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Les Rougon-Macquart tome 16 sur 20

Armand Lanoux (Autre)
EAN : 9782253002833
216 pages
Le Livre de Poche (30/11/2003)
3.66/5   1334 notes
Résumé :
Angélique, enfant trouvée, s'enfuit de chez sa nourrice. Recueillie par un couple de brodeurs, elle grandit là comme dans un cloître, loin du monde, niant le mal. «Le mal... on n'a qu'à le vaincre, et l'on vit heureux», pensait-elle.
L'amour vient sous les traits d'un peintre, Félicien d'Haute coeur, fils d'un gentilhomme devenu évêque. L'idée du plus léger empêchement à leur mariage ne pouvait effleurer Angélique : «On s'adore, on se marie, et c'est très sim... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (108) Voir plus Ajouter une critique
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sur 1334 notes
C'est à la passion, mystique ou amoureuse que Zola consacre cet opus de la série des Rougon-Macquart. incarnée par la jeune Angélique, c'est une enfant abandonnée (elle est la fille de Sidonie Rougon) et recueillie par Hubert et Hubertine, un couple qui a lui aussi préféré la passion à la raison et a ressenti comme un châtiment le décès de leur fille unique.

Angélique, tout en apprenant son métier de brodeuse, s'enflamme en secret pour les figures légendaires qui font le décor de la religion chrétienne. Elle se nourrit des légendes contant la vie de martyre des vierges qui ornent la cathédrale avoisinant la maison où elle vit. Jusqu'au jour où une ombre entrevue à son balcon éveille son émoi, et se substitue à ses héros mystiques.
Amoureuse du jeune homme, qui se dit ouvrier verrier, elle en oublie pour un temps les illusions qui la berçaient et lui faisaient entrevoir un avenir de princesse de conte de fées.

Le roman en possède les codes, la jeune fille pauvre, recueillie par un couple sans enfant, rêvant d'un avenir fastueux auprès d'un prince charmant. Zola casse cependant le mythe par une fin qui ne reprend pas la formule : « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants ».

Dans ces derniers tomes, qui mettent en scène les héritiers de la génération fondatrice, à chaque fois, le personnage principal s'interroge sur son hérédité et Angélique n'échappe pas à la règle :



"Elle l'entendait gronder au fond d'elle, le démon du mal héréditaire. Qui sait ce qu'elle serait devenue, dans le sol natal? Une mauvaise fille sans doute ; tandis qu'elle grandissait en santé nouvelle, à chaque saison, dans ce coin béni. N'était-ce pas la grâce, ce milieu fait des contes qu'elle savait par coeur, de la foi qu'elle y avait bue, de l'au-delà mystique où elle baignait, ce milieu de l'invisible où le miracle lui semblait naturel, de niveau avec son existence quotidienne."


La religion est au coeur du roman , à travers la dévotion des personnages, des figures du curé et de l'évêque, des processions et de la remise des légendes des premiers chrétiens. (L'énumération des vierges et de leurs destinées peut être un peu lassante, mais quand Zola s'empare d'un thème, il le décline jusqu'à plus soif!)

On entrevoit aussi l'univers des brodeurs, un métier artistique exigeant, que la jeune Angélique s'approprie avec talent et abnégation.


