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Alzir Hella (Traducteur)
EAN : 9782253153702
250 pages
Le Livre de Poche (04/11/2002)
4.16/5   872 notes
Résumé :
Ce recueil de six nouvelles illustre à la perfection le génie de l’observation de Stefan Zweig, son sens magistral de la psychologie dans l’analyse des comportements humains. Romain Rolland lui attribuait «ce démon de voir et de savoir et de vivre toutes les vies, qui a fait de lui un pèlerin passionné, et toujours en voyage». Admirateur de Maupassant, Zweig voulait, dans ces six chefs-d’œuvre, «résumer le destin d’un individu dans un minimum d’espace et donner dans... >Voir plus
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Je suis tombé un peu par hasard sur cette petite plaquette, La peur, dépassant à peine cent pages. Quand j'ai remarqué que l'auteur n'était autre que le grand Stefan Zweig, je l'ai pris et je l'ai lu d'une traite, dans un temps record. L'histoire, je la résume à ceci : une femme est aux prises avec la peur. Croyez-moi, ce n'est pas si banal que ça en a l'air. Trop succinct ? Alors voici : Irène Wagner trompe son mari. Oui, oui, cette grande bourgeoise, épouse d'un magistrat bien connu de Vienne, a un mari. Mais, elle qui a tout, elle se sent lasse, inutile, comme si elle errait sans but dans la vie. du moins, c'était jusqu'à ce qu'elle rencontre un jeune peintre de basse extraction. Non, non, il ne s'agit pas d'une histoire de vaudeville. Elle trompe son mari, mais surtout son ennui. Pour la première fois depuis longtemps, elle se sent en vie. Mais voilà qu'un jour, en sortant de chez son amant, une femme l'apostrophe, l'empêche de s'enfuir, lui bloque le chemin, lui crache à la figure son dégoût. Cette femme la suivra et exercera du chantage par la suite.

À partir de ce moment, la peur envahit Irène Wagner, au point de prendre toute la place dans vie. Plus rien n'a d'importance. La dame n'ose plus quitter ses appartements, craignant de tomber sur la folle hystérique qui risquerait de dévoiler son aventure et de ruiner sa vie. Exit le gentil amant, l'amour, la passion. Mais la peur a déjà emprise sur elle et nulle part elle ne trouve la paix. Même la sonnette la fait sursauter : est-ce sa vile extorqueuse qui la harcèle jusque chez elle ? Et elle n'a personne vers qui se tourner (il est évidemment hors de question de faire appel à son mari). C'est une véritable torture psychologique. Paralysée par la peur, elle n'a plus le goût de manger, plus rien ne l'amuse, elle semble dépérir.

Stefan Zweig a écrit un véritable drame psychologique. Il n'a pas son pareil pour sonder l'âme humaine. Il décrit Irène Wagner, ses actions, réactions, sentiments, motivations sans jamais la juger – elle le fait assez bien elle-même! – et son évolution psychologique suit une courbe en crescendo parfaite. J'y trouve un quelque chose à la Madame Bovary, de Flaubert. En tous cas, plusieurs parralèlles peuvent être faits entre les deux héroïnes, bien que leur destin ait pris des chemins différents. D'ailleurs, parlons-en, du dénoument. Beaucoup diront qu'il est inattendu, certains qu'il est magistral. Moi, je ne l'ai pas aimé. Mais bon, je suis quand même capable d'en apprécier la superbe, c'était vraiment bien pensé de la part de l'auteur. En tous cas, ça tient la route. Plus personne n'osera tromper son partenaire après avoir lu cette nouvelle…
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Comment est-il possible d'analyser ainsi les sentiments, de sonder si profondément l'âme humaine ? J'avais pu lire, notamment grâce aux beaux billets de Sandrine et Berni sur cet auteur, que Zweig est un chirurgien passant au scalpel les sentiments avec une finesse, une précision, une nuance rarement égalées. Je ne pensais pas m'arrêter ainsi sur certains passages, les lire et les relire pour m'extasier devant une telle virtuosité, devant ce sens de l'observation acéré. Et dans ces six nouvelles, c'est la peur qui est convoquée, autopsiée et passée au crible, la peur culpabilisante de la femme adultère, celle du voleur, celle de l'employeur face à la fidélité fanatique de son employée, celle éprouvée devant le fantastique enchanteur qui nous dépasse…un tamis aux mailles fines permettant de mettre en évidence, pépites menaçantes et glaçantes, les différentes manifestations de la peur, tant physiques, que psychologiques.

