En suivant les Maures d'Andalousie devenus morisques après leur conversion, j'ai négligé, volontairement, de signaler un fait en apparence insignifiant, lourd cependant de conséquences pour l'Andalousie : l'arrivée, par la Catalogne au nord, par les côtes du Royaume de grenade au sud, de quelques tribus gitanes, vers le milieu du XVème siècle.
Depuis quand marchaient-elles, parties de l'Inde pour des motifs toujours inexpliquées ? Il m'importe peu, tout comme de connaître leur nombre exact. Une seule évidence : en Andalousie, ils trouvent des paysages, une lumière, un climat, une façon de vivre qui leur rappelle des souvenirs oubliés. Ils décident donc de s'y fixer, se mêlant aux plus pauvres, les musulmans ou les morisques. Ils vivent comme aujourd'hui, et plus mal qu'aujourd'hui en exerçant de petits métiers, forgerons, muletiers, revendeurs ambulants. Ils dansent et chantent également. Leurs oreilles s'imbibent des mélismes orientaux apportés par Ziryab, des chants liturgiques juifs, des cantiques mozarabes.
Tout comme sur le morisques, la répression s'abat sur eux. Les voici fuyant dans la montagne, se faisant salteadores ou contrebandiers, se terrant dans les grottes pour échapper à la Santa Hermandad et à la Saint Inquisition. Les voilà pris, torturés, condamnés aux galères, jetés au fond des mines pour trimer comme des forçats. Les voici mutes, évanouis, disparus à jamais, croirait-on. Anéantis dans le "lourd silence de puanteurs" chanté par Lorca.
Michel del Castillo vous présente son ouvrage "Mamita" aux éditions Fayard.