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3,79

sur 5780 notes
Tel l'oisillon tout tremblotant au bord du nid, cette critique peine à prendre son envol : c'est que l'auteur impressionne !

Ce n'était pas le cas en 1867, année de la parution de “Thérèse Raquin”. Les chroniqueurs, imbibés de sentimentalisme romantique, tirèrent à boulet rouge sur ce roman d'une noirceur extrême. Ces plumitifs comprendront plus tard leur méprise, certains d'entre eux intronisant même Emile Zola chef de file d'une nouvelle école littéraire appelée naturalisme.

Ça s'est passé un dimanche, un dimanche au bord de l'eau. Un mari trompé, Camille, ne reviendra jamais d'une promenade en barque sur laquelle avaient également pris place sa femme Thérèse et son ami Laurent.
Jouant la comédie à merveille, les amants meurtriers ont bien trompé leur monde. Dans quelques mois ils pourront se marier et l'héritage de Camille leur appartiendra.
Les tourtereaux ont tout prévu, sauf que les affres du remords sitôt le crime accompli commencent à les ronger l'un et l'autre. Du tréfonds de leur âme ourdit peu à peu une justice d'un genre particulier qui au fil des mois va s'avérer bien plus terrible encore que la justice des hommes.

La préface rédigée par l'auteur apporte des éléments précieux quant à la psychologie des deux personnages principaux. Les amants, Thérèse et Laurent, sont respectivement de nature nerveuse et sanguine et leurs amours cruelles résultent de détraquements cérébraux. Il est donc important d'avoir à l'esprit que “Thérèse Raquin” est le fruit d'une analyse scientifique dont le point de départ est “l'étude du tempérament et des modifications profondes de l'organisme sous la pression des milieux et des circonstances”.

A seulement 27 ans, le chemin déjà parcouru par le jeune Zola dans l'exploration de l'âme humaine ne laisse pas de surprendre. Sous “Thérèse Raquin” perce la plume affûtée d'un écrivain de tout premier plan cherchant la connaissance de ses semblables dans l'observation et l'expérimentation.
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C'est un roman coup de poing que nous offre ici Emile Zola et si un lecteur du XXIème siècle le perçoit tel quel, que penser du lecteur de la seconde moitié du XIXème !

Roman psychologique assez court mais très violent, "Thérèse Raquin" dissimule entre ses pages un drame passionnel percutant qui catalyse les sept péchés capitaux, provoquant ainsi la chute sans fin de l'homme dans le vice et illustrant l'impossible rédemption des "méchants".

Thérèse est une orpheline recueillie par sa tante, madame Raquin, et mariée à son cousin maladif, Camille. Venu installer à Paris son commerce de mercerie, le trio Raquin mène une existence assez lugubre, faite d'ennui et d'oisiveté, jusqu'au jour où la paix monotone de leur existence vole en éclats avec l'arrivée dans leur cercle familial de Laurent, un ami d'enfance de Camille. Le ver est dans la pomme et la pomme étant déjà bien farineuse et tavelée, elle n'avait pas vraiment besoin de ça mais comment lutter contre la nature ? Si le ver mange la pomme ; l'homme ronge de même sa propre existence.

Avec Laurent, c'est la paresse, l'orgueil, la gourmandise, l'envie et une avarice qui s'exprime par un égoïsme aigu qui pénètrent chez les Raquin. Séduite par cet homme qui incarne l'opposé d'un mari qu'elle n'aime pas, Thérèse, croyant enfin naître à la vie, finit par apporter au tableau de ce pseudo-peintre les dernières pierres qui manquaient à l'édifice : la luxure et la colère. Partant de là, le décor est complet ; le crime s'empare de l'existence de ces quatre protagonistes pour mener chacun à sa ruine.

