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sur 2391 notes
Présenté comme une sorte de grande bataille du gras contre le maigre, le Ventre de Paris est, chronologiquement, le troisième roman des fameux Rougon-Macquart de Zola.
À plus d'un titre, il présente un caractère innovant dans la progression du cycle. Tout d'abord, c'est la première fois que le protagoniste principal n'est pas un membre direct de la famille Rougon-Macquart, puisqu'il s'agit de Florent, beau-frère de Lisa Macquart, devenue Lisa Quenu dans la charcuterie du même nom.
C'est aussi la première fois qu'Émile Zola ne traite que des classes ouvrières ou des petits patrons à leur compte.
C'est aussi dans ce volume qu'il commence à exploiter à fond la Symbolique, en tant que procédé littéraire, et qu'il donne à un lieu, en l'occurrence les halles centrales de Paris, un rôle de personnage à part entière.
La conviction politique de Zola est également beaucoup plus clairement exprimée à partir de cet ouvrage.
L'histoire est assez simple : Florent, utopiste républicain, envoyé au bagne suite au coup d'état de Napoléon III, a réussi à s'enfuir après plusieurs années passées au bagne de Guyane et autant à rentrer en France par des voies détournées.
D'une maigreur effrayante, il rejoint son frère qui, lui, est gras à éclater dans sa charcuterie triomphante.
Le contraste de toute cette nourriture déployée dans les halles et de la maigreur des humbles est l'un des piliers du roman ; peut être pas le meilleur car l'auteur gonfle tellement le trait que cela frise la caricature.
Ses descriptions pléthoriques de nourriture sont assez " gavantes " à la longue.
Néanmoins, les descriptions très précises des Halles, ancêtre de Rungis, construites selon les plan de Baltard (cf. le dernier vestige de ces halles qui s'appelle d'ailleurs le pavillon Baltard) en lieu et place de l'actuel quartier " des halles " à Paris revêtent désormais une valeur documentaire.
Le volet le plus intéressant du roman me semble être d'une part la vision prémonitoire sur l'émergence de la société de consommation (le livre est écrit en 1873, ne l'oublions pas, thème qu'il reprendra dix ans plus tard dans Au Bonheur Des Dames) au travers d'une lumineuse comparaison où il reprend presque mot pour mot la formule de Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris et son fameux "ceci tuera cela" quand Hugo prétendait que le livre tuerait la pierre.
Ici Zola écrit : " C'est une curieuse rencontre, disait-il, ce bout d'église encadré sous cette avenue de fonte... Ceci tuera cela, le fer tuera la pierre, et les temps sont proches..."
Au travers de la bouche de Claude Lantier, le peintre pauvre, futur héros de L'Oeuvre, l'auteur nous offre une vision pénétrante de la mutation introduite par la révolution industrielle : " Depuis le commencement du siècle, on n'a bâti qu'un seul monument original, un monument qui ne soit copié nulle part, qui ait poussé naturellement dans le sol de l'époque; et ce sont les Halles centrales, entendez-vous Florent, une oeuvre crâne, et qui n'est encore qu'une révélation timide du XXè siècle..."
L'autre volet prophétique du livre est la description quasi millimétrique du comportement du français moyen de Paris durant la période d'occupation allemande sous le régime de Vichy.
Tout est dit : les collaborations diverses sous des allures parfaitement honnêtes, les conflits d'intérêts, les alliances de façade, etc. le tout concourra ici à faire tomber Florent, qui, bien naïvement, essaie de monter une insurrection pour faire triompher la justice et le droit des opprimés.
L'auteur nous livre aussi tous les écueils qui s'opposent naturellement à toute forme de socialisme et conclut son livre, toujours par la bouche de Claude Lantier avec un : " Quels gredins que les honnêtes gens ! " très lourd de sens.
Mon coup de coeur personnel va indubitablement à Mademoiselle Saget, vieille commère venimeuse quémandeuse imbuvable qui colporte les ragots qu'elle invente elle-même comme personne et qui laisse derrière elle une trainée de poudre apte à semer la zizanie à n'importe quel coin des Halles.
Zola devait affectionner tailler de beaux costumes pour l'hiver à ces femmes, car on en rencontre souvent disséminées çà et là dans les Rougon-Macquart, toutes aussi venimeuses et malfaisantes.
Personnellement, j'adore quand Émile Zola exhume les côtés les plus hideux et puants des humains, les met sur le grill pour empester les voisins et rajoute de grosses gousses d'ail pour roter d'une haleine féroce, mais bien sûr, ce n'est là que mon avis, une bien piètre victuaille oubliée sur l'étal, autant dire, pas grand-chose.
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Sans doute le meilleurs Zola à lire pendant la période de Noel. En effet on y croise pâtés, boudins, côtelettes panées, et autres mets décrit de façon magistrale. L'auteur est arrivé a me donner l'eau à la bouche à certains moment. Je me suis surprise a aller chercher sur internet une recette (que je ne ferais pas au vu de la complexité). Après il faut avouer aussi que l'excès nous conduit vers une overdose de charcuterie.. un peu comme au lendemain d'un réveillon trop chargé

