Le moyen le plus rapide de comprendre les différents aspects de la tâche du romancier n'est peut-être pas de lire, mais d'écrire, de faire soi-même l'expérience des dangers et des difficultés des mots. Ainsi, remémorez-vous un événement qui vous a laissé une impression très nette [...] cet instant semblait concentrer toute une vision, toute une conception du monde.
Mais si vous tentez de le reconstituer avec des mots, vous verrez qu'il éclate en mille impressions contradictoires. Certaines doivent être atténuées, d'autres amplifiées ; et ce faisant, vous perdrez probablement de vue l'émotion elle-même.
Dans quelle mesure, devons-nous nous demander, un livre subit-il l'influence de la vie de son auteur - dans quelle mesure peut-on raisonnablement laisser interpréter l'écrivain à travers l'homme ? Dans quelle mesure devons-nous résister ou céder aux sympathies et aux antipathies que l'homme suscite en nous - tant les mots sont sensibles, réceptifs à la personnalité de l'auteur ? Ce sont des questions qui nous hantent quand nous lisons les biographies et les correspondances, et nous devons y répondre par nous-mêmes, car rien ne peut être plus dommageable que de se laisser guider par les préférences des autres dans un domaine aussi personnel.
Il aimait les livres comme les aime un véritable lecteur, non pas comme des trophées que l'on exhibe, mais comme des êtres vivants qui " doivent être médités, pratiqués et intégrés dans mon corps et dans mon âme. "
À propos de Gabriel Harvey
Nous aurons beau insister sur l'importance d'une neutralité bienveillante ; nous aurons beau nous efforcer de mettre de côté notre identité pendant notre lecture ; nous savons cependant que nous ne pouvons pas nous confondre pleinement avec l'auteur, ni nous absorber pleinement dans ce que nous lisons ; il y a toujours un démon en nous pour chuchoter : " J'aime, je déteste ", et nous ne pouvons pas le réduire au silence. C'est même précisément parce que nous avons cette tendance à aimer et à détester que notre relation avec les poètes et les romanciers est si intime, au point de rendre intolérable la présence d'un tiers.
Si derrière la fusillade fantasque de la presse, l'auteur sentait qu'il existe une autre sorte de critique, l'opinion de gens qui lisent par amour de la lecture, lentement et pour le plaisir, et font preuve dans leur jugement d'une grande compréhension mais aussi d'une grande sévérité, cela ne pourrait-il pas améliorer la qualité de son travail ? Et si grâce à nous les livres pouvaient devenir plus forts, plus riches et plus variés, cela vaudrait le coup d'atteindre pareil but.
Soirée rencontre à l'espace Guerin à Chamonix
autour du livre : Vers l'Everest
de George Mallory
traduit par : Charlie Buffet
enregistré le 24 février 2024
Résumé :
Inédits du célébrissime George Mallory, premier disparu de l'Everest.
«Une masse triangulaire incongrue a surgi des profondeurs; son côté se perdait dans les nuages. Très progressivement, nous avons vu apparaître les flancs d'une grande montagne, ses glaciers et ses arêtes, tantôt un éclat, tantôt un autre à travers les échancrures mouvantes, jusqu'à ce que, bien plus haut dans le ciel que ce que l'imagination avait osé suggérer, apparaisse le sommet blanc de l'Everest. C'était comme la création la plus folle d'un rêve.»
En 1921, un homme marche vers l'Himalaya, fasciné. Il est le premier Occidental à approcher le plus haut sommet du monde, à le décrire, à le photographier, et à s'élever sur ses pentes. Cet homme, c'est George Mallory. Britannique, dandy, courageux dans l'effort et l'inconfort, il est alpiniste par passion, écrivain et artiste par vocation: «Les alpinistes n'admettent aucune différence sur le plan émotionnel entre l'alpinisme et l'Art. Ils prétendent que quelque chose de sublime est l'essence même de l'alpinisme. Ils peuvent comparer l'appel des cimes à une mélodie merveilleuse, et la comparaison n'est pas ridicule.»
Mallory écrivait. Ses textes racontent au plus intime ce que fut l'exploration exaltante de l'Everest jusqu'à ce 8 juin 1924 où il disparut sur les dernières pentes du Toit du monde, qu'il fut peut-être le premier à atteindre. Et où son corps momifié a été découvert le 1er mai 1999.
Tous les écrits de George Mallory sont rassemblés pour la première fois dans ces pages: textes de réflexion, récits d'ascension, lettres à sa femme Ruth, jusqu'au dernier message confié à un Sherpa…
Bio de l'auteur :
George Mallory, né le 18 juin 1886 en Angleterre, fils d'un pasteur anglican, proche du « groupe de Bloomsburry » (Keynes, Virginia Woolf) pendant ses études, alpiniste élégant (une voie porte son nom à l'aiguille du Midi), disparu à l'Everest le 8 juin 1924.
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