Zola, comme à son habitude, n'y va pas avec le dos de la cuillère et sa narration, servie par sa plume exceptionnelle, est puissante et grave. Elle fouille la noirceur des sentiments, elle façonne la boue des vices pour ériger des personnages tristement réalistes et cruellement crédibles. Le lecteur suit la lente descente aux Enfers des personnages et voit s'élever les martyrs et s'écrouler les criminels. D'abord spectateur impuissant et presque complaisant des deux complices bien déterminés à supprimer le mari gênant, le lecteur en vient très rapidement à mépriser les meurtriers, suffoqué par leur audace et leur duplicité, et à crier justice sans faillir jusqu'à se réjouir d'un dénouement aussi misérable que miséricordieux.

De la grande littérature, du Zola.


Challenge ABC 2014 - 2015
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Un roman d'une force exceptionnelle, un classique d'Emile Zola certes, mais quel ouvrage !
Madama Raquin se dévoue corps et âme pour son fils unique Camille, qu'elle marie avec sa cousine Thérèse, élevée dans le même cocon familial. Si Thérèse n'aime pas particulièrement cet homme fragilisé par les débordements de soins et d'amour de sa mère, elle accepte son sort, résignée, traînant son ennui derrière le comptoir d'un commerce sordide, fréquenté par des personnages ennuyeux, jusqu'à sa rencontre avec Laurent, un peintre raté, vivant dans l'oisiveté totale. La passion de ces deux êtres dépravés, dépourvus de toute moralité va les mener à noyer le mari gênant, lors d'une promenade en barque. Cette complicité diabolique se retournera contre eux. Au lieu de s'aimer librement, une haine farouche va s'initier entre ces deux amants. Thérèse, hantée par le souvenir de Camille, ayant perdu toute exaltation pour Laurent, la passion des amants se trouve désormais altérée. Chaque jour deviendra le cauchemar de l'autre, se rejetant mutuellement la faute, les menant dans une guerre perpétuelle, jusqu'à la folie.
Une oeuvre superbement campée, la relation des deux amants décrite efficacement nous démontre combien l'amour peut parfois devenir destructeur.
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Le crime ne paie pas . C'est ce que vont comprendre nos deux amants maudits, Thérèse et Laurent.
Tout avait mal commencé pour Thérèse : confiée à sa tante par son père, elle est élevée en compagnie de son frêle cousin, dix fois sauvé de la mort par sa mère, qui entend bien marier ces deux-la et y parvient. Mais l'irruption de Laurent, parasite et benêt notoire, dans la vie réglée de la famille Raquin, sème le trouble. Thérèse aspire a plus de passion que ne peut lui en proposer son chétif époux. Laurent et Thérèse fautent. Mais cela devient bien vite insuffisant : une seule issue, se débarrasser de l'avorton. Une sortie en barque leur en donne l'occasion, Camille bascule dans l'eau, non sans s'être débattu, mordant profondément son meurtrier au cou . Les amants vont-ils enfin atteindre la félicité? Que nenni! Cauchemars et hallucinations hantent leurs nuits. Il leur semble que le mariage pourraient les délivrer de leurs angoisses. Il faut attendre la fin du veuvage et présenter prudemment l'affaire, sans éveiller les soupçons. La naïveté et la bêtise de leur entourage leur vient en aide. Plutôt que de les apaiser, leurs angoisses unies décuplent et fait de leur vie un enfer.

Zola analyse et interprète les processus psycho-pathologiques qui conduisent les personnages au passage à l'acte, dans la tradition du roman naturaliste. Certes les théories sont hasardeuses et les descriptions cliniques très subjectives, mais l'ensemble garde une certaine logique et correspond aux connaissances de l'époque; il me semble pourtant que Zola a fait beaucoup mieux lorsqu'il décrit dans l' Assommoir un épisode de delirium tremens.

Il s'en dégage une impression de destinée funeste, à laquelle aucun des personnages ne peut échapper : chaque tentative accentue la descente aux enfers. Il semble que pour Thérèse en particulier, tout était écrit d'avance. Quant à Laurent, incapable d'anticiper les conséquences de ses actes, il se laisse guider par ses instincts les plus vils. Zola dans sa préface, rendue nécessaire par l'accueil défavorable de la critique, avoue chercher en ses personnages la bête. Il les jette dans un drame et se veut explorateur scientifique de leurs réactions, conformément à leur nature « sanguine » pour Laurent et « nerveuse » pour Thérèse. Il se lance dans une « étude du tempérament et des modifications profondes de l'organisme sous l'influence des milieux et des circonstances ».

