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EAN : 9782070729630
132 pages
Gallimard (11/02/1993)
3/5   3 notes
Résumé :
«J'ai désiré en finir une bonne fois avec la bêtise qui englue la question Céline. Bêtise des anticéliniens et bêtise des céliniens, cécité de Sartre et bêtise rebattue de Rebatet, bêtise maximale des antisémites et bêtise râleuse des moralisateurs...On a beaucoup écrit sur l'épineux cas Céline, de très bonnes choses parfois - rarement, qu'on se rassure -, mais il semble que nul n'ait traité la question en adoptant une position fondamentalement littéraire (ni histor... >Voir plus
Que lire après Céline seulVoir plus
Citations et extraits (154) Voir plus Ajouter une citation
Que Simeone me prête une interprétation de l'écriture célinienne3
, soumise
à un « fétichisme de la douleur », correspondant au « comble de l'excès »,
indiquant « le comble de la laideur et de l'écartèlement », alors que cette
interprétation absurde est très précisément révoquée par moi dès les premières
pages de mon livre (page 20 pour être précis), lorsque je critique et réfute la
vision « existentielle » d'Arnold Mandel traitant d'un « dibbouk » de Céline,
dans son texte intitulé D'un Céline juif.
Que Simeone enfin, avec la même affligeante malhonnêteté intellectuelle
que Martin, cite parfaitement hors contexte ma phrase concernant les positions
« éthique » et « esthétique » de Céline4
, alors que j'ai pris la peine de préciser
très clairement ce que j'entendais par là : L'éthique est celle du face-à-face
lévinassien. Elle correspond en l'occurrence à l'anecdote, en défense de Céline,
confirmée par le résistant Chamfleury qui vivait à l'étage au-dessous, contre les
attaques de Vailland, anecdote (à laquelle je fais simplement allusion tant elle
est connue des spécialistes) qui concerne un résistant soigné par Céline. Ce
passage de mon livre sur l'« éthique de Céline » est d'autre part de la manière la
plus nette consacré à la condamnation de l'épuration (les femmes tondues) et du
révisionnisme, et aucunement à la glorification ou au dédouanement de
3
« Au culte esthétique de la littérature pure (et noire), s'ajoute, chez ceux qui idolâtrent l'auteur de Mort à crédit,
le fétichisme de la souffrance : parce que l'écriture serait le comble de l'excès (ne l'a-t-on pas dit de Gadda ou de
Thomas Bernhard ?), elle indiquerait le comble de la laileur et de l'écartèlement – d'un côté le Céline “seul”... »
etc. Voir note précédente.
4
« Jean-Pierre Martin déconstruit implacablement cette perversité, ainsi que la lecture arrogante de l'œuvre de
Céline que Zagdanski propose et qui atteint son sommet quand le jeune écrivain assène : “Il faut souligner au
passage comme la position éthique de Céline, dans cet ennuyeux cauchemar qu'est le XXe
siècle, est parfaite, en
raison même de sa position esthétique.” »
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l'antisémitisme de Céline, comme voudraient le faire croire mes deux
contradicteurs.
Quant à l'esthétique de Céline, tout mon livre y est consacré: il s'agit de « la
conviction que le mensonge est constitutif de l'espèce huamine » ; il s'agit de sa
théorie du « chromo » et du « faux » en littérature et en art ; il s'agit enfin de ce
que je nomme d'emblée la « poétique du Délire » qu'a fréquemment développée
Céline.
Je le répète : on peut ne pas être d'accord avec mes analyses et mes idées,
mais il est d'une probité douteuse de m'attaquer tout en les passant sous silence,
pour ainsi mieux laisser entendre que je serais complice de l'antisémitisme de
Céline.
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Traite des styles

Bagatelles, qui s'ouvre sur une question d'antagonisme purement littéraire,
ne cessera plus d'y revenir de sorte qu'il faut concevoir ce pamphlet comme un
véritable Traité de style. L'antisémitisme n'y est pas pour autant accessoire, au
contraire, il s'inscrit au cœur de cette joute entre les faux et les vrais « raffinés »,
les faux et le vrai écrivain. Car dès que Céline quitte les lieux communs
antisémites, tous les lieux communs les plus contradictoires et risibles et
hargneux de l'époque qu'il rassemble en un gigantesque galimatias de citations
comme pour établir un recueil de la bêtise haineuse, un hainana, dès que Céline
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donc quitte les clichés antisémites, il revient par saccades de son aviron spirituel
en une longue vrille capricante autour d'un seul axe, devançant de la sorte le
jugement qu'on portera à l'unanimité sur lui après sa mort, s'attribuant, sans
attendre que ses contemporains acquiescent, la première place sur le podium du
Siècle, discutant juste la photo du finish qui le classe ex aequo avec le plus
fabuleux juif de la langue française, Marcel Proust.
