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Les Rougon-Macquart tome 5 sur 20

Armand Lanoux (Autre)
EAN : 9782253005599
510 pages
Le Livre de Poche (30/11/-1)
  Existe en édition audio
3.71/5   1687 notes
Résumé :
Serge Mouret est le prêtre d'un pauvre village, quelque part sur les plateaux désolés et brûlés du Midi de la France. Barricadé dans sa petite église, muré dans les certitudes émerveillées de sa foi, assujetti avec ravissement au rituel de sa fonction et aux horaires maniaques que lui impose sa vieille servante, il vit plus en ermite qu'en prêtre. A la suite d'une maladie, suivie d'une amnésie, il découvre dans un grand parc, le Paradou, à la fois l'amour de la femm... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (184) Voir plus Ajouter une critique
3,71

sur 1687 notes
Aïe !, aïe !, aïe ! Un sujet qui fâche ! Je m'apprête à passer une nouvelle fois sous les Fourches Caudines des adorateurs et recueillir en pleine face les tomates pourries de leur ressentiment... mais c'est ainsi.
Soyons clairs. de deux choses l'une : soit je suis passée complètement à côté de ce roman sans en saisir aucunement l'immatérielle, la consubstantielle beauté littéraire ni l'élan de foi noble et pure qu'il recèle (ce qui n'est pas impossible) ; soit ce numéro 5 des Rougon-Macquart est un très mauvais cru, des plus mièvres et des plus faibles qui soit (ce qui n'est pas impossible non plus !).
Et c'est moi qui vous le dit, moi qui suis pourtant une fan absolue tant de l'auteur, qui m'a souvent tant ravie, que de son gigantesque projet littéraire — peindre une histoire naturelle et sociale sous le second Empire. Je crois qu'il peut être utile aux deux de leur rendre ce petit service en prenant d'emblée position pour dire qu'il s'agit probablement (je le rappelle ce n'est que mon avis) d'un des plus piètres romans de la série et qu'il ne lui fait vraiment pas honneur.
Quelle déception, lorsque Zola fait du Paul et Virginie ! Il n'est tellement pas sur son terrain que c'en devient risible et pathétique.
Le roman se divise en trois parties ; les première et dernière pouvant, à l'extrême rigueur, faire un peu penser à du Zola très bas de gamme En revanche cette deuxième partie, surtout, constitue l'un des pires moments qu'il m'ait été donné de passer en littérature. Émile Zola y revisite le thème du jardin abandonné de la rue Plumet qu'avait exploré Victor Hugo avec parcimonie dans Les Misérables mais qu'ici il use jusqu'à la corde de la pire façon qui soit : du mièvre, du catalogue horticole, du plan-plan à souhait. Bref, un calvaire où j'ai vraiment porté ma croix de lectrice. L'ombre, de l'ombre, du collier, de la laisse, du chien qui galope après Zola, le vrai Zola qu'on aime. Une horreur.
On voit que l'auteur s'est documenté, un peu trop même, ou trop théoriquement, il a ouvert un traité de botanique et a tout pompé et tout réinjecté dans son texte. On croirait lire du Jules Verne dans ses interminables descriptions soporifiques de Vingt Mille Lieues Sous Les Mers.
C'est encore pire que dans le Ventre de Paris, où les pléthoriques descriptions de fruits ou de légumes avaient une fonction documentaire.
Ici, c'est artificiel au possible, on comprend vite que Zola n'y connait rien en jardinage sans quoi il n'écrirait pas de telles invraisemblances sur les végétaux. Bref, le pauvre Émile a sombré dans le pitoyable remplissage dans sa seconde partie.
Pourtant, l'objectif pouvait paraître louable au départ, après deux romans parisiens (La Curée, le Ventre de Paris) et deux romans dans une petite ville de province (La Fortune Des Rougon, La Conquête de Plassans), il a voulu transporter ses Rougon-Macquart à la campagne.
Par contre, quel plantage (pardonnez-moi, c'était facile), aussi bien du point de vue de l'utilité pour son projet (absolument aucune valeur de généralisation à un pan de la société sous Napoléon III et il avait d'ailleurs déjà traité du monde ecclésiastique dans La Conquête de Plassans) que de la réussite purement littéraire qui annonce déjà, par certains côtés les pires livres du cycle, à savoir Une Page D'Amour et le Rêve. Heureusement qu'il y aura La Terre pour forger un vrai bon opus campagnard digne d'intérêt.
Pour conclure, si le scénario peut vous intéresser (au cas où les histoires de curés succombant à la tentation charnelle sont à votre goût, je vous conseillerais plus volontiers le Moine d'Antonin Artaud), il s'agit de Serge Mouret, le frère d'Octave Mouret qu'on verra à l'oeuvre dans Pot-Bouille et Au Bonheur Des Dames, le fils du couple Mouret de la Conquête de Plassans qu'on a vu entrer au séminaire à la fin de ce roman et qui maintenant vient de prendre une cure dans un petit patelin paumé non loin de Plassans (c'est-à-dire Aix en Provence) et qui dans la réalité se situe au pied de la Montagne Sainte-Victoire (si chère à son ami Paul Cézanne).
Là, notre ascète abbé va tomber, par un improbable accident, dans le piège de la tentation auprès d'Albine, une jeune fille "sauvage" vivant au Paradou, version provençale du jardin d'Eden et de la chute qui s'y produit dans la bible. Faites grincer les violons, c'est parti pour du mélo à deux balles façon La Symphonie Pastorale en moins bien.
Le frère Archangias, la Teuse et Désirée Mouret sont trois personnages hyper caricaturaux très loin de la finesse avec laquelle il sait parfois brosser des portraits percutants.
En somme, si vous aimez Zola, je ne vous le conseille pas, vous seriez déçus, si vous ne connaissez pas Zola, je ne vous le conseille pas non plus car il n'est pas du tout représentatif de l'oeuvre si puissante, si intéressante et si documentaire de son auteur.
Néanmoins, on peut lui pardonner à notre vieil Émile car il en a écrit tellement d'autres et de vraiment bons qu'on peut bien fermer les yeux sur ce que j'appellerais "La faute de l'écrivain Zola".
Et n'oublions jamais que ce n'est que mon avis, un parmi beaucoup, beaucoup d'autres, c'est-à-dire, très peu de chose en vérité.
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Un Zola qui manque de piquant pour moi... et pourtant le sujet est brûlant puisque c'est une critique du catholicisme.