Mais si Zola est un conteur hors pair, il reste le maître en la matière en ce qui concerne les descriptions. J'ai adoré me pencher sur les adjectifs qu'il utilise. En effet, tout est décrit de façon positive et hop d'un coup un seul on passe du côté négatif à cause d'un seul petit mot qui inspire un immense dégoût.
Sans bien sûr oublier le côté social de l'oeuvre de Zola. Les Halles sont décrits en détails (mais est ce encore besoin de le préciser chez Zola), et où les prémices d'une société de consommation se dévoilent.

C'est aussi un roman ou l'on sent poindre la colère de Zola face a l'injustice sociale et juridique.. mais le sujet est pour l'instant juste survolé.

Que dire de plus sauf qu'une fois encore je me suis régalée en visitant l'univers de Rougon Macquart.
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C'est au coeur des Halles Baltard, que nous retrouvons Lisa, la fille d'Antoine Rougon, ce dernier s'étant fait remarquer par sa fainéantise et son alcoolisme à Plassans, alors que la république était renversée par le coup d'état de décembre 1852.

Lisa est une travailleuse, et une ambitieuse . Et elle a vite pignon sur rue , dans la charcuterie de son mari, dans ce quartier foisonnant où convergent tous les producteurs de marchandises alimentaires destinées à approvisionner la capitale. C'est dire que le roman regorge de descriptions de légumes, fruits, viandes, poissons riches en couleurs et en parfums, ceux des fleurs compensant ceux de la marée. Zola ne se prive pas de détailler les étals, au risque même d'oublier qu'il y a des saisons et qu'au 19è siècle, il est peu probable que les potirons aient côtoyé les asperges, et que l'on ait pu acheter du lilas blanc en hiver!

Outre ces tableaux grouillants de l'activité commerciale du lieu, l'intrigue se noue autour de Florent, un bagnard évadé, demi-frère de Quenu, le mari de Lisa. Accueilli à bras ouverts par les charcutiers, il fera peu à peu l'objet de ragots et de commérages, et même pour ainsi dire de fake-news, qui ne portaient alors que le nom de rumeurs et qui se propageaient à l'époque très bien via des réseaux sociaux non numériques! Il suffisait d'une commère aigrie et acariâtre pour que les réputations se fassent et se défassent comme une triante de poudre.

On y croise aussi Claude Lantier, un peintre qui traine ses guêtres et son désabusement à travers le quartier.

Beaucoup de personnages, une peinture colorée des lieux, une bonne intrigue, encore un plaisir immense pour cette lecture.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Comme dans les précédents, le roman commence sur un évènement : l'arrivée de Florent, échappé du bagne et son premier contact avec Paris, qui a beaucoup changé et sa rencontre avec sa famille et déjà, tous les personnages nous sont décrits. Ensuite, l'auteur revient sur la généalogie des protagonistes, leur histoire, ce qui sert de canevas au thème du roman.

Zola choisit de ce roman de s'intéresser au peuple avec d'un côté les commerçants nantis qui roulent sur l'or, exhibant leurs produits et leurs toilettes pour ces dames qui mangent beaucoup et sont tous « gras ». de l'autre, on a les petits, qui tirent le diable par la queue et sont bien-sûr maigres ce qui n'inspire pas confiance : ils ont forcément quelque chose à cacher.