Un opus qui se distingue des précédents par sa brièveté , à peine deux cent pages. Ce qui est suffisant.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Je continue de cheminer de manière chronologique dans la saga extraordinaire des Rougon-Macquart et me voici parvenu déjà au seizième roman. Après La Terre, voici le Rêve, d'un esprit totalement différent. Ici Émile Zola s'éloigne radicalement de son registre habituel.
De temps en temps, dans ce parcours, cela lui arrive. Comme j'ai fait le choix assumé de lire jusqu'à présent cette oeuvre dans son ordre chronologique, je peux témoigner que c'est la troisième fois qu'il convoque la religion, ceci après La Conquête de Plassans et La Faute de l'abbé Mouret.
Souvent après un roman dur, Zola cherche à nous apaiser avec un roman doux. Après La Terre nous en avions bien besoin.
Pas facile en effet de passer de la Terre au Rêve, des culbutes dans les tas de foin à l'amour mystique. Est-ce le même Zola ? Certes, ce n'est pas ici du Zola pur jus, cependant...
Angélique, est une enfant abandonnée placée dès sa naissance à l'assistance publique. Mais à l'adolescence, souffrant de la violence qu'elle subit, elle décide de s'enfuir de la famille dans laquelle elle avait été confiée. Elle sera recueillie par un couple de brodeurs, les Hubert, elle va grandir comme protégée du reste du monde, oubliant le mal qui existe peut-être encore ailleurs, elle va mettre toute la force de son âme dans son métier de brodeuse.
Angélique laisse entrer dans son âme la paix, la majesté des vieilles pierres de la cathédrale toute proche, ces pages sont belles.
Mais que vient faire dans la grande fresque des Rougon-Macquart cette histoire d'une enfant abandonnée, recueillie dans l'ombre protectrice d'une cathédrale romane ? Tout simplement parce qu'Angélique descend de la lignée des Rougon. Elle est la fille de Sidonie Rougon. Enfant battue, abandonnée, fuyant une lignée maudite... Fuyant un destin qui n'était pas le sien... Ici, Zola rajoute un morceau au puzzle de la grande fresque.
Nous voici donc à Beaumont-l'Église, ville créée de pure fantaisie, tout comme la ville de Plassans sortie de l'imaginaire de l'auteur. Qui plus est, c'est une ville épiscopale pour la circonstance. J'ai reconnu ici toute la force créatrice de ce cher Zola et sa capacité à évoluer vers des univers où on ne l'attend pas.
Zola qu'on pourrait aisément qualifier de mécréant, nous délivre ici une crise de foi aiguë.
Angélique guette à sa fenêtre et brusquement un prince charmant débarque comme par miracle, il s'appelle Félicien. Il est doué aussi de ses mains, entendez ici qu'il est un artiste lui aussi dans le registre ecclésiastique. Il est peintre verrier.
Angélique et lui ont en commun l'art de leur métier et puis autre chose aussi... Ils vont apprendre à se connaître parce qu'ils sont amenés à travailler sur un ouvrage commun en vue d'une prochaine procession...
Le sujet est tellement banal qu'on pourrait presque en rire. Écoutez un peu. Ils s'aiment en silence et chacun s'interdit d'y croire un seul instant, ils se mentent l'un à l'autre et se mentent à eux-mêmes, puis quand ils se l'avouent enfin et qu'ils veulent se marier, ils n'ont pas encore dans leur naïveté enfantine imaginé que leurs familles s'opposeront à ce mariage. Plus particulièrement c'est la famille du jeune homme ou plutôt son père évêque qui va interdire cet amour. Oui, un évêque, vous m'avez bien lu... Cela dit, c'était possible, il avait eu cet enfant et était entré dans la religion après le décès de son épouse, morte en donnant naissance à l'enfant...
Elle et lui, c'est un trait de lumière. Elle aimait Jésus jusqu'à présent et elle va trahir ce dernier pour ce Félicien tombé du ciel comme un archange.
Félicien est destiné à une autre, compte tenu du rang que tient sa famille. Qu'importe !
C'est un sujet banal, un amour interdit, un mythe intemporel. Je me suis demandé dans quelle histoire ce foutu Zola était venu se fourvoyer, et nous avec.
Selon moi, c'est plus un univers mystique que Zola a cherché ici à construire plutôt qu'un univers religieux, même si Jésus et tout le tralala, les évêques, les abbés, les saintes, les vitraux, les processions, tout ça est fortement présent dans ce récit. Je ne sais pas comment Émile a su tirer son épingle du jeu... Mais je trouve qu'il le fait à merveille...
C'est comme un poème, c'est comme un songe, c'est une oeuvre éthérée, presque aérienne...
On sent Zola ébloui peut-être plus que nous d'ailleurs...
Mais que vient faire cet écart, ce pas de côté dans cette oeuvre ? Cela dit, ce n'est pas la première fois.
Autant, dans le livre précédent, La Terre, tout paraissait odieux, ici c'est comme si Zola avait voulu respirer le bonheur, un besoin presque naïf de fraîcheur qu'il voulait nous partager.
J'imagine que Zola a sans doute pris ici un risque, frôlant le ridicule à chaque chapitre, l'évitant par l'honnêteté qu'il inspire, l'amour qu'il porte cela se voit à son héroïne, la compassion, la capacité aussi à porter de la lumière sur les personnages. J'ai senti que Zola rêvait d'Angélique, un oiseau blessé encore fragile, posé sur la branche des pages de ce livre.
Zola surprend donc ici, et c'est peut-être ça qu'il cherchait seulement à faire. Surprendre son lecteur. Mais je commence à le connaître ce lascar, Zola ne fait jamais les choses innocemment.
Pourtant, on retrouve des thèmes qui lui sont chers, la lutte éternelle de la passion et du devoir, le déterminisme, la filiation.
C'est la revanche d'une enfant abandonnée dont on voudrait croire au bonheur, sa revanche sur la réalité, sur les rebuffades qu'elle a peut-être connues auparavant.
Angélique, oiseau fugitif traversant la fragilité des pages, aura-t-elle connu au moins le bonheur, à défaut d'avoir été touchée par la grâce lorsqu'elle rêve de ressembler à Sainte Agnès ?
Mais le réveil après le rêve ressemble parfois à une gueule de bois. Se réveiller après le rêve, c'est revenir de plein pied dans l'ordre raisonnable et cruel du monde. Pour Angélique aussi...
On peut y voir plein de choses insoupçonnées. Loin d'une bluette.
C'est dans la durée qu'il faut apprécier Zola, sachant avec autant de talent convoquer les saintes nitouches que le petit peuple des caniveaux...
Ici j'ai découvert une pudeur exceptionnelle, une chasteté absolue, auxquelles Zola ne nous avait pas habituées jusqu'à présent.
Il y a dans ce récit une poésie, des envolées d'oiseaux qui touchent le ciel et des coeurs qui battent, tellement fort qu'on pourrait les entendre.
Je vous avouerai que le Rêve est loin d'être l'opus que j'ai préféré dans la saga des Rougon-Macquart, mais il mérite cependant le détour, ne serait-ce que pour les respirations qu'il apporte à cette grande fresque chahutée par la violence de l'âme humaine.
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Le 16ème tome des Rougon-Macquart ne trônera pas parmi mes favoris de la série, même si sa lecture aura été bien moins douloureuse que celle de son grand frère "La faute de l'abbé Mouret".