Serge Mouret, jeune curé, prend ses fonctions dans un petit village à côté de Plassans. Il rencontre vite les habitant du crus, et les jeunes filles en fleur peu farouche. C'est aussi l'occasion pour lui de rencontrer un philosophe qui vit au Paradou , petit coin de paradis végétal.

J'avoue que j'ai eu beaucoup plus de mal avec ce tome qu'avec les précédents. Les moments ou le curé se morfond sont d'un profond ennui, ainsi que les longues descriptions du Paradou. Pourtant, j'aime en général les descriptions de Zola mais quand il s'agit de végétation... ça m'intéresse beaucoup moins. C'est assez bizarre parce que dans ventre de Paris ses descriptions avaient même des odeurs pour moi. Il faut croire que le jambon a plus d'attrait que le rhododendron !

J'ai par contre particulièrement apprécié la façon dont Zola avait grimé le frère Archangias. C'est une véritable caricature. Ce style de bonhomme m'agace au plus haut point. Ce rejet des femmes , alors que lui même est bien né de quelque part m'exaspère au plus haut point. Les gens qui se voilent la face et en arrive a ce point de dénigrement ne mérite aucun respect... Mais on pourrait penser que cela n'existe plus.. et bien grande erreur. Il n'y a pas si longtemps un homme est venu sonner à la maison pour parler à mon mari.. malheur c'est moi qui ai ouvert la porte. Cet homme pour des raisons religieuses ne supporte pas la vue d'une femme.. il a donc tourné le dos a vitesse grand V quand il a vu ma tête et m'a parlé de dos... et bien il a pu parler longtemps car j'ai gentiement refermé la porte sans faire de bruit. Quelques jours plus tard il a eu le toupet de ronchonner vers mon mari en lui signifiant que je lui avais manqué de respect... je me demande sincèrement qui de nous deux avait commencé !!