On a donc la querelle des gras et des maigres comme on a eu la querelle des Anciens et des Modernes. En gros, il y d'un côté les « Maigres » qui ont conservé un idéal révolutionnaire et rêvent de renverser le régime, dont il faut se méfier et qui ne peuvent que disparaître et de l'autre les « Gras » qui ne pensent qu'à s'enrichir, se remplir au propre comme au figuré, profitant du système, c'est-à-dire l'Empire, les grands travaux, ici la construction des Halles.

Notre Florent est un idéaliste qui parle bien, avec des envolées presque lyriques, de la république, de l'égalité, de la révolution, mais il reste dans les idées, peu dans l'action.

Zola est sans pitié avec les commères du quartier, qui espionnent tout le monde, embellissant l'histoire chaque fois qu'elles la raconte à une autre personne, la Mère Saget, à elle seule est une horreur, une vraie caricature, toujours à l'affut, cachée derrière un mur ou observant de sa fenêtre, elle connaît tout sur tout le monde. Il fustige la calomnie, la délation et on ne peut s'empêcher de penser que ces femmes auraient fait un tabac pendant l'Occupation !

Le personnage central de roman, celui qui le fait vivre, ce sont les Halles, cette ville dans la ville, un monstre avec des tentacules, qui est le ventre de Paris, dont on entend le coeur qui pulse, ou les borborygmes de la digestion, aussi vivant donc que les protagonistes du roman. Monstre qui deviendra le pavillon Baltard.

On sent que Zola est fasciné par ce bâtiment, et ce qui se passe dans ses entrailles : on l'imagine, arpentant pendant des heures le monstre ! Ce qui se traduit par des descriptions grandioses : un florilège de couleurs, de senteurs, de sons, en égrenant toutes les variétés de légumes, de fromages, de charcuteries, de poissons et de fleurs : il est lyrique quand il nous parle de l'odeur de prune de la marchande de fruits, de son jupon qui sent la fraise, ou au contraire, l'odeur de marée de la poissonnière.

Il égratigne au passage, les dessous de cette surabondance, avec la puanteur des déchets, les caves où les animaux sont entassés, les pigeons qu'on gave. La société de consommation est déjà en place, les orgies se succèdent, de nourriture et aussi de sexe.

On croise un autre personnage, haut en couleurs, le peintre Claude Lantier que l'on retrouvera dans « L'oeuvre » et auquel on doit quelques propos très forts. C'est un ami de Florent, qui ne le suivre pas sans la politique, mais qui a bien cerné tous ces gens et leur méchanceté. Lantier qui tente de peindre le monstre et également un petit couple de tourtereaux, Cadine et Marjolin qui font partie du monstre, tant ils l'habitent, l'escaladent en tous sens.

Lantier dit fort joliment en parlant des Halles « c'est une curieuse rencontre, ce petit bout d'église encadré sous cette avenue de fonte… ». Ce qui fait penser, pour moi du moins, à une autre construction gigantesque : « Notre Dame de Paris » donc peut-être un clin d'oeil à Victor Hugo, d'autant plus qu'un des protagoniste, Marjolin fait penser à Quasimodo…

Au début ce roman m'a moins plu que les précédents par la surabondance de détails autant que de marchandises, mais je me suis accrochée et l'exercice a fini par me plaire.

Zola nous met l'eau à la bouche au début, avec cette luxuriance de descriptions mais très vite arrive l'écoeurement devant tant d'opulence. Les envolées lyriques finissent par lasser et on est bien content quand il se passe enfin quelque chose… j'ai fait une overdose de bouffe et j'ai une envie pressante de nourritures spirituelles.
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Ici, on embarque dans un roman de style naturaliste – vous savez, ce style littéraire qui colle au plus proche des détails et a le plus grand souci du réalisme – en direction du quartier des Halles de Paris sous le Second Empire. Cette immersion totale dans les Halles où l'on croise moult légumes, morceaux de viandes, beurres, charcuteries et fruits nous donne une folle impression d'être un des acteurs de ce roman ! C'est tellement bien décrit qu'on se fait happer dans l'univers et qu'on en ressent même les odeurs… Au niveau des détails et de la description, c'est un travail de maître et on comprend mieux pourquoi Zola est le chef de file du naturalisme !