La première nouvelle « La peur », la plus importante, a donné son titre à l'ensemble du livre. Irène, une bourgeoise d'une trentaine d'années, épouse d'un avocat et mère un peu distante de deux enfants, devient maitresse d'un jeune pianiste, davantage par ennui que par amour. Elle s'est en effet laissé séduire, sans le désirer vraiment, plutôt vaguement curieuse et flattée...c'est sans compter l'arrivée d'un grain de sable qui va venir enrayer les rouages d'une vie quasi normale intégrant l'amant d'une manière presque banale. Un quatuor terrible se met alors en place : la femme infidèle, le mari, l'amant et la peur, personnage à part entière, qui rôde, menace, et resserre peu à peu son étau. Nous assistons progressivement à une véritable torture psychologique. Nous suffoquons avec Irène. Jusqu'au dénouement final, magistral !
La peur est décrite en effet dans le menu, tant par ses causes, que par ses manifestations physiques et psychologiques : « Elle avança péniblement d'une rue à l'autre, au prix d'un effort surhumain, comme si elle traversait un marais ou s'enfonçait dans la neige jusqu'aux genoux. » / « Elle n'était plus capable de lire ou d'entreprendre quoi que ce fût, traquée par le démon de sa peur. Elle se sentait malade. Elle devait parfois s'asseoir subitement, tant son coeur était pris de palpitations violentes ; le poids de l'inquiétude répandait dans tous ses membres le suc visqueux d'une fatigue presque douloureuse, qui refusait pourtant de céder au sommeil. [Toute son existence était minée par cette peur dévorante, son corps en était empoisonné, et au tréfonds d'elle-même, elle désirait que cet état morbide finît par se manifester sous la forme d'une souffrance visible, d'un mal clinique réellement observable et visible, qui susciterait la pitié et la compassion des autres. Dans ces heures de tourments secrets, elle enviait les malades. »

La maladie semble plus douce que la peur, le châtiment enfin prononcé une délivrance. C'est aussi l'occasion pour Stefan Zweig de digresser avec brio sur le système des peines, notamment lorsqu'elles punissent un fait ancien, sur la culpabilité et la responsabilité de celui qui commet un crime, et surtout sur le pardon et la rédemption. Réflexion également menée dans la deuxième nouvelle : « Il y a toujours de petits détails qui éclairent les profondeurs de l'âme comme le ferait la flamme d'une allumette qu'on craque ; au moment précis où je vis le pickpocket boire ce lait blanc et doux, la plus innocente, la plus enfantine des boissons, il cessa aussitôt d'être un voleur à mes yeux. ».

Les autres nouvelles sont tout aussi abouties bien que plus courtes, la deuxième notamment, intitulée « Révélation inattendue d'un métier », a ma préférence dans la façon d'observer, quasi chirurgicale, de l'auteur. En plus d'embardées magistrales sur l'art de voler, celui du pickpocket, art observé, analysé, loué même, de main de maitre, et de descriptions vivantes et passionnées sur le mécanisme des salles de vente aux enchères, Zweig excelle dans l'art de décrire les paysages, de façon poétique et personnifiée. Voyez donc comment démarre cette deuxième nouvelle : « Il était délicieux l'air de cette singulière matinée d'avril 1931, encore tout chargé de pluie et déjà tout ensoleillé. Il avait la saveur d'un fondant, doux, frais, humide et brillant : un pur printemps, un ozone sans mélange. En plein boulevard de Strasbourg, on s'étonnait de respirer une bonne odeur de prés en fleur et d'océan. Ce ravissant miracle était l'oeuvre d'une averse, une de ces capricieuses ondées d'avril dont use volontiers le printemps pour s'annoncer de la façon la plus cavalière. »

Mention spéciale à la quatrième nouvelle, « La femme et le paysage », sublime de poésie, flirtant avec le fantastique, dont les descriptions de paysages terrassés par la chaleur et le parallèle avec le corps de la femme sont d'une beauté à couper le souffle.

