AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782264005328
10-18 (09/09/1998)
4.17/5   6 notes
Résumé :
Alexandre Ziniviev continue ici son autopsie burlesque autant que clinique du totalitarisme dans son fonctionnement quotidien. Cette fois l'auteur des "Hauteurs béantes" et de "l'Avenir radieux nous décrit la vie d'un "marginal" made in URSS : celui qui s'appelle lui-même un "exclu volontaire". Mais en même temps le veilleur de nuit se sent désespérément seul, car dès son éviction, la société s'applique à créer le vide autour de lui, ses collègues et "amis" se détou... >Voir plus
Que lire après Notes d'un veilleur de nuitVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Le veilleur de nuit était à la base un honnête citoyen, fervent partisan de l'Ibanisme. Et puis, un soir, lors d'une réunion officielle, il est pris d'un coup de folie : après un anodin petit mensonge, il se demande tout haut ce que tout le monde sait sans le dire, à savoir si on ne se foutrait pas des fois un peu du monde.

La sanction est immédiate : exclu du parti, renvoyé de son travail, exilé dans un petit bureau minable. Comme le vide se fait autour de lui, le veilleur s'attache à décrire le fonctionnement de la société ibanniene. Pas de grandes théories, juste une observation méticuleuse du comportement de ses habitants : c'est en examinant la base qu'on pourra réellement comprendre le tout. Culture de la délation, promotion du plus petit gangster en activité, croyance ferme en une production de blé accrue alors que l'assiette se vide, il y a de quoi surprendre un touriste.

Zinoviev critique bien évidemment le communisme russe, bien que nombre de ses observations peuvent s'appliquer à beaucoup de gouvernements... le non-initié à la politique ne sera pas dépaysé ! de temps en temps absurde, parfois caustique, souvent drôle, ces notes se dégustent avec délectation.
Commenter  J’apprécie          241
Jeu de rôle sur une remise en question, celle d'un élément voulant cesser d'être une simple partie d'un tout ?

Exclusion, réflexion, introspection et remise en cause du bien fondé de toutes ces certitudes ne pouvant être que le reflet de l'authenticité.
Celle que l'on a déclaré en tant que telle, bien sûr.

Roman d'une philosophie et d'une politique en perdition ou en errance, peut être ?

Peinture d'une société aux touches d'ironie et de sarcasmes, frôlant l'absurde, l'insensé; mais par rapport à quoi ? à ces gens, tels de bons éléments formant un tout qui ne peuvent, en aucun cas, changé de position ou de ton sans devoir sortir de ce tout ?

Est ce bien cela la réalité de cette politique se réclamant de l'unité d'un tout, devant sa force à son unité, pourtant si fragile, au travers du style de son auteur; Alexandre Zinoviev.
Commenter  J’apprécie          110

Citations et extraits (5) Ajouter une citation
[N]ulle part l'essence la plus profonde et en même temps la plus superficielle de l'ibanisme ne se voit mieux que sur notre lieu de travail.