Ce livre nous invite également à repenser notre relation avec l'Autre, notre peur de l'étranger ou encore notre capacité à accepter la différence, en nous plongeant dans les intrigues et les commérages des petites gens qui refusent qu'un étranger trop maigre se mêle à eux, quitte à inventer sur son compte les pires rumeurs.

Ce roman est aussi un traité de sociologie sur les us et coutumes des parisiens de l'époque et leur vie quotidienne.

Légers bémols : Par moment, j'ai trouvé cela un peu redondant, on tourne trop autour de la nourriture, limite on frôle l'indigestion ! Il y a pas moins d'une centaine de pages entièrement consacrées à la nourriture. Enfin, sur l'objet livresque en lui-même, les notes renvoyées à la fin de l'ouvrage c'est TERRIBLEMENT PAS PRATIQUE !!! Ça coupe la lecture et enlève une certaine fluidité à celle-ci…

En résumé, sur le style, c'est accessible à tous. Sur le fond, l'histoire est passionnante, j'ai aimé cette volonté omniprésente de la part du personnage central de renverser Napoléon III. Mais attention, les descriptions de nourriture sont… étouffantes, gare aux maux d'estomac !
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Le « ventre » de Paris, ce sont ses Halles, un «géant de fonte», une «Babylone de métal», un «organe central battant furieusement» qui ingurgite une profusion de denrées pour les recracher mâchées à ses deux millions d'habitants. Zola les décrit dans leur globalité, des toits aux sous-sols, en s'attardant sur chaque commerce d'alimentation et de bouche. Après avoir étudié les affairistes et les spéculateurs dans la Curée, il choisit d'analyser les petits commerçants qui s'enrichissent paisiblement sous le Second Empire. La charcutière Lisa symbolise cette classe. Elle mène une existence rangée, soucieuse de son confort. Elle soutient l'Empire et l'Église qui confortent son égoïsme tranquille. L'arrivée de son beau-frère qui s'est échappé du bagne va bousculer la mollesse de ses habitudes et la vie du quartier. le gros système digestif se trouve indisposé, fiévreux.

La charpente des « Rougon-Macquart » transparait nettement dans ce volume mais j'avoue être peu sensible à la fresque sociale et politique du Second Empire et aux questions d'hérédité. Et puis il y a cette volonté de l'auteur de vouloir tout dire et tout montrer au risque de surcharger son récit.
Par contre, j'ai apprécié Zola le peintre qui parvient à décrire un amoncellement de légumes, un étalage de charcuterie, une vitrine de bijoutier, les mannes d'un poissonnier ou l'architecture d'un pavillon avec un sens pictural extraordinaire. Il utilise dans ses descriptions une palette de couleurs et il sait jouer avec les lumières. Il parvient à faire ressentir l'atmosphère épaisse et lourde d'un espace fermé, la tiédeur d'un souffle, la touffeur d'une cave. le lecteur suffoque dans les remugles de vieux fromages ou la puanteur des resserres où les volailles sont entassées. Zola se sert d'images délicates ou brutales. Les choux-fleurs figurent des bouquets de mariée, les poissons des bijoux barbares. Les charcutiers sont décrits tout en ventre ou en gorge et sont dotés des attributs des porcs : groin ou couenne. Les rues, les murs, les eaux transpirent de graisse. Outre les images, il y a les juxtapositions qui sont riches en significations : les pavillons Baltard tout en vitres et en zinc s'opposent à l'église Saint-Eustache sombre et grise, à l'architecture surannée ; les ramiers des Tuileries s'ébrouent dans le parc quand des pigeons sont égorgés par centaines dans les caves des Halles.
J'ai aimé la mise en scène de cette comédie sociale résumée par cette saillie célèbre de Claude Lantier : « Quels gredins que les honnêtes gens ! » Dans la petite société des Halles, tout n'est que médisances, commérages, jalousies, trahisons. C'est le règne de la cupidité drapée de vertu.
Enfin, le roman nous rappelle tout un monde perdu : les légumes sont cultivés à Nanterre, on se retire à Clamart pour sa retraite, on cherche la campagne à Romainville, et les rues de Paris sont encombrées de charrettes de marchande des quatre-saisons…

Le récit est gonflé par une ambition démesurée et les ficelles sont parfois un peu grosses. Mais Zola parvient à transfigurer la réalité grâce à ses descriptions pleines de poésie et à rendre parfaitement les caractères et les mœurs du peuple des Halles.
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Le Zola qui malmène le plus nos sens ! Le goût, la vue, l'odorat, le toucher, il n'y a guère que l'ouïe qui soit épargnée, et encore...