Bref tout ça pour dire que Zola n'était sans doute pas a son plus haut niveau en écrivant ce roman. Il m' a pourtant fait un peu penser à Voltaire... mais le sujet de fond reste intéressant.
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Avec ce cinquième opus de la saga des Rougon-Macquart, nous retrouvons Serge Mouret, dans une commune rurale peuplée de familles frustres dans leurs échanges et primaires dans l'expression de leurs sentiments . Il a réalisé son rêve, devenir prêtre, et exerce son sacerdoce avec dévotion et bonheur. Il voue un culte particulier à la pureté de la Vierge Marie. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Oui mais voilà, son oncle le docteur Pascal le sollicite pour venir au chevet d'un mourant, une sorte de misanthrope qui squatte les dépendances d'un ancien domaine. Et qui héberge Albine , une sauvageonne belle comme le jour, qui ne cessera plus de hanter les pensées de l'abbé. Jusqu'à douter de l'existence de Dieu!

La faute, on la devine.

L'originalité du roman tient à la mise en scène de l'histoire amoureuse des deux personnages : elle a lieu dans le Paradou, là où la jeune fille règne au coeur d'un paysage sublime. Mais entre l'intitulé du lieu et les descriptions des espèces végétales qui en font un paradis terrestre, l'Eden et l'arbre de la connaissance du bien et du mal ne sont pas loin (d'ailleurs si vous n'avez pas quelques notions de botanique, il vaut mieux avoir Google accessible, pour visualiser les tableaux végétaux décrits, avec force détails). Là encore, comme dans le Ventre de Paris , la notion de saison n'est pas prioritaire devant la volonté de donner une impression de luxuriance et fleurs et fruits se côtoient dans un joyeux bazar.

Les personnages secondaires ne manquent pas d'intérêt :
Désirée la simplette est toujours présente, et toujours aussi passionnée par l'élevage des animaux de la création, de plus en plus volumineux et envahissant, La Teuse dirige la cure avec énergie et le Frère Archangias s'offusque avec force devant les frasques de l'abbé tout en crevant de jalousie.