De ce point de vue, mon bureau est typique. Il est difficile de comprendre quelle est la teneur de son activité productive. D'ailleurs ça n'a aucune importance. Ce genre de bureaux surgissent par des voies mystérieuses et existent au moins pour que quelques centaines de personnes puissent en tirer leurs moyens d'existence, tuer le temps comme ils peuvent, dépenser leurs meilleurs dons et sentiments, recevoir des logements, des congés payés dans des maisons de repos et autres biens du même type. Dès que surgit une entreprise ou un bureau de ce genre, aucune force à Ibansk ne peut plus la détruire, même si chacun comprend parfaitement qu'elle ne sert à rien. C'est en ce sens que l'Ibanien ne se soucie pas du lendemain. La peur du chômage lui est inconnue. D'abord, personne ne permettra qu'on fasse disparaître l'entreprise, car il n'y a que très peu de personnes pour le vouloir réellement. Ces dernières sont d'ailleurs le plus souvent des contestataires-jamais-contents ou bien de jeunes arrivistes qui veulent se tailler un chemin en se mettant dans le vent. Or, on n'aime ni les uns, ni les autres à Ibansk. Ensuite, les dépenses excéderaient de beaucoup le coût de son existence. La liquidation, cela signifie des commissions, des comités, des réunions, des mises en congé, etc. Comme le bureau s'enracine dans l'existence des dizaines d'entreprises avec lesquelles il forme un tout organique, sa liquidation suppose leur réorganisation. En outre, il faut reclasser le personnel. Enfin, le processus de liquidation lui-même engendre des commissions et des comités qui finissent par se transformer à leur tour en bureaux du même type, si bien qu'au lieu d'un bureau habituel et bien tranquille, on en aura au moins deux, mais cette fois, jeunes, agressifs, et en plein développement. Pour un héros tombé, une armée de combattants qui se lève !
Commenter  J’apprécie          120
C'est curieux, dit le Physicien. J'ai déjà fréquenté des milieux très variés : des académiciens, des écrivains, des généraux, des ministres ... Un jour j'ai même été invité par le Grand Chef ! Eh bien, c'était partout la même conversation : la bouffe, les nippes, les appartements, les maisons de campagne, les voitures ... Au mieux, on parlait des bonnes femmes. Les seules variations touchaient les niveaux et les formes des conversations, parfois seulement, les expressions employées. Par exemple, l'Académicien disait : « coucher », le général : « sauter », le ministre : « tringler » et l'écrivain (le mieux éduqué bien sûr) : « foutre ». Sinon, c'est toujours la même chose. C'est seulement depuis qu'on m'a vidé de partout que je commence à avoir des conversations intéressantes avec les gens.
Commenter  J’apprécie          200
Bien sûr que nous vivions mal à l'époque. Mais ce n'était pas pire que maintenant. Ni meilleur non plus. C'est simplement que la vie s'est déplacée par rapport à nous, il y a eu un changement d'angle. Par exemple, actuellement, nous n'avez pas de voiture. C'est aussi le cas de la majorité d'entre nous. On peut imaginer que dans dix ans, chacun en aura une, de même que de nos jours, toutes les familles ont un réfrigérateur et un poste de télévision (ce que nous ne pouvions même pas soupçonner de notre temps). Qu'est-ce que ça changera ? Nous avons bien une vie, mais elle ne nous appartient pas. Si nous avons du travail, c'est parce qu'on veut bien nous en faire l'aumône. Si nous avons accès à certains biens, c'est parce qu'on veut bien nous en faire l'aumône. Nous ne sommes pas maîtres de notre vie, ce n'est pas la nôtre. On parle de liberté d'expression, liberté de la presse, d'information, de libre circulation... C'est ridicule, tout ça ! Ce pour quoi on doit se battre, ce n'est pas une amélioration de l'existence, mais une participation à l'existence.
Commenter  J’apprécie          120
Les masses approuvent massivement la déclaration de leurs chères autorités et stigmatisent l'exclu volontaire, tout en exigeant que des mesures sévères pour que notre société déjà si saine le soit encore plus et se débarrasse de semblables dégénérés. Certains exigent qu'on le mette dehors. Mais il s'agit d'une minorité. La majorité, elle, exige qu'on le coffre immédiatement. Car le mettre dehors, c'est comme une récompense capitale. Où le mettre dehors ? En Occident ? À ce compte, nous aussi aimerions bien être exclus en direction de l'Europe. Non, il n'en est pas question. Faut le coffrer sans attendre, parce qu'il y en a vraiment qui se croient tout permis.
Commenter  J’apprécie          130
À Ibansk, l'épithète "pourri" s'est à ce point soudé au terme d'"intellectuel" qu'en principe l'un ne va plus sans l'autre. Lorsqu'un Ibanien entend le mot d'"intellectuel", il ajoute aussitôt "pourri", tout en arborant un sourire satisfait, car à Ibansk seul l'intellectuel peut être pourri. Jamais la viande ou les pommes de terre par exemple...Encore moins les dirigeants. Et moins encore lui, le travailleur ibanien moyen.Non, il n'y a que l'intellectuel. Et lorsqu'un Ibanien entend le mot "pourri", il ajoute aussitôt celui d'"intellectuel", avec un sourire satisfait. Si c'est un intellectuel, il ne peut manquer d'être pourri. C'est un axiome. C'est démontré par tout le cours de... D'ailleurs, les classiques eux-mêmes... La seule chose que les Ibaniens ignorent, c'est ce qu'est un intellectuel. Un bon Ibanien ne se considère pas comme un intellectuel. Quant aux autres, ils ne l'avouent pas.
Commenter  J’apprécie          50