Le thriller psychologique est-il l'héritier du roman naturaliste?

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Récit de la noirceur et de l'effroi, Thérèse Raquin annonce les futurs romans de Zola quant aux thèmes de la misère, du crime et d'un univers médiocre quand il n'est pas morbide.
Ce roman est donc bien du Zola, à ceci près qu'il est bref et va droit au but. Dans Thérèse Raquin, les descriptions de Paris se concentrent sur le quartier où se déroule l'intrigue, entre le passage du Pont-Neuf et la Seine. de même, le nombre de personnages est minimaliste, et seuls les trois-quatre principaux sont minutieusement décrits, contrairement aux autres qui ne sont tout au plus que des silhouettes esquissées.
Fataliste et cathartique, ce court roman tient en haleine; on y suit la lente et inexorable descente aux enfers de ce couple, Thérèse et Laurent qui, pour vivre librement leur passion, décident de se débarrasser du mari gênant. S'ensuit hallucinations et terreurs pour ce couple livré au regard immobile de Madame Raquin, mère du mari, et celui de François, le chat, témoin de l'adultère.
Ce roman est le développement de la nouvelle Un Mariage d'Amour, lui-même inspiré de la Vénus de Gordes de Adolphe Belot et Ernest Daudet. Contrairement aux personnages de la Vénus de Gordes, Thérèse et Laurent échappent à la justice, mais la culpabilité fera son lent travail de gangrène.
J'ai été emportée par la noirceur de ce récit et la description minutieuse et psychologique des personnages, l'un livré à l'autre, jusqu'au dénouement.
Il ne me reste plus qu'à découvrir maintenant la libre adaptation qu'en a faite Marcel Carné et qui a l'air très intéressante également.
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Ce ne sera pas une révélation pour mes amis : Zola m'ennuie, le lire est, pour moi, on ne peut plus soporifique. Aucun jugement de valeur de ma part, juste un ressenti tout à fait personnel. Etant bien entendu que Zola n'a pas besoin de mon assentiment pour valider l'auteur unanimement reconnu qu'il est.
Je ne sais donc trop pourquoi, après toutes ces années, j'ai choisi de lire Thérèse Raquin ; peut-être avais je envie de réviser mon jugement...

Et, en effet, contre toute attente, j'ai aimé ce livre. Même si, Zola restant Zola, il a réussi à me lasser dans le dernier tiers du roman avec ses redondantes et pesantes descriptions du désordre psychologique des amants : mêmes situations, décortiquées dans les mêmes termes et ressassées à l'envi, encore et encore.
Mais bon... mon appréciation reste positive sur l'ensemble.

Pour ce qui est des deux amants, je dois dire que, au cours de mes lectures, j'ai rarement rencontré des personnages aussi vils, glauques, imbéciles, dégénérés et lâches.
Sacré roman, tout de même !
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A l'adolescence, je me suis enthousiasmée pour Zola. Je pense avoir lu toute la série des "Rougon-Macquart"! Mais le livre qui m'a marquée au fer rouge c'est "Thérèse Raquin". La "Terre" m'a moins perturbée! L'atmosphère anxiogène, lugubre du roman m'a longtemps hantée. Les protagonistes sont des êtres étriqués, mesquins. J'imaginais aisément le fantôme de Camille au pied de mon lit d'autant qu'ensuite, j'ai vu le film avec Simone Signoret, Ralph Vallone et Jacques Duby. Malgré les modifications apportées par le scénario de Marcel Carné, l'ambiance sinistre était bien rendue et me permettait de mettre un visage sur les personnages du livre : ce qui n'a fait qu'augmenter mes tourments. Cette histoire soit disant d'amour entre Thérèse et Laurent font apparaître deux êtres primaires, instinctifs pour lesquels, on ne peut avoir de sympathie. Ils agissent sans conscience mais ce qu'ils n'avaient pas prévu, c'est le remord : ce remord qui va les harceler, les submerger, les poursuivre dans leur quotidien au point de leur provoquer des hallucinations jusqu'à la sentence du destin mais là chut!!!! il y a une morale.........
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De Zola, je suis complétement fou.