Avec son nombre de personnages remarquablement réduit, sa prose exaltée et emphatique plutôt oppressante et son thème éthéré, "Le rêve" a certes de quoi faire couler beaucoup d'encre dans une classe de littérature, permettant bien des interprétations et ouvrant sur de nombreuses analyses, mais n'a pas eu le pouvoir de totalement me charmer. Cela tient sans doute en grande partie au fait que le goût de décortiquer la littérature m'a passé avec les années ; je ne suis plus aujourd'hui qu'en quête du plaisir, celui que procure un style poétique et une trame dynamique ; poésie et action, j'en conviens, n'étant pas toujours facile à concilier.

Pour ce qui est du style, rien à dire. Ou plutôt rien à ajouter à tout ce qui a déjà été dit. C'est du Zola, c'est vivant, palpitant et enivrant. Pour la trame, aïe. Notre cher auteur devait être en pleine crise de mysticisme et aura peut-être voulu créer son propre mythe, le situant grosso modo entre le "Roméo et Juliette" de Shakespeare et l'hagiographie de Sainte Agnès. Partant de là, le récit trouve difficilement son équilibre entre tragédie (un peu trop théâtrale) et texte sacré (un peu trop mythologique).

"Le rêve", c'est la dissection du désir, la poussée de la passion, nés dans une âme innocente, celle d'Angélique, une orpheline au nom prédestiné puisque Zola en fait un ange, la parabole de la pureté, le symbole de l'innocence et l'allégorie du martyre. L'enfant naturelle de Sidonie Saccard, abandonnée à sa naissance, témoigne dès son plus jeune âge d'une belle propension à l'imagination. Fantasque, exaltée, mystique, elle a conçu le rêve qu'un Prince Charmant viendrait l'épouser et ferait d'elle, la pauvresse, une nouvelle reine de Saba. A 16 ans, sa rencontre déterminante avec un ouvrier verrier va la faire basculer du rêve à la réalité. Se succèdent alors dans le récit, de façon très académique, trois phases bien identifiables : le souhait du songe, la réalité du rêve et le réveil... brutal.