En 1937, à l'époque de Bagatelles, le génie de Proust est enfin franchement
reconnu. Céline est pour sa part pleinement conscient d'avoir enclenché avec le
Voyage quelque chose d'unique et de proprement scandaleux dans l'histoire de la
littérature. Contredisant ainsi le constat d'absolument tous les critiques, il
rétorque à Albert Zbinden venu l'interviewer à Meudon vingt années plus tard
que non, il n'y a pas de différence de style entre Le Voyage et D'un château
l'autre, confirmant cette phrase de Mallarmé, cité par Proust dans Contre
Sainte-Beuve : « Un critique est une personne qui se mêle de ce qui ne la regarde
pas. »
Jusqu'à la fin de sa vie les interviewers tenteront de lui faire avouer que son
antisémitisme est la cause de tous ses malheurs, et jusqu'à la fin de sa vie il
rétorquera, plus pertinent qu'eux tous, que la meute de ses ennemis ne lui vient
strictement pas de ses pamphlets. Il l'écrit très explicitement en préface à une
réédition de son premier grand succès, en 1949.
« Vous me direz : mais c'est pas le “Voyage” ! Vos crimes là que vous en
crevez, c'est rien à faire ! c'est votre malédiction vous-même ! votre
“Bagatelles” ! vos ignominies pataquès ! votre scélératesse imageuse,
bouffonneuse ! La justice vous arquinque ? garotte ? Eh foutre, que plaignez ?
Zigoto !
Ah mille grâces ! mille grâces ! Je m'enfure ! fuerie ! pantèle ! bomine !
Tartufes ! Salsifis ! Vous n'errerez pas ! C'est pour le “Voyage” qu'on me
cherche! Sous la hache, je l'hurle ! c'est le compte entre moi et “Eux” ! au tout
profond... pas racontable... On est en pétard de Mystique! Quelle histoire ! »
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– Fine, féérique, fidèle à fond. Pendant que je parlais de la Bible et de
Céline, elle répétait à sa voisine de table, tout en m’écoutant : « Louis me le
disait : “Il n’y a que les juifs qui me comprennent !” »
– C’est un beau compliment.
– C’est toi mon plus beau compliment.
– Merci.
– De rien.
– Tu ne t’es jamais dit que la réaction négative à ton livre venait de la part
de gens choqués par l’antisémitisme de Céline ?
– Tu es trop candide, mon cœur. Tu oublies que nous sommes dans un des
pays les plus traditionnellement antisémites de la planète. Lorsque la seule pièce
de théâtre jamais écrite par Céline, L’Église – un mauvais brouillon du Voyage
qu’il renia vigoureusement («C’est du Shakespeare revu par Berlitz.») –, fut
montée sur scène quelques mois avant la sortie de mon livre, la presse a été
unanimement emballée : « Le meilleur pour la fin ! », « Une féérie débraillée »,
« Voyage au bout de Céline », « Sur le parvis de Céline », « Céline, rage et
compassion », « L’univers méchamment drôle de Céline », « Une liberté quasi
féérique », « Cruauté et tendresse », « Une cathédrale », « De Céline à
Sophocle », etc.
– Peut-être parce que c’est du théâtre...
– Surtout parce que c’est un texte furieusement antisémite, mais dont les
passages délicats ont été en l’occurence nettoyés ad usum delphini. C’est ainsi
devenu un ersatz de pamphlet antisémite, un pamphlet antisémite sans matières
grasses, immédiatement assimilable, sans culpabilité ni remords. D’où ce succès
phénoménal. Sartre, déjà, avait goulument gobé l’hameçon dans La Nausée.
– Tout ça est si compliqué.
– Alors disons-le autrement. Si Céline était destiné à ne pas demeurer
antisémite, c’est que sa demeure était le style au sens où le langage est la maison
de l’Être. Or l’Être lui-même, comme le précise Heidegger dans la Lettre sur
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l’humanisme, « est le lieu du combat entre l’indemne et la fureur ». Ailleurs,
Heidegger indique que se joue, dans « l’histoire la plus cachée de l’Occident »,
la « lutte poétique et conceptuelle pour le Verbe de l’Être ». Céline s’est laissé
prendre dans ce tangage, mais il en est sorti victorieux en pensée et en poésie.
Ayant dit et montré que Céline avait trop de style pour persévérer dans
l’antisémitisme, et l’ayant moi-même dit en style, j’ai déclenché une réaction
globalement antisémite qui ne visait, à travers moi, que le style de Céline. Tout
cela est si clair. D’ailleurs Céline l’avait prévu. Dans un enregistrement de 1959,
il répète à plusieurs reprises une phrase fatidique : « L’affaire est entendue. »
– C’est une belle conclusion : « L’affaire est entendue. »
– « L’affaire est entendue. » Or on m’a fait un crime d’avoir de l’oreille.