Encore un superbe opus pour cette série , avec une langue riche (de nos jours on accuserait l'usage de Wikipedia) et un excellent rendu des tourments et des délires du pauvre abbé, dans un récit aux allures de parabole.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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♫ C'est un jardin.... extraordinaire....! ♬ ♬
Ici, dans ce cinquième volume du cycle des Rougon-Macquart, La faute de l'abbé Mouret, si l'on n'y prête guère attention, à première vue on pourrait y voir un Émile Zola reconverti en botaniste.
Que nenni ! Ici c'est tout simplement son talent de peintre de l'âme humaine, du désir et de l'appel de la chair aussi, qu'il déploie avec gourmandise et volupté, certes parfois dans un symbolisme qui peut paraître outrancier.
Contre toute attente j'ai aimé ce cinquième opus.
Je m'attendais au pire, ayant lu et apprécié quelques critiques bien étayées de quelques amis d'ici, disant que le malheureux Zola s'était égaré, peut-être même fourvoyé, au mieux dans une scène bucolique, naïve et désuète tout droit sortie d'un tableau du Douanier Rousseau, au pire dans un délire horticole. Sans doute ont-ils un peu raison, ou plus exactement, on peut le voir ainsi et on peut aussi s'accorder sur le constat que Zola n'a sans doute pas la main verte... J'y allais donc presque à reculons... Mais voilà, je suis parvenu à lire ce livre et figurez-vous que chez moi, ça a plutôt bien fonctionné... Ah ! Les mystères de la lecture... Allez comprendre !
Si j'en crois l'érotisme floral qui m'a été donné d'effeuiller durant un florilège de pages enivrantes et voluptueuses, je me demande si je ne devrais pas désormais fréquenter davantage les forêts et les parcs plutôt que les librairies et les médiathèques ! Et pourquoi pas les jardineries tant qu'à faire, histoire de m'initier au plaisir de la terre, de la prendre dans les mains, de la sentir, effleurer les pétales et les pistils, m'enivrer des effluves des fleurs les plus rares, de leurs fragrances inavouées, odeur de musc et d'aurores printanières, deviner sous l'échancrure des feuillages des choses incroyablement douces et surprenantes... Cela dit, les deux sont totalement compatibles...
Plus sérieusement, là où certains de mes amis avaient raison, c'est bien sûr de rappeler un point essentiel : le style incomparable de Zola, son génie narratif, sans pour autant perdre de vue le dessein qui anime le projet littéraire du cycle des Rougon-Macquart, celui de peindre une histoire naturelle et sociale sous le Second Empire. Il me semble qu'ici Zola n'a pas dérogé à la règle qu'il s'était établie. Certes ce roman n'est sans doute pas celui que je préfère de la série, il n'a pas le souffle social qu'on peut saisir dans l'Assommoir, ni dans Germinal. Il n'est pas non plus dans le registre de la tragédie populaire qu'on peut rencontrer dans La bête humaine. Mais ce roman est une oeuvre intéressante et atypique qui, de mon point de vue, trouve écho à cette force qui porte l'écriture du destin des Rougon-Macquart. Je vais tâcher de vous en convaincre un peu...
Alors, reprenons nos esprits et revenons à l'histoire...
Nous sommes dans le sud de la France, à quelques lieux de Plassans, ville imaginée par Zola pour accueillir la saga des Rougon-Macquart. le jeune abbé Mouret vient d'être nommé prêtre de la paroisse des Artaud. Orphelin depuis le terrible drame relaté dans le précédent récit de la conquête de Plassans, il s'installe avec sa petite soeur Désirée dont il a désormais la charge, fille simplette qui va vite s'attacher aux animaux de la basse-cour dans une candeur touchante. Il a à son service une servante, femme du pays, aussi fidèle que têtue, la Teuse, j'ai découvert dans cette femme un magnifique personnage haut en couleur.
C'est un paysage aride fait de pierres, de vignes et de landes, un coin de terre ou les habitants sont aussi secs que le sol. Avec médisance, on ne serait pas loin de penser que le vin tiré ici doit ressembler à une horrible piquette. Au milieu de ces gueux dont on dit qu'ils sont sans âme, l'abbé Mouret se démarque de son homologue le Frère Archangias, qui fustige sans arrêt la trivialité de la paysannerie locale et en particulier celle des jeunes filles dont il ne voit que lubricité et fornication parmi les champs ; l'abbé Mouret aspire, quant à lui, à une tendresse pure, une candeur divine, se gardant de prendre ces gens simples en mépris. Il voue par ailleurs une pleine dévotion à l'endroit de la vierge Marie, au grand dam du Frère Archangias qui trouve cette approche de la religion un peu trop féminine à son goût.
