AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782363740595
475 pages
13e Note Editions (26/03/2014)
4.34/5   19 notes
Résumé :
Ces 28 récits de vies ordinaires plus ou moins interconnectés, recueillis pour la plupart dans le Sichuan, sont présentés sous forme de questions et de réponses. Ils constituent un témoignage passionnant sur l’histoire de la Chine moderne – du maoïsme et de la révolution culturelle à l’ouverture au capitalisme sauvage et au-delà, en passant par Tiananmen… Liao Yiwu s’attache à transcrire les propos de ses compagnons de cellule ou de vagabondage.
Que lire après La Chine d'en basVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Liao YIWU est un citoyen chinois qui après avoir écrit un poème sur le massacre de la place Tiananmen fut torturé, emprisonné puis contraint de s'exiler en Allemagne. Dans La Chine d'en bas il redonne à ceux qui ont été trop longtemps censurés une voix.Il donne la parole aux oubliés du régime de Mao, à ceux que l'ont a voulu museler, faire disparaître. A travers les voix de ces invisibles c'est toute l'histoire d'un peuple qui renaît.

Liao YIWU dresse un tableau étonnant du peuple Chinois pendant la révolution culturelle entre folklore, vieilles croyances et idéologie poussée à l'extrême. Cela en devient kafkaïen, burlesque, absurde et terriblement triste. On peine à croire qu'une telle dérive a pu se dérouler sans que rien ne soit en mesure de l'arrêter.

Si l'idéologie de départ était d'amener plus d'égalité et d'améliorer la vie des plus pauvres, la réalité fut tout autre. Plusieurs axes ont animé l'idéologie communiste, l'un d'entre eux était de mettre fin à toute croyance religieuse et à tout référence à Dieu. de fait, le petit livre rouge à vite remplacé les textes sacrés et Mao a vite été érigé comme Dieu vivant qu'il fallait vénéré et dont la parole ne pouvait être contester. Les moines furent pris à partie, les religions éradiqués et toute forme de croyances ou de superstitions remplacées par le culte de Mao. Un non sens et une absurdité d'autant plus triste qu'une grande partie du patrimoine en a fait les frais. Combien de temples, de livres centenaires, de statuts, … ont été détruits ? A vouloir détruire le vieux monde, ils ont sectionné les racines d'un peuple et perdu des trésors du passé.

D'un point de vue économique la politique de Mao fut complètement dévastatrice également. Lors du grand bond en avant, il est demandé à tout le monde de produire de l'acier. Mais ça ne s'improvise pas et tous les efforts déployés et les objets sacrifiés pour être fondus l'ont été en vain. Et je ne parle même pas des arbres millénaires coupés pour alimenter les fourneaux. L'acier n'était pas exploitable car réalisé de façon artisanale sans aucun savoir faire. Une perte de temps, d'argent et d'énergie incommensurable. Il en va de même pour la politique agricole qui a imposé de manière empirique de nouvelles méthodes pour cultiver les sols qui n'ont mené qu'à la famine. Les paysans le savaient pourtant mais le dire aurait été s'exposer à la mort car on ne contredit pas le partie et son savoir.

C'est ainsi qu'entre 1958 et 1961 30 millions de chinois sont morts de faim. Un épisode douloureux de l'histoire de la Chine qui a donné lieu a des évènements encore tabous aujourd'hui : le cannibalisme. Celui ci a pris 2 formes différentes. La première est que les populations affamées se sont mises à manger de la chair humaine. D'abord les morts et puis ils ont fini par tuer les plus faibles. Certaines familles ont été jusqu'à échanger leurs jeunes enfants pour ne pas manger leur propre chair et pour nourrir les aînés et leur éviter la mort.
La seconde forme de cannibalisme est plus étonnante mais pas moins glauque. Il s'agit d'un cannibalisme déclenché par le fanatisme. En d'autre termes les ennemis du partie furent dévorés au sens premier du terme. Ces actes eurent principalement lieu dans la province du Wuxuan, on parle de banquets cannibales. Encore aujourd'hui le gouvernement chinois refuse de reconnaître que de tels faits se sont bien déroulés. Pas étonnant.