L'un des maîtres de la description met à profit son talent pour nous plonger dans le monde surpeuplé, surchauffé et surabondant des nouvelles Halles de Paris, cathédrale de verre et d'acier, temple de la consommation des denrées périssables, qui bat au cœur de la capitale, jour et nuit, tel un cœur dans la poitrine d'un homme. Cette puissante machine, à la fois génitrice de richesses et havre des traîne-misères, recèle un peuple aux aspirations disparates.

Comme fréquemment dans son oeuvre, Emile Zola cloître dès le début du roman son lecteur dans un espace restreint ; il boucle le quartier. C'est à ce prix que ses personnages nous deviennent familiers ; nous devenons leur intime. C'est à ce prix que nous pouvons voir, mises à nu, la beauté ou la laideur de leurs âmes, épier leurs gestes, analyser leurs pensées et anticiper leur destin.

"Le ventre de Paris" n'est pas mon Zola préféré mais il est tellement en cohérence avec la saga des Rougon-Macquart qu'il n'en demeure pas moins une très belle pierre à l'édifice et une fois de plus, Emile Zola s'y entend pour réserver la littérature à tout le monde.
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♬ J'ai bien mangé, j'ai bien bu. J'ai la peau du ventre bien tendue... ♬
Quel livre !
C'est un véritable menu gastronomique que nous offre Émile Zola, complet et copieux.
Après La Curée, les intérieurs luxueux et les toilettes recherchées, Zola plonge brutalement ses lecteurs au milieu des étals de poissons ou dans une charcuterie en pleine fabrication du boudin. Quel contraste !
On dirait presque que l'auteur s'est livré à un exercice de style, tant l'histoire est secondaire dans ce troisième volume des Rougon-Macquart.
Le ventre de Paris est le roman des descriptions.
Les descriptions, toutes les descriptions, rien que des descriptions. Enfin... presque.
Le ventre de Paris sollicite les cinq sens du lecteur.
L'idée m'a souvent traversé l'esprit de respirer certaines pages du livre pour essayer d'y sentir les odeurs que le texte faisait naître dans mon esprit. J'ai même été tentée d'en déchirer certaines pour les déguster...
Je vous rassure tout de suite sur mon état mental : je ne l'ai pas fait. Mais ce n'est pas faute d'en avoir eu envie !
Zola nous met littéralement l'eau à la bouche avec ce Ventre de Paris... qui a failli terminer dans le mien.
En premier, la vue, évidemment. Légumes, viandes, poissons, tout y passe et après avoir lu le roman, on ne regarde plus un étalage de la même façon.
L'odorat, bien sûr. Les fromages, entre autres, m'ont fascinée. En fermant les yeux, je les ai vus et sentis.
L'ouïe. Zola nous fait entendre toutes sortes de sons. Du bruit effréné qui règne dans les Halles à la musique plus subtile d'un plat qui mijote.
Le toucher. Velouté, piquant, mou, dur, fondant et quantité d'adjectifs pour nous faire toucher des yeux les denrées exposées.
Et n'oublions pas le goût ! Certains passages m'ont mis l'eau à la bouche, littéralement.
Le ventre de Paris, c'est une incroyable richesse de langue au service de toutes ces descriptions.
Un régal littéraire.
C'est aussi une abondance, voire une surabondance de nourriture.
Florent qui débarque aux Halles se sent perdu, comme englouti par cette avalanche de denrées. En décalage complet avec l'ambiance des lieux. "À cette heure, il était seul, il pouvait crever, sur le pavé, comme un chien perdu." : le flot d'hommes et de marchandises dans lequel il est plongé accentue son sentiment de solitude.
Et comme si cela ne suffisait pas, Florent détonne dans cet environnement où il est de bon ton d'être bien en chair : "ils le regardaient avec l'étonnement de gens très gras pris d'une vague inquiétude en face d'un maigre." Parce que le ventre de Paris, c'est aussi la bataille du gras contre le maigre, et Florent le décharné est d'emblée suspect. Les gens riches mangent en quantité et s'offrent les meilleurs morceaux. Leur silhouette s'en ressent et ils se distinguent des pauvres.
Comme dans les autres volumes des Rougon-Macquart, Zola décrit la société du Second Empire. Ici, il s'intéresse plus particulièrement aux petits commerçants qui vivent une grande période de prospérité, et à leurs clients. L'appât du gain des premiers contre l'avidité d'achats des seconds, préfiguration de notre société de consommation.
Zola a créé une belle galerie de personnages vivant dans les Halles ou gravitant autour. La jalousie est à l'oeuvre, ragots et cancans vont bon train sous l'impulsion d'une belle bande de commères, l'inénarrable mademoiselle Saget en tête. Malfaisante à souhait, c'est le genre de personnage de fiction que l'on adore détester. Une grande réussite.
Le ventre de Paris me conforte dans mon amour de Zola et mon envie de poursuivre la lecture du cycle des Rougon-Macquart.
Je ne peux que vous encourager à plonger à votre tour dans ce Ventre saisissant, mais prenez une bonne inspiration avant de sauter, vous en aurez besoin !
Je termine avec une petite remarque, qui vaut ce qu'elle vaut.
Je lis toujours plusieurs livres en parallèle, parce que j'aime avancer sur différents genres de lectures. Cette façon de lire m'a été très bénéfique ici : lorsque l'indigestion menaçait, lorsque je sentais poindre le trop plein de victuailles, changer de livre m'a permis de prendre une petite pause salutaire qui a parfois fait office de trou normand !
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Du grand Zola, le Ventre de Paris !