Un jour, son oncle, le docteur Pascal, le sollicite pour porter l'extrême-onction auprès d'un vieil homme, il fait ainsi la connaissance du vieux Jeanbernat, personnage misanthrope, un peu philosophe, totalement anticlérical, mais ce dernier n'est pas encore prêt de passer l'arme à gauche. Il vit avec sa nièce la toute jeune Albine, enfant presque sauvage, au milieu d'un domaine étrange et semblant coupé du reste du monde, propriété abandonnée à la nature, le Paradou.
C'est à cet endroit que, quelques temps plus tard, le docteur Pascal, dépêché pour soigner son neveu pris de fièvres, aura l'idée inspirée de l'amener en convalescence. La jeune Albine saura s'occuper de lui...
Voilà, le décor champêtre est planté, celui qui crée un hiatus entre quelques lecteurs que nous sommes, Zola renouant ici avec le mythe du jardin abandonné. Ce lieu est un personnage à part entière, presque le personnage central, sorte de transposition du jardin d'Eden, convoquant une joie pure, une nature ivre, terrain d'apprentissage d'une forme de vie buissonnière et d'amour sans entrave, lieu de passage des gestes innocents à ceux qui le sont moins...
Bien sûr il y a cette seconde partie du récit qui apparaît comme une parenthèse surprenante au premier abord.
Zola, pour notre plus grand plaisir, convoque avec sa palette de peintre la nature dans tous ses sens. C'est une débauche de couleurs, d'odeurs, de formes les plus suggestives, la nature ici est lascive, elle s'offre à nous, c'est une étreinte de la terre, une débauche de feuillages, il y a une puissance d'évocation, quelque chose de charnel et de torride, je ne regarderai plus un parterre de chrysanthèmes, d'ancolies ou de campanules comme avant...
Mais, me direz-vous, où l'auteur veut-il en venir ?
Car il y a un drame qui sous-tend cela...
Si cette seconde partie du roman fait autant contraste avec les deux autres qui la tiennent, permettant à l'abbé Mouret de redevenir Serge, c'est ici, je pense, que le fameux mythe du jardin d'Eden prend tout son sens, invitant aux choses premières, à l'essentiel, un territoire protégé du reste du monde, qui fait de la femme l'égale de l'homme.
N'est-on pas d'ailleurs davantage sur le mythe de la transformation, de la tentative de renaître, ce jardin faisant office de véritable révélateur... La faute revient peut-être alors à ce rendez-vous de verdure, pardi !
Chers lecteurs, n'avez-vous pas été saisi qu'à aucun moment, il n'est question de la foi religieuse de l'abbé Mouret dans cette seconde partie ? Tout lui semble oublié, car justement, depuis ses fièvres, il est victime d'une forme d'amnésie qui lui a permis de se délivrer de son habit sacerdotal et de tout ce qui va avec. Perdant sa lucidité ecclésiastique, l'abbé Mouret n'existe plus, Serge n'est plus l'abbé Mouret, il en est totalement délivré. Il redevient Serge, celui d'avant. Cette amnésie crée peut-être cet univers éthéré où il n'est plus dans son état normal,-où peut-être le redevient-il tout au contraire justement ! Peut-être regardons-nous alors l'invitation de ce jardin avec son regard dépouillé de tout ?
N'oublions pas d'où vient l'abbé Mouret : de ce récit précédent, La conquête de Plassans, où le jeune enfant Serge fut enrôlé, quasiment endoctriné vers le ministère religieux par l'abbé Faugas à la faveur d'une première fièvre. C'est toute la dégénérescence de la lignée infernale des Rougon et des Macquart qui est ici dite en filigrane...
Dans cette logorrhée autant bucolique que catholique, où le trait est bien appuyé, j'y ai vu une charge prodigieuse contre la religion et ses serviteurs, sa domination, ses dogmes, ses croyances illusoires et ostentatoires, son prosélytisme... et peut-être aussi un magnifique plaidoyer féministe...
Voilà, je vous livre ici une vision totalement subjective de cette lecture...
Mais peut-être ne faut-il y voir qu'une simple chronique rurale, sensuelle et triste, aux accents lyriques ?
En tous cas, me voilà désormais remis en selle pour la suite du cycle des Rougon-Macquart !
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Dans la Conquête de Plassans, nous avons assisté à l'éclatement de la famille Mouret et la déchéance des deux parents Marthe et François. Pour continuer notre périple provençal, direction les Artaud, village pauvre et aride qui va être le lieu des événements de ce cinquième tome des Rougon-Macquart.