N'allez pas croire en me lisant que ce roman ne vaut pas le détour, loin de là. Simplement, pour moi, c'est typiquement le genre de texte dont la puissance poétique ne conviendra pas à tous les lecteurs, surtout aux plus terre-à-terre. Je pense que pour l'apprécier, il faut déjà avoir une sensibilité spirituelle bien éveillée et être prêt à entrer dans une bulle d'irréalité où chaque parole et chaque action sont dictées non pas par le pragmatisme du quotidien mais bien par la ferveur de l'idéal, celui qui habite les poètes et les saints. Sans cela, gare à l'ennui !

Un beau texte, mais pas le meilleur de l'auteur.


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Challenge Petits Plaisirs 2016
Challenge 19ème siècle 2016
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Quelle mouche échappée des ombres d'un confessionnal a piqué l'auteur de la Bête Humaine? Quel encensoir balancé avec trop de vigueur a brutalement frappé la tempe de l'auteur de la Curée?

Certes, Zola avait beaucoup à se faire pardonner et devait montrer patte blanche pour entrer à l'Académie: c'est dans ce but qu'il a écrit le Rêve, ce roman "calme" dit F. A. Burguet et pétri de sainteté...Mais personne n'a cru à cette patte blanche : on voyait trop le nez du loup, et Mimile n'est pas entré à l'Académie...

Bien fait pour lui: cette mascarade bondieusarde ne lui ressemble vraiment pas. Même La Faute de l'Abbé Mouret, un autre Rougon-Macquart peu concluant, avait le charme de l'inattendu, si ce n'est de l'inavouable, avec son Eden sensuel et ses galipettes naturalistes...Un bon curé découvrant sans remords les plaisirs de la chair, tout un programme!

Mais le Rêve !!

Zola sera-t-il absout pour cette exaspérante hagiographie d'une petite gourde aux doigts de fée ? Sera-t-il convié au banquet des grandes âmes pour cette pièce nouvelle ajoutée à la Légende Dorée de Jacques de Voragine ? Sera-t-il admis au rang des grands moralistes chrétiens pour cette sulpicienne version de la Petite fille aux allumettes?

En deux mots, l'histoire : elle a tout du conte !

Une petite mendiante, pupille fugueuse de l'Assistance, trouve refuge chez de pieux chasubliers, dans une petite ville de Picardie, Beaumont, qui vit à l'ombre de sa cathédrale. Ils l'adoptent, ils l'élèvent, ils en font une brodeuse hors pair, elle remplace l'enfant qu'ils ont perdu, maudits par une mère acariâtre. La petite perd peu à peu ses rancunes et révoltes d'enfant trouvée et vit recluse entre ses deux parents, rêvant comme toutes les petites filles d'épouser un beau prince, riche et charmant. Il ne tarde pas à se manifester : c'est le fils de l'évêque –eh oui ! avant de rentrer dans les ordres, ce dernier a connu la passion, mais la femme en est morte et le fils, maudit, est tardivement rentré en grâce auprès du prélat qui veut le marier à un riche héritière…

Angélique et Félicien, la fille de substitution et le fils du remords, s'épouseront-ils ? La brodeuse sans nom épousera-t-elle le prince sans mère, au mépris de tous les interdits sociaux et de toutes les conventions ?

On est à la fois dans la Petite fille aux allumettes, dans la petite Poucette, dans la Belle au Bois Dormant et dans Blanche -Neige-un-jour-mon –prince—viendra…

Trop, c'est trop !!

Essayons pourtant de plaider la cause de ce naturaliste fourvoyé dans le pays des contes et de ce déterministe égaré en terre mystique...

D'abord l' « écriture artiste », chère aux Goncourt: il est vrai qu'elle est, dans le Rêve, particulièrement travaillée : quand les personnages sont respectivement des brodeurs - des chasubliers- des maîtres verriers, des évêques...on se doit d'ornementer son langage , de le fleurir de mots savants et d'or nué.

Zola, donc, s'en donne à coeur joie: ensubles, chanlatte, coutisse, pâté, bourriquet, cannetilles, bouillon, frisure, broches..et j'en passe. Moi qui ne sais même pas faire un ourlet correct, j'en avais les doigts tout entortillés, comme si j'avais tressé les nattes de Bo Derek toute la journée!!