Le régime mis en place par Mao a mis à mal les fondations de la société chinoise dans son fonctionnement administratif, politique, culturel et dans ses relations internationales. Mais il a surtout déstructuré complètement les relations familiales et plus largement les relations humaines. Les sentiments et les ressentis n'avaient plus de place. Dans cette société martiale, tout était dicté par le parti : la conduite à tenir, les pensées à avoir… A coup de confessions, de dénonciations arbitraires, de camps de rééducation, de séances de dénonciations publiques les relations humaines ont été complètement détruites. Au final c'est une société faite de petits soldats apeurés et dévoués à la cause qui en est ressortie. le héros d'aujourd'hui peut devenir le bouc émissaire de demain. Il est interdit de raisonner il faut obéir, c'est le règne de la terreur qui se met en place, un véritable esclavage idéologique. Tout le monde surveille tout le monde, la vie privée n'est plus qu'un concept abstrait, un vieux souvenir. La population est terrorisée et constamment sur le qui vive.

Mais ce livre c'est aussi une découverte de la Chine dans ce qu'elle a de plus surprenant. C'est ainsi que j'ai croisé un pleureur professionnel, un lépreux qui n'en est pas un, un passeur de frontière qui veut juste passer la frontière mais pas quitter le pays, un embaumeur qui a tout du poète, un pilleur de tombe qui n'a jamais pillé quoi que ce soit, un chanteur de rue, ou mon préféré, un promeneur de cadavres. Mais qu'est ce que ça peut bien être un promeneur de cadavre ? Et bien c'est simple, les chinois considèrent que pour que l'âme soit en paix il faut être inhumé dans la terre qui nous a vu naître. Sauf que la Chine c'est grand ! Donc quand un chinois mourrait loin de sa terre natale, sa famille le faisait rapatrier. A l'époque pas d'avion ou de train mais des promeneurs de cadavres. le promeneur se mettait devant le mort et battait la cadence à coup de oh ho, oh ho, et derrière le cadavre suivait. D'un pas un peu raide certe, mais il suivait. Il n'était pas rare que ces promenades durent plusieurs mois. Mais comment faisaient-ils pour la décomposition ? Et comment ça le cadavre marche ? Et oui... il y a un truc mais il faudra lire pour le connaître !

Parmi tous ces représentants de la Chine malmenés sous Mao, l'auteur évoque les membres du Falun Gong. Ils sont présentés comme des pratiquants de Qi Gong persécutés et torturés par le pouvoir. C'est vrai. Mais j'ai regretté que l'auteur ne précise pas que le Qi Gong n'est pas une religion. Initialement le Qi Gong consiste en des séries de mouvements et de principes de vie destinés à garder les pratiquants en bonne santé. Chaque famille pratiquait le Qi Gong à l'époque et il y avait autant de Qi Gong que de famille. D'ailleurs le régime de Mao s'est, au début, appuyé sur ces pratiques pour garder le peuple en bonne santé à moindre frais, avant de décider de les interdire. le Falun Gong est en fait une dérive sectaire de la pratique du Qi Gong qui n'a plus rien à voir avec sa destination première. Son maître à penser, Li Hongzhi, véhicule d'ailleurs des idées surprenantes. Un mélange entre taoïsme, bouddhisme et physique quantique mêlé de préjugés le tout saupoudré d'un genre de puritanisme à la sauce Confucius et d'extraterrestres… ajoutez un peu d'homophobie et de racisme et voilà vous avez une vague idée de ce qu'est le mouvement. Ce n'est pas évoqué dans le livre et ça m'a un peu dérangé mais ce ne sont que quelques pages sur des centaines et on sort du thème évoqué qui demeure le grand dérapage de la Chine communiste de Mao.

Un livre passionnant qui se lit très facilement et qui est une source incroyable d'informations.
Commenter  J’apprécie          5846
Par une série d'entretiens, parfois retranscrits tels quels parce qu'enregistrés, parfois reconstitués selon les notes prises ou les souvenirs gardés des rencontres, Liao Yiwu raconte la « Chine d'en bas », celle des laissés pour compte, celle de ceux qui ont beaucoup perdu avec l'arrivée de Mao et de la République Populaire de Chine, parce que propriétaires, parce qu'exerçant des métiers considérés comme dangereux pour la République…

