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Critique de michfred


Avec La Bête humaine, Zola invente le thriller bien gore et forge un héros qui a tout du serial killer psychopathe!

La Bête humaine tisse sa toile d'araignée dans le réseau ferré, entre le Havre et Paris, avec un centre névralgique, le lieu maudit par excellence, le passage à niveau de la Croix de Maufrat. Accidents, catastrophes, crimes, passions adultères et vengeances impitoyables, tout converge vers cet oeil du cyclone ferroviaire...

La Bête humaine c'est d'abord une machine, une locomotive à vapeur, la Lison, tellement bichonnée, bouchonnée, briquée, lustrée, huilée, cajolée par son mécanicien qu'elle en prend vie, s'humanise, se féminise jusqu'au malaise: la Lison c'est la seule femme dont Jacques puisse supporter le concubinage

La deuxième bête humaine du livre, c'est lui, Jacques Lantier, le fils de Gervaise, morte de delirium tremens et qui a instillé dans son sang la fêlure héréditaire qui le rend fou furieux dès qu'une femme s'abandonne dans ses bras...

Alors quand Jacques aperçoit de la gare où il prend du repos une scène de crime et qu'il distingue brièvement le profil d'un des meurtriers- une femme, pâle et jolie- dans le compartiment éclairé qui défile à grande vitesse sous ses yeux, quand il retrouve cette femme, qu'il s'en éprend, et qu'il s'étonne de ne plus éprouver avec elle ses pulsions homicides, le drame se noue..car aimer une femme c'est trahir la Lison: la machine se venge...on est à deux doigts de la littérature fantastique!


Complicités, silences coupables, pulsions assoupies et sens réveillés, jalousies humaines et mécaniques vengeances remontées comme des ressorts...

La Bête humaine devient une machine infernale!

La folle machine est lancée, elle s'emballe, pas d'aiguillage possible, pas d'arrêt-buffet: comme aurait pu dire Jean Gabin à Simone Simon dans le film de Renoir adapté du livre: en voiture, Simone! (pardon...)

Je n'en dis pas plus: la violence, les excès, la surcharge de sang et de testostérone, tout est pardonné: autant en emporte le train! Et à grande vitesse encore - au moins...100 km à l'heure, du temps de Zola!!

Croix-de Maufras, Croix-de Maufras!! Tout le monde descend!!

Pas de lenteur dans ce récit haletant, trépidant, violent: les scènes fortes se succèdent, les descriptions sont époustouflantes -celles de la Lison sous la neige, celles de sa "mort" sont anthologiques!

Et comme je ne peux pas vous laisser sur le quai en train de compter les morts, voici une petite chanson réaliste de l'époque..C'est Adolphe Bérard d'ailleurs qui vous la chante, elle s'appelle "Le Train Fatal" !

J'ai toujours eu un petit faible pour elle. Une vieille copine ne terminait jamais un repas chez elle sans nous la chanter! La voici:

Dans la campagne verdoyante
Le train longeant sa voie de fer
Emporte une foule bruyante
Tout là-bas vers la grande mer.
Le mécanicien Jean, sur sa locomotive,
Regarde l'air mauvais Blaise, le beau chauffeur ;
La colère en ses yeux luit d'une flamme vive,
De sa femme chérie Blaise a volé le coeur.

Roule, Roule, train du plaisir
Dans la plaine jolie,
Vers un bel avenir
D'amour et de folie.
L'homme rude et noir qui conduit
Cette joyeuse foule
Sent de ses yeux rougis
Une larme qui coule.
Des heureux voyageurs, on entend les refrains.
Suivant les rails et son destin
C'est le train du plaisir qui roule.

Le pauvre Jean, perdant la tête,
Rendu fou par la trahison,
Sur son rival soudain se jette
Criant : «Bandit, rends-moi Lison».
Le chauffeur éperdu fait tournoyer sa pelle,
Jean lui sautant au cou l'étrangle comme un chien
Et tous les deux rivés par l'étreinte mortelle
Tombent de la machine abandonnant leur train.

Roule, roule, train du malheur
Dans la plaine assombrie,
Roule à toute vapeur
D'un élan de folie.
Les paysans saisis te voyant
Tout seul fendant l'espace
Se signent en priant
Et la terreur les glace
Des heureux voyageurs on entend les refrains.
Suivant son terrible destin,
C'est le train du malheur qui passe.

Tiens ! la chose est vraiment bizarre,
On devrait s'arrêter ici.
Le train brûle encore une gare,
Ah ça... que veut dire ceci ?
Alors du train maudit une clameur s'élève,
On entend des sanglots et des cris de dément,
Chacun revoit sa vie dans un rapide rêve,
Puis c'est le choc, le feu, les appels déchirants !

Flambe, Flambe, train de la mort
Dans la plaine rougie
Tout se brise et se tord
Sous un vent de folie,
Les petits enfants, leurs mamans
S'appellent dans les flammes,
Les amoureux râlant
Réunissent leurs âmes !
Pourquoi ces pleurs, ces cris, pourquoi ces orphelins ?
Pour un simple, un tout petit rien :
L'infidélité d'une femme.
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