Ces recherches « in situ » chères aux écrivains naturalistes qui en crédibilisent leur récit m'ont toujours paru plutôt bien intégrées dans les Rougon-Macquart que j'ai lus – une petite quinzaine- mais ici elles m'ont pesé, m'ont paru plaquées, artificielles et je me suis prise à soupirer plus d'une fois : « Ah, nous voilà chez le verrier, on va avoir droit au vade mecum du vitrail, encore une fiche technique de Castorama ! » (j'ai parfois honte de ma propre trivialité!)

Deux exceptions, et elles sont de taille, car l'une m'a ferrée et décidée à lire le livre –c'était l'incipit du bouquin, pas folle la guêpe, Zola connaît son métier d'écrivain ! – et l'autre m'a tout simplement enchantée.

Rien que pour ces vingt pages-là il faut lire le Rêve !

La première, ce sont les pages de description , sous la neige, de la cathédrale de Beaumont où, sous le porche de Sainte Agnès, au milieu des statues de saints emmitouflés de neige, se réfugie la petite mendiante blonde qui sera l'héroïne de cette histoire édifiante, Angélique, la bien-nommée. Sans ironie, cette fois, je me suis trouvée dans un conte – La Reine des Neiges d'Andersen –pas celle de Disney, « délivrée, libérée », non, non !!

La seconde est une scène de lessive dans un jardin clos, traversé par un torrent, un jour de grand vent : une pure merveille ! Le vent souffle, les draps et les camisoles s'envolent, papillonnent tout blancs sur les prés verts, les lavandières d'occasion courent, un jeune maître-verrier les aide…Ravissement printanier et scène de première rencontre magique !

Voilà pour l'écriture artiste - on peut aussi rajouter un bel exercice de style à la Monet : la cathédrale de Beaumont évoquée avec talent à toutes les saisons de l'année…

Sinon, que dire encore pour la défense de notre Emile ?

Qu'il a bien essayé de raccrocher le Rêve à ses théories sur l'hérédité : Angélique est une enfant abandonnée par l'infâme Sidonie Rougon, vendeuse à la toilette –c'est-à-dire un peu maquerelle sur les bords-et comme nous dit Zola, « sèche comme une facture, froide comme un protêt, indifférente et brutale comme un recors » !! De cette souche peu tendre et peu recommandable, viennent les crises de violence d'Angélique, ses révoltes, ses bouffées de sensualité…mais l'inné est ici battu en brèche par l'acquis : deux parents adoptifs que Zola n'a pas craint d'appeler Hubert et Hubertine Hubert – le comble de la cucuterie, non ? – et qui corrigent par la piété, l'amour et…. la réclusion consentie cette nature un peu rebelle. De leur petite diablesse, ils font une sainte, vouée à expier, vierge et martyre, ses impossibles rêves de princesse le jour même de leur miraculeuse réalisation. Et sans doute aussi à expier leur amour à eux deux, pauvres artisans, si tendrement attachés l'un à l'autre et déjà « punis » par la mort d'un enfant..Alors quand on aime, on ne compte pas : pourquoi pas un deuxième sacrifice ? Ou même un troisième, car il y a du Frollo dans Monseigneur l'archevêque, dont la chair fut bien faible autrefois et qui ne supporte pas que son fils vive un parfait amour avec sa bergère…pardon sa brodeuse !

Les parents jouissent, les enfants trinquent...

Décidément trop c'est trop !

Même mon plaidoyer se retourne contre ce pauvre Rêve si maladroit, si benêt, si plein de clichés qu'on entend tinter chacun d'eux dans la sébile !!

Restent une belle écriture et une lessive envolée...


Anatole France ne fut pas plus tendre à l'égard du Rêve :
« Devant l'impalpable héroïne de ce roman nébuleux, je suis forcé de convenir que la Mouquette [ dans Germinal] avait du bon. Et, s'il fallait absolument choisir, à M.Zola ailé, je préférerais encore M.Zola à quatre pattes. Le naturel, voyez-vous, a un charme inimitable, et l'on ne saurait plaire, si l'on n'est plus soi-même. »

Je vais vite me mettre à un Zola bien dur, bien noir, bien tassé : La Terre…

Un Zola à quatre pattes….

Lu dans le cadre du club de lecture 2016.