Quel talent pour décrire le coeur grouillant qu'étaient les Halles à l'époque de l'Empire, vers 1858 !
L'auteur a voulu insister sur l'oppulence excessive, sur l'amoncellement de victuailles, sur les odeurs puissantes des légumes, de la charcuterie, des poissons.
Il le fait tellement bien qu'on ne peut qu'être pris d'une légère nausée en cours de lecture.
Dans le chapitre V, une conversation entre trois commères se déroule dans l'accompagnement littéralement musical des odeurs de fromages variés se développant en même temps que les horreurs racontées... une véritable "symphonie des fromages".
Une oppulence qui rend le peuple de Paris imbu de lui-même, égoïste, envieux, accapareur, capable de méchanceté pour préserver son auto-satisfaction.

Florent, rescapé du bagne de Cayenne, revenu dans la capitale afin d'y retrouver son frère, en fera les frais.
Amaigri, sans le sou, on se méfie de lui, on le manipule, on lui prête les pires intentions.
Naïf, il se laisse abuser sans y voir malice et se verra expulsé, recraché par ce ventre gras pressé de retrouver son écoeurante bonhomie.

Une magnifique fresque breughelienne dépeinte avec éclat !!!
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Et vas-y que ça épie et que ça cancanne entre deux grosses soles à la bouche béante, un marolle ventripotent et des pieds de cochons crochetés au plafond!
Le pauvre Florent, réchappé du bagne, grand maigrichon qui est arrivé à Paris le ventre vide, va devoir résister aux regards inquisiteurs pour se faire ingurgiter par ces halles gigantesques. Les poissonnières le harcèlent, sa belle-soeur le méprise et la police le surveille discrètement. pourtant c'est un bon bougre, timide, rêveur et qui ne réclame même pas sa part d'héritage.
Il se lie d'amitié avec Claude Lantier - peintre de L'Oeuvre , fils de Gervaise, frère d'Etienne - et la mère François. Il voudrait juste refaire sa vie et passer inaperçu, mais c'est sans compter les ragots de vieilles mégères et les services secrets du 19ème siècle.

Question immersion totale dans les odeurs et les parfums, le Ventre de Paris n'a rien à envier au Parfum de Süskind, car ici, on en prend plein la truffe et le palais; Il est évident, ici et quand on a lu d'autres Zola, que l'écrivain a voulu embrasser le monde, le fourrer tout entier dans ses pages sous ses moindres aspects.
Pour qui aime la bouffe, la tripaille, les légumes charnus, veloutés, colorés, les odeurs insistantes, bouffantes, appétissantes, les couleurs, les volumes, le bruit et l'odeur, je vous invite à plonger dans ce roman, le troisième de la série.
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