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Critique de Syl


Syl
15 novembre 2012
L'auteur narre Nicolas et Pauline qui vivent depuis deux ans une histoire d'amour. Ce roman est une analyse de leur vie à deux, des jouissances, de leur rythme, leur entente, leurs désirs, leurs aspirations… Parfois Nicolas raconte, parfois c'est Pauline qui se confie.

Les premières pages sont consacrées à Nicolas qui parle de la jouissance masculine, celle qui s'exprime trop promptement. Il se rappelle de quelques conversations sur le sujet, en 1928, entre Raymond Queneau et André Breton.
« Combien de temps mettez-vous à éjaculer à partir du moment où vous êtes seul avec la femme ? »
Noie-t-il le véritable sujet en évoquant ces penseurs surréalistes ? Car Nicolas a des doutes. Alors qu'il fait l'amour à sa femme, il fantasme sur une autre…
Il se demande si l'excitation des débuts s'amenuise, si l'amour se pare d'une autre dimension, si rêver est tromper ? Si le fait de rester avec Pauline tient plus de la paresse… et « comment naît l'amour ? » L'image de son couple se projette bizarrement sur un autre tandem. Il évoque l'union France-Allemagne, une entente au préalable faite de politesse. Il revoit Mitterrand et Kohl, main dans la main, pour une amitié éternelle.
Nicolas pense beaucoup… Il voudrait être réalisateur, il est scénariste. Il s'enfuit souvent dans ses songes, ses raisonnements et ses combinaisons, ce qui effraie Pauline. Donc, pour la rassurer, il fait semblant. Il la rassure d'un sourire. Certes factice, mais il fait l'effort.
Puis il y a Sofia, la belle, sauvage et libre polonaise, une amie de Pauline. Sofia qui joue un rôle dans les chimères de Nicolas. Tout cela contredit son éducation, la morale, judéo-chrétienne et il s'en dégoûte, mais pas pour très longtemps car il y a Victoria…
D'autres personnages font des apparitions. Milan Kundera, Beethoven, Jean-Luc Godard, Roberto Rosselini, Brigitte Bardot, Platon, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Jonathan Littell… Nicolas mêle à son récit des anecdotes littéraires, cinématographiques, musicales, dans l'art, l'amour et la passion.

Pauline… a des craintes. Elle a le flair. Si Nicolas est toujours ancré dans « la jouissance », apanage de la génération 80, elle, s'est bien réveillée de ses vingt ans. Son destin, elle le construit. Elle recherche un compagnon, lui une amante, une amie, une mère. C'est Sofia qui la rassure et qui lui parle de l'infidélité, qu'elle argumente ainsi : « Il reste avec toi ? Alors ? » Oui ! de quoi se plaint-elle ? Il faut « réinventer le couple ».
Mais ce n'est pas suffisant car Pauline choisit la responsabilité à l'hédonisme.

Structurer, faire comme leurs parents avant eux, rechercher l'assurance et la sécurité, faire un enfant. Sont-ils prêts ? le mot « sacrifice » est lâché, il vient en opposition avec « la jouissance », celle qui se vit dans le présent, l'instant artificiel. La société est ainsi édifiée, celle de la consommation, du zapping, de l'individualisme, de la légèreté et de la vulnérabilité, du momentané… et la quête constante de l'amour. L'histoire est banale, moderne, elle est la chronique d'une mort annoncée.

Un livre que je pourrais vous conseiller ; l'écriture est belle.
Voici un extrait que j'aime particulièrement…

« … Serait-ce un plaisir de tête ?
On serait tenté de répondre : oui. Mais pour elle, qui aime André Breton, il s'agit moins d'un plaisir que d'une offrande. Elle a lu L'amour fou, cet éloge de la fusion, et elle a été marquée par sa beauté compulsive. Les phrases de Breton se sont immiscées dans sa vie, si bien qu'elle regarde aujourd'hui l'amour comme la certitude poétique qu'un seul individu nous correspond. Elle ne croit pas que le temps érode fatalement ce sentiment. Selon elle, il ne l'érode que pour ceux qui manquent d'imagination. Pour les autres, aimer, c'est jeter sur la vie une passerelle vers le merveilleux, et cela implique de déposer aux pieds de l'autre tout ce que l'on est : pleurs, inspirations, rêves et intestins.
C'est ainsi qu'elle abolit toutes les frontières qui la séparent de Nicolas. »
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