Ne vous trompez pas sur le contenu de ce livre. Vous n'y apprendrez pas comment Miguel de Unamuno construisait une histoire. Vous connaîtrez en revanche toutes ses impressions et réactions à son exil forcé en 1924 aux îles Canaries à Fuenteventura, puis à Hendaye en France, suite à des articles critiques contre la monarchie régnant alors en Espagne.
Le livre débute par le commentaire de ses oeuvres d'un dénommé Cassou et la réponse de Unamuno, où celui-ci apparaît particulièrement vaniteux.
Vient ensuite quelques textes dont celui qui donne le titre à l'ouvrage, suivi d'autres, parmi lesquels un court passage intitulé "Fascisme commençant ?", qui est intéressant lorsque l'on sait que l'auteur a accueilli favorablement la victoire de Franco, même s'il mourra assigné à résidence.
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Les gens d'ici me demandent si je puis revenir dans mon Espagne, s'il y a quelque loi ou disposition de pouvoir public qui interdise mon retour, et il m'est difficile de leur expliquer, surtout à eux, étrangers, pourquoi je ne puis ni ne dois y retourner tant qu'il y aura le Directoire, tant que le général Martinez Anido sera au gouvernement, car je ne pourrais me taire, m'empêcher d'accuser ; et si je retourne en Espagne et que j'accuse et que je crie dans les rues et sur les places la vérité, ma vérité, alors ma liberté et même ma vie sont en danger, et si je les perds, ils ne feront plus rien, ceux qui se disent mes amis et les amis de la liberté et de la vie.
Quand un de ces lecteurs impénétrables, un de ceux-là qui ne savent ni manger des livres ni sortir d'eux-mêmes, me dit, après avoir lu quelque chose de moi : "Je ne suis pas de votre avis !", je lui réponds, dissimulant autant que je puis ma pitié : "Et que nous importe, monsieur, ni à vous ni à moi que nous ne soyons du même avis ?" En ce qui me concerne, je ne suis pas toujours d'accord avec moi-même et je le suis souvent avec ceux qui ne sont pas de mon avis.
Au moment où j'écris ces lignes, à la fin du mois de mai 1927, à près de soixante-trois ans, ici, à Hendaye, à la frontière même, dans mon pays basque natal, avec sous les yeux le Tantale de Fontarrabie, je ne puis me rappeler sans un frisson d'angoisse ces infernales matinées de ma solitude parisienne, pendant cet hiver de l'été 1925, alors que dans ma chambrette de la pension du numéro 2 de la rue Laperouse je me consumais en me dévorant tandis que j'écrivais le récit que j'intitulai Comment se fait un roman.
Lecteur, si ta vie n'est pas un roman, une fiction divine, un rêve d'éternité alors laisse ces pages, ne me lis pas plus avant. Car je te serai indigeste, et il te faudra me vomir sans profit ni pour toi ni pour moi.
Et je n'ose entreprendre un quelconque travail, ne sachant si je pourrai le terminer en paix. Tout comme je ne sais si cet exil durera encore trois jours, trois semaines, trois mois ou trois ans- j'allais écrire trois siècles-, je ne commence rien qui ne puisse durer davantage que ce que l'on fait sur l'instant et pour l'instant
Vidéo de Miguel de Unamuno