Video de Alexandre Zinoviev (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Alexandre Zinoviev
« Ce livre fut écrit en 1975 ; il devait reconstituer un chapitre perdu des Hauteurs béantes. Je voulais le publier en même temps que L'avenir radieux, dont le contenu et la forme littéraire étaient proches du Veilleur de Nuit. […] Pourtant, je l'ai gardé tel quel. […] l'ibanisme n'est pas un phénomène exclusivement soviétique […]. » (Alexandre Zinoviev)
« […] Ibansk […]. Ce lieu mystérieux, véritable sujet du livre et « localité qui ne localise rien » dans laquelle on ne peut entrer qu'en remplissant des formulaires […]. […] le pays Ibansk est un foutu pays et […] ses habitants les Ibaniens se font toujours baiser […], soit par leurs chefs, soit par l'Ibanisme, puissante théorie qui régit le pays, soit par les Ibaniens eux-mêmes. » (Wladimir Berelowitch)
« Ainsi donc, je me suis volontairement exclu. […] Celui qui s'exclut volontairement, c'est un Ibanien qui a eu le toupet d'exposer publiquement une opinion non conforme à celle des autorités, ni, par voie de conséquence, à celle du peuple ibanien tout entier, puisque lesdites autorités passent leur temps à exprimer les pensées et les aspirations profondes du peuple. […] » (Alexandre Zinoviev)
« […] En Union Soviétique, on appelle « les exclus » (otchtchepentsy) les personnes qui s'opposent non seulement à une collectivité soviétique donnée, mais à toute collectivité soviétique. Ils s'y opposent de telle façon qu'ils sont exclus de la société tout entière. de la sorte, ils s'opposent à la structure même de la vie sociale. le plus souvent, ceci se produit indépendamment de la volonté de l'exclu, ou du moins sans qu'il le remarque. […] la société a besoin d'exclure et […] elle produit des exclus de façon régulière et systématique. Elle les combat, mais elle en a également besoin, précisément pour les combattre. […] La société a besoin de l'exclu, car en le combattant, elle se soude, s'unifie, devient monolithique. […] le Veilleur de Nuit, supposé être l'auteur de ces Notes, est un exclu ordinaire, il n'occupe pas de poste important, il n'est pas connu, n'a guère de relations avec les étrangers. […] En général, ces exclus sans défense sont rejetés de la vie normale, ils se démoralisent, deviennent alcooliques, malades mentaux. […] Par « désoeuvrement », le Veilleur de Nuit se met à observer la vie de son bureau, en adoptant une sorte de point de vue sociologique. […] […] Il existe encore beaucoup de personnes naïves qui croient à une variante rectifiée du communisme, à un communisme démocratique ou un communisme à visage humain. le communisme à visage humain ou le communisme démocratique, ce serait comme si on imaginait un capital sans argent et sans profit. […]. (Alexandre Zinoviev, Moscou, 1978)
0:00 - L'homme de bien 2:09 - Ma relève 3:23 - Elle 5:02 - Cri de l'âme 6:02 - Générique
Référence bibliographique : Alexandre Zinoviev, Notes d'un veilleur de nuit, Éditions L'Âge d'Homme, traduit par Wladimir Berelowitch, 1979
Image d'illustration : https://www.24heures.ch/vivre/histoire/22-septembre-1978-zinoviev-dissident-prive-citoyennete/story/20066552
Bande sonore originale : Carlos Viola - Miss Laidcend
Site : https://thegamekitchen.bandcamp.com/track/miss-laidcend-2
#AlexandreZinoviev #NotesDUnVeilleurDeNuit #LittératureRusse
+ Lire la suite
autres livres classés : urssVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (27) Voir plus



Quiz Voir plus

La littérature russe

Lequel de ses écrivains est mort lors d'un duel ?

Tolstoï
Pouchkine
Dostoïevski

10 questions
437 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature russeCréer un quiz sur ce livre

{* *}