Stéphane Zagdanski nous propose un ouvrage qui démarre sur les circonstances entourant l'affaire DSK au Sofitel de New-York. Son objectif n'étant pas d'écrire les aventures du patron du FMI, il va faire commenter les faits par une bande de pensionnaires du Manhattan Psychiatric Center.
Il va donc inviter avec son narrateur, un psychotique surnommé « Sac d'os » et tatoué d'un squelette sur tout le corps, les grands commentateurs que sont
Antonin Artaud, Kafka, Marx , Debord, Freund, qui chacun dans sa spécialité va extrapoler la réflexion à la situation de notre monde et de son évolution. Ils seront aidés en cela par de nombreuses références à
Nietzsche.
Cette affaire cristallise la barbarie du monde et l'étiolement de notre civilisation.
En effet, la parole semble disparaître alors qu'elle était le fondement de nos civilisations. Elle se meurt par atrophie, les tics verbaux, les discours politiques ou économiques dans lesquels il est bon de s'afficher en expert sans se soucier de la faisabilité des choses.
On a transformé le verbe en chiffres. On parle de la Shoah en termes de statistiques, les traders tiennent le monde car l'activité humaine st devenue tributaire de leurs résultats.
C'est l'occasion d'un plaidoyer contre la finance et surtout ceux qui se considèrent comme des experts incontournables, reprenant certaines références comme
Keynes,
Schumpeter, etc.
L'auteur démontre ainsi qu'un certain nombre de déclarations du FMI se sont avérées parfaitement fantaisistes sans que personne ne s'en souvienne par la suite. Ces financiers et dirigeants politiques sont décortiqués et présentés comme des apprentis sorciers.
Mais c'est aussi une diatribe contre « J't'enyoutube, Fuitter et cancanpédia » (P 241)
Au bout de cent pages, on ne sait toujours pas quel ouvrage on est en train de lire : Livre d'histoire, de sciences, d'économie, de philosophie, de politique, ?
La couverture précise qu'il s'agit d'un roman. Oui, mais on pourrait dire aussi qu'il s'agit d'un essai, d'un pamphlet.
En tout état de cause c'est un roman très documenté aussi bien sur la finance que sur la psychiatrie, l'affaire DSK, l'antisémitisme, etc...
Il est également très bien écrit, avec un vocabulaire riche, voire luxuriant, une utilisation intelligente de la langue Française.
Mais, s'il s'agit d'un roman érudit, c'est aussi un roman loufoque et très dérangeant.
J'ai vraiment hésité à lui attribuer une note : 3 parce que c'est un roman intéressant, ou 5 parce qu'il est génial en termes de style, d'originalité et d'écriture.
Ce sera finalement 4,5 car je trouve qu'il est vraiment original et rare, mais qu'il reste parfois un peu difficile à lire.