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"Le rêve" est le seizième tome des Rougon-Macquart, il met en scène Angélique Rougon, fille de Sidonie et petite-fille de Pierre Rougon, mais qui a été élevée par l'Assistance publique dès la naissance. Après s'être enfuie d'une famille d'accueil qui la maltraitait, elle est recueillie par le couple Hubert, chasublier de génération en génération dans une petite commune du Val d'Oise. Elle apprendra à son tour le métier, dans lequel elle excellera. Entourée des saintes vierges de la cathédrale voisine et du livre "La Légende dorée" qu'elle ne quitte jamais, Angélique va vivre tout au long de sa courte vie dans un rêve. Car en effet, persuadée d'être guidée par sainte-Agnès et toutes ses acolytes, elle vit dans l'attente de son prince charmant : celui qu'elle aimera à la folie et qui l'aimera tout autant, en plus d'être beau et riche (bah oui tant qu'à faire !). Elle le trouvera en la personne de Félicien, beau garçon et fils du richissime Monseigneur de Hautecoeur. le rêve d'Angélique pourrait se réaliser si seulement le papa du garçon pouvait donner son accord pour qu'il épouse "cette fille de rien"... C'est un déchirement pour les deux amoureux, car oui ils s'aiment à la folie...

Nous avons là une nouvelle fois un opus bien différent des autres. Émile Zola ne dénonce pas, ne se fait pas critique de la société. Pas de cancans, pas de mesquineries. Pas de personnages avides de pouvoir et d'argent non plus. "Le rêve" fait partie des quelques tomes les plus doux, voire même romantiques, de la série. Une romance, un roman d'amour, pourrait-on le qualifier.

L'ambiance est également tout autre puisque nous sommes plongés dans une sorte de rêve, ou de réalité cotonneuse, entourés des saintes vierges et martyres, influencés par leur destin et leurs messages que l'on perçoit dans le bruissement des feuilles au vent par exemple. L'obsession de Zola en ce qui concerne le blanc prend ici une ampleur démesurée. Tout est blanc, d'Angélique elle-même à sa chambre, en passant par la lumière de la lune et ses reflets et toutes les saintes. Tout est référence et symbole de chasteté, pureté, innocence, virginité. Avec de temps à autre un halo doré, rappel aux divinités, à la noblesse et la richesse. Zola implante par conséquent une atmosphère très pieuse, "soyeuse", chimérique, qui prend le dessus sur tout le reste.

Zola aborde à nouveau le thème de la religion, mais sous un aspect différent. Il y est davantage question ici de mysticisme, de miracle, de la vie des martyres qui aiguilleront les rêves d'Angélique. Il me faut avouer que c'est parfois pesant, le sujet ne m'intéressant guère à la base.

Quant à Angélique, même si on comprend dès le début qu'elle a hérité du gène "folie" de son arrière-grand-mère Adélaïde, on ne peut qu'avoir beaucoup d'empathie pour elle. Cette jeune fille, qui vit isolée, que les Hubert n'ont jamais voulu scolariser pour la préserver, n'a pas appris à faire la différence entre le rêve et la réalité. Elle s'est imaginé une vie de princesse et vit dans la béatitude et l'attente. Elle ne comprend pas les mises en garde de sa mère adoptive, et pour cause puisque son prince charmant fait son apparition et que tout se déroule comme elle l'avait prédit. Quand le père de Félicien refuse le mariage, elle n'était évidemment pas préparée et tombe de haut. C'est à partir de là qu'on prend pitié d'elle, que l'histoire devient de plus en plus douloureuse.

Le dénouement m'a grandement étonnée, il s'est produit un "miracle" que je n'attendais pas. Zola n'a quand même pas pu s'empêcher de s'arrêter sur un drame, mais qui s'avère être beaucoup moins violent que ce que je m'étais imaginé.

