôme en guise de cerise sur le gâteau. Vous ne pouviez vraiment pas le rater, le dôme, dans sa splendide solitude sylvestre... Il abritait un planétarium et le Cosmos Club. Les restaurants privés au sommet des gratte-ciel avaient la cote à Atlanta, mais il n'y en avait jamais eu de semblable. Pour le plafond en dôme du club, Charlie avait imaginé un chef-d'oeuvre astronomique, dans tous les sens du terme, conçu par l'observatoire Henry Beuhl Jr. à l'université Carnegie Mellon de Pittsburgh...Crocker Global...Crocker Cosmique...il avait coulé 8,5 millions de $ dans la chose, mais il s'était avéré que personne n'avait envie de conduire jusqu'à Cherokee County pour déjeuner en regardant un tas de fausses étoiles clignoter dans l'obscurité tout en mangeant du thon grillé sur son lit d'algues, ou du couscous marocain, ou l'un de ces trucs dont les yuppies du Grand Atlanta se régalaient régulièrement. Le Cosmos Club avait été une folie horriblement coûteuse...et il était là juste en dessous...
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Dans les hauts parleurs, Doc Refouloir Doc Doc chantait (si on pouvait appeler ça chanter) une nouvelle chanson (si on pouvait appeler ça une chanson). Combien est-ce que je peux l'aimer bien, chantait-il ou rappait-il, quand j'la surprends avec mes frangins ? Ces images d'amour-jalousie, si typiques chez ces troubadours complètement illettrés du "On baise-comme-des-bêtes", irritaient Martha à un point insoupçonnable. Mais que faisait Martha Crocker, née Martha Starling, de Richmond, Virginie, du plus beau quartier de Richmond...Que faisait-elle dans une salle de gym de Buckhead à Atlanta, à subir cette "musique de nègres", comme son père l'avait toujours appelée, musique obscène, sans esprit, totalement vulgaire...? Que faisait-elle à se laisser bousculer, cogner et rabaisser par une bande de filles futiles, sans cervelle, narcissiques et folles de leurs corps, totalement soumises à un tortionnaire turc chauve nommé Mustafa Gunt, qui prenait plaisir à l'expédier, elle, Martha Starling Crocker, dans un footing de cinq étages jusqu'à son seuil de tolérance cardiaque ? Elle avait passé la ménopause. Elle n'était plus assez jeune pour être à l'abri d'une attaque cardiaque...
Pourquoi était-elle dans cette situation ridicule ?
Charlie. C'est toi, Charlie, et toi seul, toi et tes caprices, toi et ton égoïsme sans bornes, qui m'a fait ça ! Tu as éviscéré ma vie si agréable, Charlie ! Et me voilà à cinquante-trois ans, suant comme une bête pour renaître en tant que femme dans cette ridicule fabrique de garçons avec des seins !
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