Quand nous avons quitté Serge Mouret, celui-ci entrait au séminaire sur les conseils de l'abbé Faujas. C'est dans sa fonction de prêtre que nous le retrouvons ici, affecté à la cure des Artaud qui est la plus pauvre de la région. Vivant avec sa soeur Désirée qui est simple d'esprit et sa fidèle Teuse, l'abbé Mouret mène une vie ascétique faite de prières et de dévotions. Un jour ou il doit faire une visite chez le maire du village, il croise sur la route son oncle, le docteur Pascal, qui le conduit au Paradou, domaine "maudit" qui suscite les commérages aux Artaud. Dans cette demeure, Serge fera la connaissance d'Albine, considérée par tous comme une sauvageonne qui suinte le péché. Peu après, Serge, de retour dans son église est victime d'un violent accès de fièvre qui lui fera perdre connaissance. Transporté au Paradou pour sa convalescence, soigné par Albine avec qui il tissera des liens très forts, Serge découvrira les mystères du domaine et de son jardin à la végétation luxuriante, lieu dans lequel il connaîtra la résurrection mais aussi la perdition...

J'ai abordé ce roman avec des pincettes, à chaque fois que j'en ai parlé à une personne de ma connaissance, l'affirmation qui revenait sans arrêt c'est : "tu vas te faire chier ! ". Cela a au moins le mérite d'être clair, j'ai donc chamboulé mon planning de lecture pour donner la primeur à ce livre afin d'être fixée une bonne fois pour toutes.
Je n'ai pas été déçue, j'ai retrouvé tous les thèmes qui m'ont séduite quand j'ai commencé les Rougon-Macquart. Bien sûr, il y a certains passages qui sont chiants, notamment à la fin du livre premier quand l'abbé est pris dans son délire de Vierge Marie, je me suis dit "ça y est voilà qu'il nous craque sa soutane celui-là!" mais globalement l'ensemble est bon, voire même très bon. Zola sait manier ses personnages et nous offre une fois de plus une palette de protagonistes à la hauteur de l'ambiance générale du roman. Ce mythe du Jardin d'Eden revisité par l'auteur est un superbe moment de lecture. Entrez sans complexes dans le jardin du Paradou, vous aussi, vous pourriez bien succomber à cette perle de poésie qui ne laisse pas indifférent.
J'ai adoré, donc comme d'habitude, ce sera 5 étoiles de notation pour ce cher Emile.
A découvrir !
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Citations et extraits (341) Voir plus Ajouter une citation
La Teuse, en entrant, posa son balai et son plumeau contre l’autel. Elle s’était attardée à mettre en train la lessive du semestre. Elle traversa l’église, pour sonner l’Angélus, boitant davantage dans sa hâte, bousculant les bancs. La corde, près du confessionnal, tombait du plafond, nue, râpée, terminée par un gros nœud, que les mains avaient graissé ; et elle s’y pendit de toute sa masse, à coups réguliers, puis s’y abandonna, roulant dans ses jupes, le bonnet de travers, le sang crevant sa face large.

Après avoir ramené son bonnet d’une légère tape, essoufflée, la Teuse revint donner un coup de balai devant l’autel. La poussière s’obstinait là, chaque jour, entre les planches mal jointes de l’estrade. Le balai fouillait les coins avec un grondement irrité. Elle enleva ensuite le tapis de la table, et se fâcha en constatant que la grande nappe supérieure, déjà reprisée en vingt endroits, avait un nouveau trou d’usure au beau milieu ; on apercevait la seconde nappe, pliée en deux, si émincée, si claire elle-même, qu’elle laissait voir la pierre consacrée, encadrée dans l’autel de bois peint. Elle épousseta ces linges roussis par l’usage, promena vigoureusement le plumeau le long du gradin, contre lequel elle releva les cartons liturgiques. Puis, montant sur une chaise, elle débarrassa la croix et deux des chandeliers de leurs housses de cotonnade jaune. Le cuivre était piqué de taches ternes.

— Ah bien ! murmura la Teuse à demi-voix, ils ont joliment besoin d’un nettoyage ! Je les passerai au tripoli.

