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Critique de Arthur409


Au hasard de la bibliothèque mise à disposition dans une location de vacances, j'ai eu par l'intermédiaire de ce livre mon premier contact avec l'oeuvre de Stefan Zweig, que je ne connaissais pas du tout.
Ce livre n'est sans doute pas parmi les plus connus de Zweig, mais il est digne d'intérêt car il traite à la fois d'histoire et de philosophie politique.
La partie historique traite de la venue de Calvin à Genève, et de sa prise d'un pouvoir quasiment absolu sur cette ville et son canton. le prédicateur pourchassé pour avoir critiqué la toute-puissante Eglise Catholique devient lui-même au fil des années un prêcheur rigoureux n'admettant aucune contradiction, puis un véritable tyran politique.
Il est frappant de constater que Zweig écrit son analyse en 1935, alors que le nazisme est en train de conquérir son pays. Il démonte avec lucidité les mécanismes d'établissement de la dictature, se servant du passé comme modèle pour mettre en garde contre l'avenir. Et les méthodes décrites évoquent tous les dictateurs de l'histoire, que ce soit Ivan le Terrible, Franco, Kadhafi, ou bien sûr Hitler.
Face au despote intransigeant qu'est devenu Calvin, se dresse un de ses anciens condisciples, Sébastien Castellion : révolté par la décision du Conseil de Genève d'envoyer au bûcher, sous l'instigation expresse de Calvin, le théologien Michel Servet, et ce uniquement pour des motifs d'ordre théologique, Castellion, décrit comme un homme humble et pacifique, n'étant pas a priori de « l'étoffe des héros », prend la plume contre Calvin en le traitant tout bonnement d'assassin : « Brûler un homme, cela ne s'appelle pas défendre une doctrine, mais commettre un homicide »
Cette position, il la prend au péril de sa propre vie, car désormais Calvin n'aura de cesse tout d'abord de lancer contre Castellion ses partisans, en particulier Théodore de Bèze, puis d'entreprendre lui-même de l'attaquer en justice devant le Conseil de Bâle, où Castellion occupe un poste de professeur respecté à l'université, dans le but de l'envoyer au bûcher comme Michel Servet. Et il est possible que la mort prématurée de Castellion l'ait sauvé de cette fin tragique.
La conclusion de l'ouvrage est à la fois pessimiste et optimiste : apparemment Calvin a gagné, il a réduit Castellion au silence en interdisant l'édition et la diffusion de ses écrits, et en muselant ses partisans par la terreur. Mais Zweig évoque la renaissance des idées de tolérance professées par Castellion d'abord dans l'évolution de l'église réformée hollandaise, qui refuse le dogmatisme absolu de Calvin, puis dans l'esprit de différents traités européens qui établissent la liberté de pratiquer le religion de son choix, et enfin dans les idéaux de la Révolution Française.
L'ouvrage est très bien documenté, et se lit facilement. La conclusion est prophétique et montre bien que l'humanité, au lieu de tenir compte des leçons de l'histoire, a tendance à commettre toujours les mêmes erreurs.
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