Fou de cette modernité, fou de ce génie qui arrive à captiver tout en dépeignant une époque avec minutie ainsi que les tourments intérieurs de héros incroyables parce qu'ordinaires.

Evidemment, j'ai lu, et je relirai, les vingt tomes qui composent son oeuvre culte, la saga des Rougon Macquart.

Je ne me souvenais pas de celui-ci. Thérèse Raquin. Qui lui, ne fait pas partie de la série.

A sa sortie, ce roman, inspiré d'un fait divers criminel réel, est décrié par son époque. Trop glauque, trop noir. Qualifié d'obscène par la critique, il arrive encore aujourd'hui à déranger son lecteur, pourtant beaucoup plus habitué à la noirceur en littérature. Je ne peux m'empêcher d'admirer sa modernité n'a rien à envier aux romans noirs d'aujourd'hui.

C'est l'histoire, somme toute banale, d'un crime passionnel et des tourments qui vont envahir, peu à peu, le couple assassin, amants maudits en puissance.
Si parfois, la lectures de « classiques » peut paraître lourde ou d'un autre temps, pour moi, il n'en est rien lorsque je lis du Zola. Je suis même toujours fasciné de remettre dans le contexte et d'y trouver tant de similitudes avec notre monde actuel.

Emile Zola contemple ses contemporains, avec dégout, avec tendresse, toujours juste, toujours éblouissant et profondément passionnant !