Alors, courant sur une jambe, avec des déhanchements et des secousses à enfoncer les dalles, elle alla à la sacristie chercher le Missel, qu’elle plaça sur le pupitre, du côté de l’Épire, sans l’ouvrir, la tranche tournée vers le milieu de l’autel. Et elle alluma les deux cierges. En emportant son balai, elle jeta un coup d’œil autour d’elle, pour s’assurer que le ménage du bon Dieu était bien fait.
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Oui, je nie la vie, je dis que la mort de l’espèce est préférable à l’abomination continue qui la propage. La faute souille tout. C’est une puanteur universelle gâtant l’amour, empoisonnant la chambre des époux, le berceau des nouveau-nés, et jusqu’aux fleurs pâmées sous le soleil, et jusqu’aux arbres laissant éclater leurs bourgeons. La terre baigne dans cette impureté dont les moindres gouttes jaillissent en végétations honteuses. Mais pour que je sois parfait, ô Reine des anges, Reine des vierges, écoutez mon cri, exaucez-le ! Faites que je sois un de ces anges qui n’ont que deux grandes ailes derrière les joues ; je n’aurai plus de tronc, plus de membres ; je volerai à vous, si vous m’appelez ; je ne serai plus qu’une bouche qui dira vos louanges, qu’une paire d’ailes sans tache qui bercera vos voyages dans les cieux. Oh ! la mort, la mort, Vierge vénérable, donnez-moi la mort de tout ! Je vous aimerai dans la mort de mon corps, dans la mort de ce qui vit et de ce qui se multiplie. Je consommerai avec vous l’unique mariage dont veuille mon coeur. J’irai plus haut, toujours plus haut, jusqu’à ce que j’aie atteint le brasier où vous resplendissez. Là, c’est un grand astre, une immense rose blanche dont chaque feuille brûle comme une lune, un trône d’argent d’où vous rayonnez avec un tel embrasement d’innocence, que le paradis entier reste éclairé de la seule lueur de votre voile. Tout ce qu’il y a de blanc, les aurores, la neige des sommets inaccessibles, les lis à peine éclos, l’eau des sources ignorées, le lait des plantes respectées du soleil, les sourires des vierges, les âmes des enfants morts au berceau, pleuvent sur vos pieds blancs. Alors, je monterai à vos lèvres, ainsi qu’une flamme subtile ; j’entrerai en vous, par votre bouche entr’ouverte, et les noces s’accompliront, pendant que les archanges tressailleront de notre allégresse. Être vierge, s’aimer vierge, garder au milieu des baisers les plus doux sa blancheur vierge ! Avoir tout l’amour, couché sur des ailes de cygne, dans une nuée de pureté, aux bras d’une maîtresse de lumière dont les caresses sont des jouissances d’âme ! Perfection, rêve surhumain, désir dont mes os craquent, délices qui me mettent au ciel ! Ô Marie, Vase d’élection, châtrez en moi l’humanité, faites-moi eunuque parmi les hommes, afin de me livrer sans peur le trésor de votre virginité ! Et l’abbé Mouret, claquant des dents, terrassé par la fièvre, s’évanouit sur le carreau.
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En entrant dans les ordres, ayant perdu son père et sa mère le même jour, à la suite d'un drame dont il ignorait encore les épouvantes, il avait laissé à un frère aîné toute la fortune. Il ne tenait plus au monde que
par sa sœur. Il s'était chargé d'elle, pris d'une sorte de tendresse religieuse pour sa tête faible. La chère innocente était si puérile, si petite fille, qu'elle lui apparaissait avec la pureté de ces pauvres d'esprit, auxquels l'Évangile accorde le royaume des cieux. Cependant, elle l'inquiétait depuis quelque temps; elle devenait trop forte, trop saine; elle sentait trop la vie. Mais c'était à peine un malaise. Il passait ses journées dans l'existence intérieure qu'il s'était faite, ayant tout quitté pour se donner entier. Il fermait la porte de ses sens, cherchait à s'affranchir des nécessités du corps, n'était plus qu'une âme ravie par la contemplation. La nature ne lui présentait que pièges, qu'ordures; il mettait sa gloire à lui faire violence, à la mépriser, à se dégager de sa boue humaine. Le juste doit être insensé selon le monde. Aussi se regardait-il comme un exilé sur la terre; il n'envisageait que