Un recueil de nouvelles intelligent sur les ressorts de la peur, ciselé par une écriture fine et élégante, poétique et fantastique. Je comprends bien la volonté de Zweig qui voulait, dans ces six chefs-d'oeuvre, «résumer le destin d'un individu dans un minimum d'espace et donner dans une nouvelle la substance d'un livre». Oui, dans chaque nouvelle, son oeil vorace s'insinue partout et de ses mille suçoirs nous ravit toute ignorance. C'est magistralement réussi !




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Irène, trentenaire a tout pour être heureuse, un mari qui l'aime, deux enfants, une grande maison, des domestiques, l'aisance qu'apporte l'argent. Elle a peut-être tout mais ce tout ne lui suffit pas, elle a besoin d'excitation, de troquer l'ennui contre quelques heures dans les bras d'un amant. La liberté et la tromperie ont aussi un prix à payer quand une femme misérable surprend Irène dans son adultère. A coups de chantage, Irène va s'engouffrer dans la peur, labyrinthe sans issue.

Stefan Zweig montre tout son talent dans l'autopsie de cette peur, jusqu'à la honte, le dégoût, la folie. le coeur bat toujours, encore faudrait-il apprendre la confiance et le pardon nés dans une libération du mal qui ronge.

Effrayant, psychologique, diabolique, entier dans ce terrible sentiment qu'est la peur.
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Irène vit dans la peur
Et dans la culpabilité
Sueurs assurées !
Elle l'a trompé !

Son mari, avocat de son métier
Disséquer les émois
Et sur la Vérité
Mettre le doigt
Il excelle !

Tant de tourments
Pourquoi ?
L'autre gueuse
Qui la harcèle
A tout compris

Affaire juteuse !
De cette scène conjugale
Elle en a fait son fruit
Et se régale
100, 200…300 couronnes
Pour son silence
Quelle indécence !

Pour Irène, pauvre Daronne
Repli sur soi
Dépression
Plus le choix !
Seule Solution
Rester chez soi !
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Mieux qu'un banal trio amoureux, Zweig a imaginé un quatuor diabolique :
La femme infidèle, le mari, L'amant ET LA PEUR, quatrième personnage à part entière de ce court roman qui rôde en permanence, resserre son étau implacable autour de l'âme d'Irène Wagner, grande bourgeoise menant une vie frivole, épouse d'un grand magistrat viennois, maîtresse d'un jeune pianiste.

Elle s'est laissée séduire, " s'est donnée à lui sans avoir besoin de lui ou sans le désirer vraiment...par une sorte de curiosité inquiète ". Elle a intégré son amant à sa vie quotidienne et l'adultère ne torture pas sa conscience. Mais, car bien sûr un petit caillou s'est glissé dans le rouage bien huilée de sa vie admirablement organisée, une femme jalouse a découvert son secret et entreprend de la faire chanter, la poursuivant même jusqu'au coeur de son foyer. Nous assistons alors à une véritable descente aux enfers, au subtil dérèglement progressif mais inexorable de la conscience d'Irène sous l'emprise de la peur, qui s'accompagne naturellement de manifestations physiques qui inquiètent son entourage et son mari en particulier. Une véritable torture psychologique ! du grand Zweig !

