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Critique de Laurence64


Il suffit de si peu pour qu'une vie bascule. Il suffit d'un petit rien pour que s'éveille en l'homme ce qui était étouffé, méconnu.
On peut vivre dans l'ignorance de soi. On peut aussi céder brutalement à ses pulsions inconscientes. On peut courir à sa perte, poursuivre le rêve qui s'annonce.
On peut choisir la raison ou bien la déraison. Sans aucune impression de choix tant la passion est impérieuse.

Comme souvent, Zweig marche dans les traces de cette psychanalyse naissante qui l'enthousiasmait. Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, c'est une plongée en apnée dans les méandres intimes d'une histoire humaine unique, dans laquelle pourtant nous retrouvons toujours une part de soi. Si différents, si semblables…

Dans une pension de famille de la Côte d'Azur où les couples de notables jouent leur rôle de notables, socialement corrects, politiquement lisses, bien engoncés dans leur costume conventionnel, un scandale scandaleusement bienvenu pour gripper la routine ébranle ce petit monde aux popotins assis sur du rembourrage confortable.
Madame Henriette a filé à l'anglaise, abandonnant veaux, vaches, cochons, époux et enfants. Tout cela pour s'en aller commettre le crime de batifolage.
La médisance est ouverte. On cause, on cause, on s'en donne à coeur joie. Mauvaise femme, mauvaise épouse, mauvaise tout.
Le suicide social est réussi mais comment expliquer l'inexplicable?
Face aux pensionnaires-juges, deux personnes font preuve de mansuétude plutôt que de condamner: le narrateur (Zweig?) et cette vieille dame (anglaise) à laquelle Zweig va laisser la parole.
Un long monologue vient alors faire écho à la désertion de la frivole Madame Henriette.

Jadis, cette veuve parfaite vit sa vie basculer dans un casino. Il ne faut pas longtemps pour se dérouter lorsqu'un regard, un geste, des mains, un quelque chose s'adresse à autre chose que notre conscience. Lorsque le fantasme se déclenche.
Le jeune homme était désoeuvré. le jeune homme était joueur et se perdait dans le jeu. Il semblait désespéré.
La mémoire du mari défunt fit long feu. Mrs C se lança à corps perdu et à raison égarée dans cet amour aussi nouveau que soudain.
Elle mit une majuscule au mot Amour et l'emplit de ce qui vraisemblablement lui faisait défaut dans son existence: dévouement, altruisme, compassion.
Passion de l'autodestruction contre passion du sauvetage à tout prix. Passion du jeu contre passion de l'oubli de soi qui fait se sentir vivant.
L'épisode ne dure que vingt-quatre heures.
La passion foudroyante de Mrs C. ne connaît pas l'issue heureuse à laquelle elle s'était accrochée, en laquelle elle voulait éperdument croire..

Et ces quelques heures ont marqué à jamais son existence. Dans cette perte de contrôle de soi, reste l'incompréhensible, irréductible à tout entendement.

En bon disciple de Freud, Zweig souligne la nécessité d'accueillir la parole: "Cela m'a fait du bien d'avoir pu vous raconter cela. Je suis maintenant soulagée et presque joyeuse... Je vous en remercie."
Moi, je remercie Zweig.
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