Malgré quelques longueurs dues à des explications/descriptions que j'ai trouvées rébarbatives (le thème, comme dit plus haut, ne m'attirant pas, c'est donc très personnel), j'ai une nouvelle fois passé un bon moment. "Le rêve" ne fera pas partie de mes préférés de la série, alors qu'il est pourtant l'un des tomes les plus doux et touchants, peut-être même le plus lumineux, que j'ai lus jusqu'ici.
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Citations et extraits (167) Voir plus Ajouter une citation
À cette distance, elle le voyait comme en plein jour, âgé de vingt ans, blond, grand et mince. Il ressemblait au saint Georges, à un Jésus superbe, avec ses cheveux bouclés, sa barbe légère, son nez droit, un peu fort, ses yeux noirs, d’une douceur hautaine. Et elle le reconnaissait parfaitement : jamais elle ne l’avait vu autre, c’était lui, c’était ainsi qu’elle l’attendait. Le prodige s’achevait enfin, la lente création de l’invisible aboutissait à cette apparition vivante. Il sortait de l’inconnu, du frisson des choses, des voix murmurantes, des jeux mouvants de la nuit, de tout ce qui l’avait enveloppée, jusqu’à la faire défaillir. Aussi le voyait-elle à deux pieds du sol, dans le surnaturel de sa venue, tandis que le miracle l’entourait de toutes parts, flottant sur le lac mystérieux de la lune. Il gardait pour escorte le peuple entier de la Légende, les saints dont les bâtons fleurissent, les saintes dont les blessures laissent pleuvoir du lait. Et le vol blanc des vierges pâlissait les étoiles.
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La cathédrale explique tout, a tout enfanté et conserve tout. Elle est la mère, la reine, énorme au milieu du petit tas des maisons basses, pareilles à une couvée abritée frileusement sous ses ailes de pierre. On n'y habite que pour elle et par elle ; les industries ne travaillent, les boutiques ne vendent que pour la nourrir, la vêtir, l'entretenir, elle et son clergé ; et, si l'on rencontre quelques bourgeois, c'est qu'ils y sont les derniers fidèles des foules disparues. Elle bat au centre, chaque rue est une de ses veines, la ville n'a d'autre souffle que le sien. De là, cette âme d'un autre âge, cet engourdissement religieux dans le passé, cette cité cloîtrée qui l'entoure, odorante d'un vieux parfum de paix et de foi.
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Si vous saviez quelle abominable torture ! Je n'avais jamais souffert ainsi, l'unique douleur est de ne se croire pas aimé... Je veux bien tout perdre, être un misérable, mourant de faim, tordu par la maladie. Mais je ne veux plus passer une journée, avec ce mal dévorant dans le cœur, de me dire que vous ne m'aimez pas... Soyez bonne, épargnez-moi... [...] Ne m'aimez pas, mais laissez-moi vous aimer. Soyez froide, soyez méchante, je vous aimerai comme vous serez. Je ne vous demande que de vous voir, sans espoir aucun, pour l'unique joie d'être ainsi, à vos genoux.
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Souriante, elle avait levé la main, d’un geste d’attention profonde. Tout son être était ravi dans les souffles épars. C’étaient les vierges de la Légende, que son imagination évoquait comme en son enfance, et dont le vol mystique sortait du vieux livre, aux images naïves, posé sur la table. Agnès, d’abord, vêtue de ses cheveux, ayant au doigt l’anneau de fiançailles du prêtre Paulin. Puis, toutes les autres, Barbe avec sa tour, Geneviève avec ses agneaux, Cécile avec sa viole, Agathe aux mamelles arrachées, Élisabeth mendiant par les routes, Catherine triomphant des docteurs. Un miracle rend Luce si pesante, que mille hommes et cinq paires de bœufs ne peuvent la traîner à un mauvais lieu. Le gouverneur qui veut embrasser Anastasie, devient aveugle. Et toutes, dans la nuit claire, volent, très blanches, la gorge encore ouverte par le fer des supplices, laissant couler, au lieu de sang, des fleuves de lait. L’air en est candide, les ténèbres s’éclairent comme d’un ruissellement d’étoiles. Ah ! mourir d’amour comme elles, mourir vierge, éclatante de blancheur, au premier baiser de l’époux !
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- Venez, les routes sont noires à cette heure, la voiture nous emportera dans les ténèbres ; et nous irons toujours, toujours, bercés, endormis aux bras l’un de l’autre, comme enfouis sous un duvet, sans craindre les fraîcheurs de la nuit ; et, quand le jour se lèvera, nous continuerons dans le soleil, encore, encore plus loin, jusqu’à ce que nous soyons arrivés au pays où l’on est heureux… Personne ne nous connaîtra, nous vivrons, cachés au fond de quelque grand jardin, n’ayant d’autre soin que de nous aimer davantage, à chaque journée nouvelle. Il y aura là des fleurs grandes comme des arbres, des fruits plus doux que le miel. Et nous vivrons de rien, au milieu de cet éternel printemps, nous vivrons de nos baisers, ma chère âme.
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