les biens célestes, ne pouvant comprendre qu'on mît en balance une éternité de félicité avec quelques heures d'une joie périssable. Sa raison le trompait, ses désirs mentaient. Et, s'il avançait dans la vertu, c'était surtout par son humilité et son obéissance. Il voulait être le dernier de tous, soumis à tous, pour que la rosée divine tombât sur son cœur comme sur un sable aride; il se disait couvert d'opprobre et de confusion, indigne à jamais d'être sauvé du péché. Être humble, c'est croire, c'est aimer. Il ne dépendait même plus de lui-même, aveugle, sourd, chair morte. Il était la chose de Dieu. Alors, de cette abjection où il s'enfonçait, un hosannah l'emportait au-dessus des heureux et des puissants, dans le resplendissement d'un bonheur sans fin.
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Une paresse engourdissait peu à peu l'abbé Mouret. Le soleil montant le baignait d'une telle tiédeur, qu'il se laissait aller contre la porte de l'église, envahi par une paix heureuse. Il songeait à ce village des Artaud, poussé là, dans les pierres, ainsi qu'une des végétations noueuses de la vallée. Tous les habitants étaient parents, tous portaient le même nom, si bien qu'ils prenaient des surnoms dès le berceau, pour se distinguer entre eux. Un ancêtre, un Artaud, était venu, qui s'était fixé dans cette lande, comme un paria; puis, sa famille avait grandi, avec la vitalité farouche des herbes suçant la vie des rochers; sa famille avait fini par être une tribu, une commune, dont les cousinages se perdaient, remontaient à des siècles. Ils se mariaient entre eux, dans une promiscuité éhontée; on ne citait pas un exemple d'un Artaud ayant amené une femme d'un village voisin; les filles seules s'en allaient, parfois. Ils naissaient, ils mouraient, attachés à ce coin de terre, pullulant sur leur fumier, lentement, avec une simplicité d'arbres qui repoussaient de leur semence, sans avoir une idée nette du vaste monde, au delà de ces roches jaunes, entre lesquelles ils végétaient. Et pourtant déjà, parmi eux, se trouvaient des pauvres et des riches; des poules ayant disparu, les poulaillers, la nuit, étaient fermés par de gros cadenas; un Artaud avait tué un Artaud, un soir, derrière le moulin. C'était, au fond de cette ceinture désolée de collines, un peuple à part, une race née du sol, une humanité de trois cents têtes qui recommençait les temps.
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Lui, gardait toute l'ombre morte du séminaire. Pendant des années, il n'avait pas connu le soleil. Il l'ignorait même encore, les yeux fermés, fixés sur l'âme, n'ayant que du mépris pour la nature damnée. Longtemps, aux heures de recueillement, lorsque la méditation le prosternait, il avait rêvé un désert d'ermite, quelque trou dans une montagne, où rien de la vie, ni être, ni plante, ni eau, ne le viendrait distraire de la contemplation de Dieu. C'était un élan d'amour pur, une horreur de la sensation physique. Là, mourant à lui-même, le dos tourné à la lumière, il aurait attendu de n'être plus, de se perdre dans la souveraine blancheur des âmes. Le ciel lui apparaissait tout blanc, d'un blanc de lumière, comme s'il neigeait des lis, comme si toutes les puretés, toutes les innocences, toutes les chastetés flambaient. Mais son confesseur le grondait, quand il lui racontait ses désirs de solitude, ses besoins de candeur divine; il le rappelait aux luttes de l'Église, aux nécessités du sacerdoce. Plus tard, après son ordination, le jeune prêtre était venu aux Artaud, sur sa propre demande, avec l'espoir de réaliser son rêve d'anéantissement humain. Au milieu de cette misère, sur ce col stérile, il pourrait se boucher les oreilles aux bruits du monde, il vivrait dans le sommeil des saints. Et, depuis plusieurs mois, en effet, il demeurait souriant; à peine un frisson du village le troublait-il de loin en loin; à peine une morsure plus chaude du soleil le prenait-elle à la nuque, lorsqu'il suivait les sentiers, tout au ciel, sans entendre l'enfantement continu au milieu duquel il marchait.
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