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L'histoire de Thérèse Raquin est toute simple.
Thérèse est une orpheline recueillie par sa tante, madame Raquin, qui tient un commerce de broderie en province. Thérèse va vivre aux côtés de son cousin Camille, enfant chétif, malingre, souffreteux. Les enfants jouent comme ils peuvent dans la joie sereine d'une campagne morne, grandissent. Quand Thérèse a vingt-et-un ans, elle épouse Camille, c'est une simple formalité à laquelle elle consent comme si c'était dans le cours des jours, comme si elle ne pouvait pas s'y dérober. Une chose nécessaire et fatale... C'est ainsi, ils se marient sans amour, sans joie... Plus tard, la famille s'installe à Paris où madame Raquin va déplacer son commerce de broderie au passage du Pont-Neuf. Thérèse y travaille également, tandis que Camille trouve un emploi dans un bureau aux chemins de fer. Au contact d'une nouvelle clientèle, l'activité de la broderie va prospérer.
Ils mènent tous trois une existence monotone, où il ne se passe rien, se retrouvant le soir dans ce lieu sombre, humide et âcre, jusqu'au jour où la tranquillité de leur existence va se fissurer avec l'arrivée dans le cercle familial de Laurent, un ami d'enfance de Camille...
Thérèse est une jeune fille effacée, pourrait-elle cacher longtemps encore au fond d'elle les fougues d'une nature étouffée ? Laurent, dans une sorte d'animalité débridée n'est pas indifférent à cette jeune femme qui ne semble pas heureuse. Il revient à la boutique de plus en plus souvent, encouragé par l'amitié de Camille. Il évoque une passion ancienne, la peinture, passion qui ne l'a jamais quitté. Il propose à Thérèse de lui faire son portrait. Autant frotter une allumette devant un bidon d'essence...
Thérèse Raquin, c'est la rencontre d'un homme puissant et d'une femme inassouvie.
Thérèse Raquin, c'est l'itinéraire d'un désir à fleur de peau capable de tout faire voler en éclats, emportant dans sa trajectoire fatale deux êtres aimantés pour en faire des monstres possédés d'animalité et de folie.
Possédé je l'ai été aussi par l'écriture percutante d'Emile Zola.
Oh ! Il ne brode pas de la dentelle, notre cher ami Émile.
Ce roman est d'une noirceur abyssale. On y dégringole comme dans un puits sans fond.
Ici, point d'émotion, sauf celle qui étreint le lecteur, qui voudrait jeter dans ce récit vertigineux et cruel ses propres représentations de l'âme humaine, mais Zola s'en moque, joue de cela.
Zola a ce talent inouï pour nous entraîner avec jubilation dans la crasse et le sordide d'une histoire implacable qui nous étouffe peu à peu et l'on s'en réjouit.
Ici les personnages principaux ne nous inspirent aucune sympathie, aucune compassion. Même souffreteux et malingre, Camille nous déride à peine d'une moue dédaigneuse. À la limite, il y aurait bien la vieille madame Raquin et aussi le chat François...
Zola peint à gros traits le travail souterrain des passions pour les faire jaillir à ciel ouvert, comme un volcan.
Autant vous l'avouer, Thérèse et Laurent sont des brutes humaines, où l'âme est absente.
Dans les gestes d'un drame violent, dans les amours cruelles de Thérèse et de Laurent, Zola nous invite à chercher en eux la bête qui sommeille.
L'humanité est absente du tableau, sauf si c'est cette face cachée de l'humanité que veut nous montrer Zola. L'âpre humanité...
C'est une peinture de clair-obscur où le clair est une lumière ténue qui ne cesse de vaciller comme un crépuscule éteignant le jour... où l'obscur ouvre dans ce paysage sans horizon un dédale de ténèbres prêt à nous faire vaciller dans l'infinie folie...
Aurais-je dû lire Thérèse Raquin avant d'aborder l'oeuvre vertigineuse des Rougon-Macquart il y a de cela quatre ans ? Tout était là déjà... Tout est là comme un prélude à l'oeuvre future des Rougon-Macquart. Quand Zola écrit ce court roman, il n'a que vingt-sept ans.
Le déterminisme, la dégénérescence, le malheur implacable, l'égarement, la bassesse des personnages, l'obsession, la folie et toujours en filigrane une victime qui sera broyée par cette déferlante effroyable où se faufilent les tares de l'humanité... Tout était déjà là. Plus tard Zola y posera une trame sociale, qui manque peut-être encore ici, mais dans ce récit ce n'est pas le propos.
On pourrait croire le texte redondant, mais c'est une variation, un boléro infernal qui monte d'un cran chaque fois un peu plus loin. Cela pèse. Zola nous met les nerfs à vif, nous éprouve.
Oui dans ces scènes fiévreuses, toutes les variations se déplient, celles que peuvent éprouver deux amants que l'adultère a conduits à passer dans l'enfer du paysage... Dans cette palette de couleurs qui deviennent de plus en plus sombres, on voudrait chercher un trait de lumière, cueillir des sentiments dans l'inconscient qui les transforme. Mais le clair-obscur s'assombrit comme des volets qu'on referme sur une pièce au lit défait et vide. Ici le remords est un simple désordre organique.
Zola ne les juge pas, n'implore aucune compréhension.
Il les observe, les met en scène et se retire en nous laissant sidéré devant le tableau.
Une fois encore, la force de l'écriture de Zola m'a transporté. J'avais l'impression d'être là, dans la crasse de cette boutique obscure du passage du Pont-Neuf, où tout près de là coule la Seine... Et dans cette saleté lugubre, j'ai adoré être là...
J'ai adoré être là dans le rythme incandescent et haletant de ces amants maudits. J'ai adoré être là, même si cette ambiance est glauque, oppressante, de plus en plus...
J'ai adoré être là... effleurant la fatalité des chairs qui brisent, qui brûlent, qui broient...
J'ai adoré être là, tandis que Zola déployait son texte jusqu'au point final, qui....
Dans cette lecture commune, je remercie mes compagnes de voyage, Dominique (Domm33), Francine (Afriqueah), Fanny (Fanny1980) et Sandrine (HundredDreams), qui m'ont donné l'envie d'aller vers ce texte et dont les regards croisés ont été si inspirants.
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Dans la préface à sa seconde édition, Zola insiste sur le fait qu'il ne faut pas analyser son roman Thérèse Raquin d'un point de vue moral. Aucune morale n'entre en jeu, dit-il, car il veut décrire, en un travail analytique , comme un chirurgien le ferait sur des cadavres, l'influence du sang et des nerfs sur les actions humaines.
Charcot n'est pas très loin, Claude Bernard vient de publier son étude sur la médecine expérimentale, et Freud rode, pas très loin.

