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Critique de Cathy74


J'ai été conquise par la biographie de Marie-Antoinette de Stefan Zweig. L'analyse est prodigieusement moderne pour l'époque (publication de l'ouvrage en 1932) et soigneusement documentée. Il y a deux raisons principales à cela. D'une part l'oeuvre littéraire de Zweig est fondée sur la psychanalyse et il connaît très bien Freud à qui il adresse ses textes pour étude et appréciation. D'autre part il s'assure que les documents dont il dispose pour cette biographie soient parfaitement authentiques et non falsifiés, de nombreuses lettres attribuées à la Reine par la postérité ayant été tronquées ou tout bonnement inventées. Cette rigueur remarquable couplée à une écriture fluide et sensible est toujours un bonheur de lecture.
Ai-je pour autant été séduite par la personnalité de Marie-Antoinette ? Non. le portrait est certainement proche de la vérité, Zweig ayant comblé les documents manquants ou douteux par l'analyse psychologique des personnages et cela dans la perspective des faits historiques prouvés, des mentalités de l'époque (notamment le concept encore balbutiant de "Nation" qui s'oppose à celui encore prégnant de monarchie absolutiste "le Droit se trouve là où se trouve le Roi") et surtout, par une analyse fine de la mosaïque d'évènements (des familles royales antagonistes, un pays au bord de la banqueroute, de mauvaises récoltes, un tiers-état composite et insatisfait) et de leur gestion désastreuse, soit un enchaînement inexorable qui va aboutir à la chute du couple royal de France.
A l'époque de Louis XVI – dont Stefan Zweig fait par ailleurs un portrait peu flatteur et injuste – le contexte, c'est une France aux frontières encore mouvantes, avec des territoires inégalement riches, dotée d'une monarchie absolue contestée par les monarchistes, des idées nouvelles, une société d'ordres en crise, un endettement prodigieux (la moitié des dépenses de l'État sert à payer les dettes anciennes), une impossible réforme de cet État, due à un manque d'anticipation (pas de budget prévisionnel) mais aussi à l'esprit égoïste des ordres privilégiés qui s'évertuent à ne pas payer l'impôt, lequel retombe fatalement sur les plus défavorisés. La désacralisation du Roi (et donc de la Reine) est actée. Leur fils sera la dernière victime de la famille.
Alors certes, Marie-Antoinette a connu une fin de vie misérable, a subi un châtiment atroce et ignominieux. Qui oserait dire le contraire ? Qui oserait penser que c'était justice ? En revanche on peu penser que, dans un pays prospère, bien gouverné, la vie frivole et très dispendieuse de la Reine serait passée inaperçue. Elle aurait eu droit à quelques pages dans des manuels d'histoire et n'aurait pas eu un "Destin". Or, sa biographie présentée par Zweig démontre à quel point chacun est "responsable" de sa vie en toutes circonstances. Cette notion de responsabilité implique que si personne ne peut rien sur les évènements extérieurs, il est possible en revanche d'agir sur soi et sur la façon dont on les reçoit et dont on y répond. On voit de quel prix Marie-Antoinette paya hélas sa frivolité, sa légèreté, son insouciance, son inconscience, ses dépenses faramineuses, son inculture, son orgueil. Une prise de conscience plus rapide, une attitude plus réaliste, plus diplomate, aurait-elle pu lui éviter le pire ? C'est l'éternelle question du retour dans le temps.
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