L'auteur, qui a lui-même quitté clandestinement son pays en 2011, après avoir, pendant longtemps, et depuis 1989, été un dissident politique, régulièrement emprisonné, dans tous les cas ostracisé lorsqu'en liberté, fait ainsi un choix particulièrement engagé, qui sert avant tout à dénoncer le système dictatorial qu'il choisira, par la suite, de quitter. Car en effet, dans chaque entretien, ce sont certes des laissés pour compte, des oubliés de la Chine, qui prennent la parole, qui racontent toutes les brimades, toutes les violences vécues, tout ce qu'on leur a fait subir alors qu'ils étaient considérés comme irrespectueux des règles chinoises en vigueur – alors que ces règles ne sont pas forcément respectées pas ceux qui possèdent le moindre pouvoir – , mais l'on comprend très vite que c'est la République Populaire de Chine qui, de manière plus ou moins insidieuse, en a fait des laissés pour compte, dans le but tout à fait pervers de leur soustraire la moindre influence possible sur le reste de la population – ce qui a, finalement, été tenté pour Liao Yiwu, mais sans succès.

Tout comme j'avais apprécié lire La dénonciation de Bandi cet été, qui dénonçait par l'intermédiaire de nouvelles le régime nord-coréen, j'ai apprécié découvrir ces avatars de la Chine, connus du grand public malgré tous les efforts des autorités pour les censurer, qui prennent ici visage humain via des histoires tout à la fois banales et terribles, pouvant arriver à n'importe qui, n'importe quand.
Lien : https://lartetletreblog.com/..
Commenter  J’apprécie          160
Un livre très intéressant, découvert grâce à Babelio. Liao Yiwu utilise la même approche que Xinran, il va à la rencontre des gens et nous partage ses entretiens avec chacune des personnes rencontrées.

Ses interviews sont plus courts que ceux de Xinran et plus masculins. Dans ce livre, il va tout particulièrement à la rencontre de ceux qui ont souffert à travers les différentes crises du régime chinois. Chaque interview a quelque chose d'unique, de fort, d'incroyable : la traite des femmes pour les villages sans femme, les séances de dénonciation, le cannibalisme pendant la grande famine, la destruction des temples bouddhistes, la destructions des cuisines individuelles au service d'une seule cantine collective pour tout le village, jusqu'à Tiananmen... On admire la résilience de ceux qui ont réussi à traverser toutes ces épreuves.
Commenter  J’apprécie          61
Galerie de portraits chinois incroyables. Parfois présenté comme une rencontre fortuite entre l'auteur et le protagoniste, chaque personnage, chaque classe sociale y va de sa petite histoire pour brosser un portrait ô combien ravageur de la Grande Histoire : les années Mao (et un peu après). C'est pourtant une période que l'on sait tragique, mais que l'on connait, en France, plutôt mal. Ce livre, témoignage choc arraché au prix de larges sacrifices par son auteur, corrige le tir : oui, c'était l'Horreur, mais en voici les détails. Absolument saisissant, ce livre mérite d''être diffusé à un large public, surtout lorsque l'on connait les difficultés éditoriales de 13e note et le danger qu'ils disparaissent.
Commenter  J’apprécie          50
Très loin des conventions, le portrait que brosse Liao Yiwu de la "Chine d'en bas" – sans doute la "vraie" Chine – est époustouflant. Donnant la parole à des laissés-pour-compte, parfois détestables, souvent remarquables, l'auteur nous livre un recueil d'interviews dynamiques, aussi intéressantes et agréables à lire que celles entre Evan Wright et un certain Jon Roberts.
Rebelle politique, Liao Yiwu donne à voir une Chine impitoyable, aux développements à vitesses multiples, constamment déchirée entre modernité et traditions. Des récits de vie précieux, nécessaires ; une lecture unique qui s'avère indispensable pour remuer l'indolence occidentale !

