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Critique de OverTheMoonWithBooks


Quand on y pense, le fait que l'oeuvre la plus connue de Zweig soit celle qui fut publiée à titre posthume a de quoi faire sourire.
Mais à bien y réfléchir, c'est vrai qu'on trouve dans le Joueur d'échecs tout ce qui fait le génie de la prose de l'écrivain autrichien. Dans un espace assez restreint, il parvient à faire comprendre au lecteur l'évolution et l'ambiguité des sentiments du personnage (M.B) qui perd ses repères et oscille dangereusement sur la frontière qui sépare l'esprit sain de la folie (grand révélateur de la fragilité humaine sur laquelle Zweig s'interroge tant !). L'auteur traduit la détresse de son personnage dans ce monologue sans fin en utilisant des phrases longues avec beaucoup d'appositions, mais toujours avec des termes précis et percutants.

Voilà pour l'aspect linguistique et narratologique !
Il faut dire que les personnages n'ont pas beaucoup de relief, que ce soir le narrateur qu'on imagine aisément être un double de Zweig, qui parvient à faire ce que lui-même n'a pas réussi à faire dans sa vie : arrêter à temps le personnage meurtri dans son âme avant qu'il ne commette l'irréparable.Ou encore Mirko Czentovic et M.B qui sont finalement assez manichéens, avec d'un côté le paysan idiot et prétentieux et de l'autre l'aristocrate intello et modeste. (ceci dit, Czentovic rappelle étrangement certains joueurs de renommée mondiale…)

Mais finalement, les personnages, on s'en fiche un peu. Ils sont un simple prétexte pour attirer notre attention sur la dimension tristement visionnaire de ce livre.
Stefan Zweig a su résumer ce qu'était un système totalitaire - dans un court récit qui a presque valeur de parabole religieuse- : l'anéantissement de la pensée.
Comme il l'écrit lui-même : "(…) cet esclavage où me tenait le néant, (…)"
Ainsi, le livre que le personnage parvient à voler durant sa captivité devient autant la source de son obsession qu'une arme de résistance de l'esprit face à l'absurde (à défaut d'être une arme à feu dans le maquis, on fait avec les moyens du bord!).

On pourrait parler bien longtemps de cette novella qui reflète non seulement la vision pessimiste (et malheureusement très réaliste) de Zweig sur le jeu psychologique (un brin sadique) des Nazis pour anéantir leurs "ennemis" mais un tour de force littéraire.
Au-delà de l'aspect purement littéraire, le Joueur d'échecs montre ce qu'est un grand écrivain : une personne qui par sa sensibilité voit plus clairement ce que d'autres de ses confrères préfèrent ne pas voir ou ne pas comprendre.

Une deuxième lecture (13ans après la 1ère…) qui ne m'a pas déçue et m'a fait comprendre l'importance que l'on accorde à cette oeuvre.
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