Peur de tout perdre, impossibilité de révéler son secret : Zweig, comme toujours, excelle à dépeindre les tourments de l'âme humaine, en particulier féminine. Et même si cette oeuvre peut paraitre un peu datée, elle n'a rien perdu selon moi de sa force psychologique, la tension est réelle et le dénouement magistral.
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Citations et extraits (131) Voir plus Ajouter une citation
Nous ne sommes pas renseignés sur les souffrances morales que Mendel supporta dans ce camp pendant deux ans. Arraché au monde des livres, entouré d'une foule indifférente d'analphabètes, il était comme un aigle à qui on aurait coupé les ailes. De tous les actes criminels de la grande guerre, aucun n'a été plus insensé, plus inutile et partant plus immoral que le fait de réunir et d'entasser, derrière des fils de fer barbelés, des civils étrangers ayant dépassé depuis longtemps l'âge valide, et qui, confiants en l'hospitalité, sacrée même chez les Toungouses et les Araucans, avaient négligé de fuir à temps. Ce crime de lèse-civilisation a été commis, hélas, d e la même façon, en France, en Allemagne, en Angleterre, sur chaque coin de terre de notre pauvre Europe affolée.
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Elle avait connu ce jeune homme, pianiste réputé, à une soirée et était bientôt devenue sa maîtresse, sans vraiment le vouloir et presque sans le comprendre. Son sang n’avait pas appelé celui de l’autre ; rien de sensuel et presque rien de psychique ne l’avait liée à lui, elle s’était abandonnée sans besoin, sans grand désir, par une certaine paresse de volonté et par une sorte de curiosité inquiète. Rien en elle, ni son sang complètement apaisé par le bonheur conjugal, ni le sentiment, si fréquent chez la femme mariée, de mener une vie intellectuelle rabougrie, ne la poussait à prendre un amant. Blottie paresseusement dans la tranquillité d’une existence bourgeoise et confortable, elle était tout à fait heureuse aux côtés d’un mari fortuné, qui lui était intellectuellement supérieur, et de leurs deux enfants. Mais il est une mollesse de l’atmosphère qui rend plus sensuel que l’orage ou la tempête, une modération du bonheur plus énervante que le malheur. La satiété irrite autant que la faim, et la sécurité, l’absence de danger dans sa vie éveillait chez Irène la curiosité de l’aventure.
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Le son hypocrite de ses paroles la faisait frissonner ; elle avait horreur d'elle-même ! Elle détourna les yeux.
"Allons, dors bien." Il avait dit cela d'une voix brève, d'une tout autre voix, - menaçante ou railleuse.
Puis il éteignit la lumière. Elle vit son ombre disparaître, - fantôme nocturne et silencieux. Quand la porte se referma il lui sembla que retombait le couvercle d'un cercueil. Le monde entier lui paraissait mort, seul son coeur, au fond de son corps glacé, battait farouchement dans le vide, et chaque battement augmentait sa souffrance.
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Tout en moi était avide de fraîcheur et d'isolement, cette proximité des hommes m'écrasait. Il y avait une fenêtre à ma portée. Je l'ouvris toute grande. Tout là-bas était encore mystérieux, la violente inquiétude de mon sang était répandue dans l'immensité du ciel nocturne. La lune jaunâtre vacillait comme un oeil enflammé dans un halo de brouillard rouge et des vapeurs blafardes glissaient pareilles à des fantômes sur la campagne. Les grillons chantaient fiévreusement ; l'air paraissait tendu de cordes métalliques aux vibrations aigües et stridentes. De temps en temps on entendait le coassement léger et stupide d'une grenouille, des chiens aboyaient plaintivement et très fort ; quelque part dans le lointain des bêtes mugissaient, et je me souvins qu'en des nuits semblables la fièvre empoisonnait le lait des vaches. Comme moi la nature était malade, comme moi elle éprouvait un violent dépit, une sourde rage et il me semblait regarder dans un miroir qui eût reflété mes sentiments. Tout mon être se penchait dehors, ma fièvre et celle du paysage se confondaient en une muette et moite étreinte.
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La peur est pire que la punition. La punition est une chose certaine. Grave ou minime, elle est toujours préférable à la tension horrible et diffuse de l'incertitude. Sitôt fixée sur son sort, elle s'est sentie soulagée. Que ses pleurs ne t'induisent pas en erreur : il fallait que sorte enfin ce qu'elle cachait en elle. Le garder à l'intérieur de soi est bien plus douloureux.
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Stefan Zweig, auteur à succès, se voulait citoyen d'un monde qu'unifiait une communauté de culture et de civilisation. Il n'a pas survécu à l'effondrement de ce «monde d'hier» qu'incarnait la Vienne impériale de sa jeunesse.
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