Deux ans plus tard, elle sait combien la passion d'écrire est trouble, combien elle tient d'orgueil, combien elle éloigne de la vie. (...)
Il répétait que l'écrivain, créateur d'univers, est Dieu. Elle l'a cru. Puis elle a entendu parler avec d'autres Dieux, elle les a vus bomber le torse comme des matamores, elle les a entendus médire comme des vieilles filles jalouses. Puis elle a vu Dieu pleurer parce qu'il ne trouvait pas d'éditeur.
elle pense que Dieu écrit parce qu'il est seul. Seule dans le noir, elle aussi, petite fille, se racontait des histoires (p.38)
Il fait lire son manuscrit à ses amis. Eux disent qu'on sent son travail, tout ce travail, quatre ans, c'est un très gros livre, elle a lu le début et la fin. Elle trouve qu'il y a trop de mots qu'elle ne comprend pas, elle trouve qu'un livre ce n'est pas pour jeter de la poudre aux yeux, un livre cela doit la faire rire ou la faire pleurer ou la faire mouiller, un livre cela doit lui fabriquer des émotions pas des difficultés.
Elle pense que le bonheur n'est peut-être qu'une disposition du corps, que certains, comme cette grosse fille stupide là qui qui n'arrête pas de sourire, en ont peut-être hérité en naissant, qu'ils sont traversés en permanence de spasmes de bonheur, qu'ils sont en permanence heureux.