D'ailleurs, pour Zola qui, en 1867, parle de l' inconscient, même si le déterminisme social et racial régit les existences, ce qui les régit sont bien plutôt les tempéraments ; celui de Thérèse est un tempérament contrarié. Il éclatera.

Ils ont une enfance, pourtant, qui peut expliquer leurs actes : Thérèse, adoptée par sa tante à deux ans, est orpheline, elle n'a presque pas connu sa mère algérienne ; Zola insiste sur son tempérament, son sang africain, qui bouillonne malgré son éducation restreinte, petite, modeste, endormie, racornie : « Elle tenait soigneusement cachées, au fond d'elle, toutes les fougues de sa nature. ».
Elle est obligée, pauvre petite poupée de deux ans, de mentir, de se conformer, de se plier ( mot très souvent employé par Zola à son sujet)
Elle ment, elle doit mentir, elle apprend à mentir. «  Thérèse, vivant dans une ombre humide, dans un silence morne et écrasant, voyait la vie s'étendre devant elle, toute nue, amenant chaque soir la même couche froide et chaque matin la même journée vide.  » 
Camille, son cousin, élevé par sa mère qui l'a sauvé mille fois de la mort, et l'a couvé avec amour comme s'il était toujours un nourrisson, développe un égoïsme mêlé à une étroitesse de tout, il n'est pas vraiment un homme, sa mère lui a interdit de lire, les livres sont dangereux, il menace sans cesse de mourir si on ne passe pas par ses caprices.
La mère, amour pur, éduque comme elle peut les deux petits, ce sont ses enfants, elle les aime, elle concocte un mariage sans amour avec les deux cousins, tout en sachant que c'est elle la première dans le coeur de son fils.
En termes freudiens, si Camille s'accroche à son narcissisme, et si sa mère se perd dans son amour oblatif, Thérèse passe de la pulsion d'autoconservation à la pulsion sexuelle pure, lorsqu'elle voit Laurent :
«  Elle n'avait jamais vu un homme  » 
Ce n'est pas le désir qui la pousse, mais la pulsion, doublée de la perversion de tromper enfin ceux qui lui ont volé sa vie. Elle est morte avant de rencontrer Laurent.
Thérèse et Laurent sont des bêtes humaines, des loups, des fauves, qui doivent tuer pour survivre ; ils n'ont pas d'âme, ou en tous cas, ce n'est pas le propos de Zola.
La mort est présente depuis le début de l'histoire : la mère a peur de laisser seul son fils chéri en mourant avant lui et Laurent, l'amant, peint de Camille le mari qui ressemble à un noyé verdâtre.

Ainsi, l'Eros passionnel, le besoin de s'assouvir qui précipite les deux amants dans un acte irréversible, se noye dans une pulsion de mort (Thanatos )déjà présent depuis le début du livre.

Son roman joue le rôle d'expérimentation clinique : il nous dépeint les nerfs de Thérèse, et joue avec les nôtres : que ferions nous, nous ?

Pas d'espoir, semble dire Zola avec force, et une écriture à nous couper le souffle, en alternant de longues tirades sur la poussière noirâtre de la mercerie, et de petites phrases cruelles et comme inspirées par la peinture qu'il connaissait bien de par son amitié avec Cézanne: des coups de pinceau noir, l'égoïsme et la convoitise, le mensonge et la manipulation, plus que la luxure.

Avec l'enchantement d'avoir participé à ma première lecture commune, en compagnie de @ HundredDreams , Sandrine, @ Domm33, Dominique, @fanny1980, Fanny, et @Berni_29, Bernard .
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