Curieusement, c'est la saga des Sadorsky de
Romain Slocombe qui m'a donné envie de lire le roman autobiographique d'
Alphonse Boudard, et plus précisément l'ouvrage intitulé - L'inspecteur Sadorsky libère Paris -, un livre fruit de recherches sur la libération de la capitale e
n août 1944 et la volonté romanesque de donner une suite aux aventures de son personnage principal.
J'avais chroniqué en son temps ce livre de
Slocombe - le moins bon, à mon sens -, dans lequel le petit inspecteur adjoint, flic gestapiste, criminel multirécidiviste, collabo antisémite... j'en passe et pas des plus reluisantes ..., était au coeur, au centre devrais-je dire, de cet évènement historique.
Slocombe avait eu l'idée - à défaut je suppose d'en avoir trouvé une meilleure -, de faire courir à pied ou sprinter à bicyclette à travers Paris le fâcheux afin qu'il se retrouve "instantanément" sur place, qu'il entende ou qu'il voie de manière panoramique l'intégralité des évènements qui marquèrent cette libération historique.
Le résultat fut que cet excès rendit grotesque le narratif de cet évènement majeur de notre histoire, créa un effet Bip-Bip ( vous savez le coyote dans le dessin animé...), un mélange almanach encyclopédie pour les nuls... mais aussi un besoin - un mal pour un bien - d'aller à la rencontre d'un témoin authentique ayant vécu et participé à cette libération. Mais pas un personnage historique d'envergure, non, un gamin de Paris, un petit poulbot de Paname, un môme du XIIIème. Pas un Gavroche - trop romantique -, non, un quidam, un inconnu, un anonyme mais pourtant ...
Et voilà comment je me suis retrouvé me délectant de l'histoire vraie, elle, d'
Alphonse Boudard.
Boudard se balade en voiture à la fin des années 70 dans son Paris qu'il ne reconnaît plus ; beaucoup de commerces ont été remplacés par des cinémas pornos, des sex shops, des grandes surfaces... là, avant la guerre il y avait...
Et nous voilà plongés en 1938 dans le XIIIème arrondissement de Paris.
C'est encore pour beaucoup l'insouciance, le désir farouche de ne pas y croire... mais le bruit de bottes se rapproche.
La drôle de guerre s'invite, puis c'est
la débâcle, l'exode, le retour dans Paris occupé.
Quatre longues années de "Maréchal nous voilà" avant que le géant de la France libre boute, avec l'aide des alliés et de la résistance, les Allemands hors de Paris ...
"Nous sommes ici chez nous dans Paris levé. Paris, Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé, mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France, avec l'appui et le concours de la France tout entière ; c'est-à-dire de la France qui se bat."
Boudard la gouaille libre et insolente, Boudard l'argot littéraire ( j'insiste !) nous offre l'occasion de feuilleter son album de souvenirs qui vont de 1938 jusqu'à la libération de Paris.
C'est un témoignage touchant, drôle, bouleversant de sincérité qu'il nous offre à hauteur "d'homme".
Ça grouille de vie et de vies... C'est l'histoire écrite à l'encre de ces vies oubliées aujourd'hui mais qu'il réussit à faire revivre avec un souffle balzacien, un souffle cinématographique qu'auraient mis en scène un Carné, un Renoir, un Duvivier et dont il aurait lui-même écrit les dialogues.
Ce roman autobiographique est une pépite de vie dans une époque où la mort était élevée en idéal suprême. Cette vie nous est rapportée à travers le regard et le vécu d'un jeune adolescent plus préoccupé par les fesses des femmes que par la place qu'il laissera dans l'histoire.
L'argot d'
Alphonse Boudard est un peu déroutant, incommodant, en tout début de lecture, puis s'installe et finit par s'imprégner... au point qu'au sortir du bouquin on l'entend encore qui chante dans notre tête et l'on se prend à regretter de ne pas maîtriser une si belle langue...
Un livre majeur pour qui aime les mots, les grands livres, les grands auteurs, l'histoire à hauteur d'êtres humains.