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Mais ce serait trop despotique, n'est-ce pas ? Trop terroriste et
concentrationnaire de me citer ainsi moi-même sans me tronquer et sans délirer
dans l'interprétation à côté de la plaque de mes propres phrases.
Je laisse donc la parole à Lévinas, que Néo-Y n'a pas lu, j'en suis sûr. Il
n'aurait pas manqué de remarquer, sinon, que chaque page de mon absurde, mon
arrogant livre Céline seul, est écrite sous l'influence de l'admirable philosophie
éthique de Lévinas et de sa réhabilitation profonde de la pensée juive.
« Le métaphysicien et l'Autre ne constituent pas une corrélation
quelconque qui serait réversible. La réversibilité d'une relation où les termes se
lisent indifféremment de gauche à droite et de droite à gauche, les accouplerait,
l'un à l'autre. Ils se complèteraient en un système, visible du dehors. La
transcendance prétendue se résorberait ainsi dans l'unité du système qui
détruirait l'altérité radicale de l'Autre. L'irréversibilité ne signifie pas seulement
que le Même va vers l'Autre, autrement que l'Autre ne va vers le Même. Cette
éventualité n'entre pas en ligne de compte : la séparation radicale entre le Même
et l'Autre, signifie précisément qu'il est impossible de se placer en dehors de la
corrélation du Même et de l'Autre pour enregistrer la correspondance ou la noncorrespondance de cet aller à ce retour. Sinon, le Même et l'Autre se trouveraient
réunis sous un regard commun et la distance absolue qui les sépare serait
comblée. L'altérité, l'hétérogénéité radicale de l'Autre, n'est possible que si
l'Autre est autre par rapport à un terme dont l'essence est de demeurer au point
de départ, de servir d'entrée dans la relation, d'être le Même non pas
relativement, mais absolument. Un terme ne peut demeurer absolument au point
de départ de la relation que comme Moi. »
Dois-je traduire ?
Parce que Céline est mon Autre, j'ai pu le lire et l'interpréter avec
sympathie, calme, détachement. Je ne partage aucune communauté avec son
racisme et son antisémitisme, je n'ai donc pas eu à m'en indigner, car je ne m'en
suis pas senti complice.
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Être soi-même convaincu de la véracité contagieuse du discours dont on prétend
se distancer, ça porte un nom. C'est le racisme inconscient du non-style. Ce que
Néo-Y nomme, après Barthes, « la poisse du sens ».
Ainsi le sens poisseux et infâmant donné par ses ennemis les racistes au
mot « Arabe » lui colle tellement au cervelat qu'il pavlovise spontanément le
mot « beur » (réaction d'une affligeante banalité) pour se démarquer d'eux, ne
s'apercevant évidemment pas que cela revient ainsi à leur donner d'avance
raison.
Reprenons notre explication de texte :
« Un beur, assis. »
Bon. Bon bon bon. Quel âge avait-il, dans son fantasme (pardon, sa
« vision »), cet homme arabe ? Quelle était la couleur de ses yeux ? Était-il
triste ? gai ? pensif ? en train de lire un livre ? un journal ? dans quelle langue ?
Comment était-il habillé ? Venait-il de faire l'amour ? Souriait-il ? Grimaçait-il ?
Quel âge avait-il ? Quel était son nom ? Sa langue ? Quels livres avait-il dans sa
bibliothèque ?...
On n'en saura rien, le génie Jean-Pierre Martin persécuté par Méchant
Céline garde le silence ! Ce Martin est étrangement léger sur les matières
purement humaines. C'est un assez mauvais point lorsqu'on se prétend
romancier. Résumer un Arabe dans le métro à son étiquette de « beur, assis », ça
frise le déni d'humanité. Et puis, question « musique », « beur, assis », ça sonne
légèrement comme « beurre rassis » et « beuh raciste ». Heureusement qu'il a
mis une virgule, maligne trouvaille de sa part pour noyer la poisse !
Cela dit, « assis » comment ? Les jambes croisées, écartées, mains sur les
genoux, déhanché, raide, assoupi, absent, concentré, frais et dispos,
impassible... ? Il aurait pu préciser ! Dès qu'il ne s'agit plus de mimer les
vociférations racistes, Martin est très à court de vocabulaire.
Continuons. Dans ce métro fantasmatique (pardon : visionnaire), tout à
coup, Jean-Pierre Martin est témoin... d'une abominable scène de racisme !
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Vidéo de Stéphane Zagdanski
Explication philosophique, herméneutique et théologique de l'antisémitisme chrétien et musulman, par Stéphane Zagdanski, auteur de "De l'antisémitisme" (Rivages/Flammarion 2006)
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