Je vous invite à découvrir l'intégralité de ma critique sur la chaîne YouTube le Rouquin Bouquine:
http://www.youtube.com/watch?v=WAJ-rTgtsqc
Et pour m'entendre raconter un extrait du livre (et quel extrait !), c'est par ici:
https://www.youtube.com/watch?v=amtkFPALF7A
Lien : http://www.youtube.com/chann..
Commenter  J’apprécie          60

Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Mon frère, Zhou Shugui, était le mouton noir de la famille. Il est mort depuis longtemps, mais je ne lui ai toujours pas pardonné. Un jour on réglera nos comptes, même si pour cela je dois aller le rejoindre en enfer. Bref, après avoir reçu sa part d’héritage, ce vaurien s’est mis à fréquenter la ville deux fois par mois, pour aller festoyer dans les bons restaurants, voir les prostituées et, pire encore, fumer de l’opium. Un jeune homme comme vous ne sait probablement pas les dégâts que cause la dépendance à l’opium. Une existence fichue, de l’argent jeté par les fenêtres : voilà ce que fut la vie de mon frère. En quelques années, il a vendu ses terres, puis sa maison. Et vous savez le pire ? Il a été jusqu’à mettre son épouse en gage. Quand elle l’a appris, elle a voulu se noyer dans l’étang voisin, mais ses proches l’en ont empêchée. Mon frère n’a pas changé pour autant. En fin de compte, me belle-sœur est allée demander au chef du clan des Zhou l’autorisation de divorcer.
Le chef du clan a ordonné à un garde de sortir de force mon frère de sa maison pour l’attacher au tronc d’un arbre, au centre du village. Mon frère a passé une semaine sous une pluie battante ou sous un soleil de plomb. C’est comme ça qu’on désintoxiquait les gens à l’époque.
Commenter  J’apprécie          10
Ma femme est morte pendant la famine de 1960, comme des millions d’autres gens cette année-là. N’ayant aucune possibilité de lui offrir une tombe avec un bon feng shui, j’ai creusé un trou dans un endroit choisi au hasard, et je l’ai enterrée. Comme vous vous en doutez, elle est née et morte pauvre. Avec son mauvais karma, elle risque de gâcher le bon feng shui de mes descendants si on m’inhume à ses côtés. Mais si je suis enseveli tout seul, yin et yang ne seront pas en harmonie. C’est pour cette raison que je dois rejoindre Ruan Hongyu dans la mort.
Commenter  J’apprécie          30
D’une société communiste dogmatique, nous évoluons vers une société obsédée par le commerce. Les gens ne pensent qu’à gagner de l’argent. Les souffrances de ma génération n’intéressent personne. Cette indifférence ne m’atteint pas et n’influence aucunement ma musique. Mes aspirations artistiques sont tout autres. Je compose une série d’élégies dédiées à la nation entière, aux millions de victimes du maoïsme, mortes pour rien. Si la musique de Chostakovitch fut un témoignage des horreurs de l’époque stalinienne, la mienne sera… je n’ai pas envie de terminer ma phrase. Je pense que ma musique se révélera utile le Jour du Jugement dernier parce qu’elle est éternelle.
Commenter  J’apprécie          20
Vous avez sacrément raison. Ma musique est dépourvue de tendresse. Elle est un grand lac noir, plein de boue, de larmes, de sang, de gémissements et de hurlements dévalant des rivières environnantes. C’est pour cela qu’elle est sombre, dense et profonde. Certains artistes mièvres prétendent que l’amour est tout. Connerie. Quand on conteste votre droit de vivre, où se trouve l’amour ? Le 4 juin 1989, les soldats ont ouvert le feu sur les étudiants et les habitants de Pékin ; mille cris d’amour n’ont pas été capables d’arrêter une seule balle.
Commenter  J’apprécie          10
De nombreux droitistes en ont soufferts ou en sont morts (de la famine). Mais les médecins et les infirmières de l’hôpital rural où je travaillais avaient droit à des rations alimentaires un peu plus importantes que les autres. Et Guan Dong ne cessait de harceler les fonctionnaires pour obtenir davantage de nourriture. On ne nous donnait pas de viande ; notre seule source de protéine était le placenta que je rapportais de l’hôpital. Les gens du coin n’y touchaient pas, par superstition. Nous avons eu de la chance de survivre.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Liao Yiwu (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Liao Yiwu
Tribunes de la Presse - Raconter Tian’anmen
autres livres classés : littérature chinoiseVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (58) Voir plus



Quiz Voir plus

L'Année du Dragon

Ce samedi 10 février 2024, l'année du lapin d'eau laisse sa place à celle du dragon de bois dans le calendrier:

grégorien
chinois
hébraïque

8 questions
128 lecteurs ont répondu
Thèmes : dragon , Astrologie chinoise , signes , signes du zodiaques , chine , culture générale , littérature , cinemaCréer un quiz sur ce livre

{* *}