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Au royaume des bouffons

Interview : Guillaume Meurice à propos de Le roi n'avait pas ri

Article publié le 29/04/2021 par Anaelle Alvarez Novoa

 

Dans son nouveau roman, Le roi n’avait pas ri, publié aux éditions JC Lattès, Guillaume Meurice met en lumière une figure aussi populaire que méconnue : celle du bouffon. Il nous permet ainsi de découvrir l’ascension fulgurante de Triboulet, célèbre fou des rois Louis XII et François Ier. 

 

À travers ce personnage complexe et follement romanesque, l’auteur, connu entre autres pour ses micro-trottoirs caustiques et incisifs sur France Inter, interroge le pouvoir de l’humour et dresse un certain éloge de la folie. Finalement, qui du roi ou du bouffon est le plus fou ? C’est ce que nous avons voulu savoir en posant à l’auteur quelques questions sur son livre et ses lectures.

 

 

© Olivier Roller

 

 

Vous êtes une figure bien connue du paysage radiophonique français. Néanmoins, le grand public ne vous connaît pas forcément sous cette facette d’écrivain que vous dévoilez à nouveau avec ce second roman. D’où vous vient ce goût pour l’écriture ?

Je pense que ça me vient de mon père qui était correspondant de presse pour le quotidien régional L’Est Républicain. Pour le moindre article, que ce soit le mariage de la pharmacienne, l’annonce du concours de pêche, ou une nécrologie, je le voyais mettre toujours beaucoup de soin à chercher les mots justes, faire en sorte que l’article soit plaisant à lire, en plus du côté purement informatif. Et puis, j’aime l’exercice solitaire qui consiste à être peinard devant son ordinateur ou sa feuille à imaginer un univers, réfléchir à des situations, des dialogues. J’y vois un aspect très ludique, un jeu fascinant avec ces 26 lettres qui peuvent servir aussi bien pour écrire un livre de recettes, un poème de Prévert, Madame Bovary, ou une loi interdisant aux journalistes de filmer les violences policières.


Dans votre roman, on découvre Triboulet, bouffon des rois Louis XII et François Ier. Dans quelles circonstances avez-vous entendu parler de ce personnage ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de lui prêter votre voix ? 

Ma première rencontre avec lui date d’il y a quelques années, à l’époque où je suivais des cours de théâtre. C’est le personnage principal de la pièce de Victor Hugo, Le roi s’amuse (d’ailleurs le titre de mon livre est un clin d’œil à ce texte). Ce qui m’intéressait à travers lui, et au-delà de lui, c’est la figure du bouffon et son positionnement par rapport au pouvoir. En commençant mes recherches, je me suis rendu compte que Triboulet était celui dont il était fait mention le plus souvent. Une sorte de star dans son domaine. Combien aurait-il eu de followers aujourd’hui ? Aurait-il été viré de Canal Plus ? Serait-il devenu influenceur à Dubaï ?


Quelles sources avez-vous utilisées pour donner corps à cette intrigue ? Quelle place avez-vous accordé à la fiction face au réel ?

Pour ce qui est de la vie de Triboulet en lui-même, j’ai eu toute latitude pour inventer car on sait peu de choses sur lui. J’ai discuté avec quelques historiens qui m’ont confirmé que malheureusement, il ne restait que quelques traces de son passage à la cour (il est notamment mentionné quelquefois dans des livres de comptes). Malgré tout, j’ai beaucoup lu sur cette période. Évidemment les biographies de Louis XII et François Ier mais aussi des livres qui traitent de ce qu’était une vie à la cour à cette époque-là, ainsi que ce qui pouvait être la simple vie quotidienne de la population (ce qu’ils mangeaient, comment ils s’habillaient… etc.). Donc si je tombe au Trivial Pursuit sur un camembert jaune et que la question porte sur cette période, je devrais m’en sortir. 



Gravure de J.A. Beauce et Rouget



Votre roman se passe au Moyen-Âge. Quel regard portez-vous sur cette période ? Y voyez-vous certaines similarités avec notre siècle ?

Difficile d’aborder le Moyen-Âge en tant que période car il dure 1000 ans. De plus, c’est une époque qui véhicule beaucoup de clichés. On s’imagine des gueux trainant dans la boue, des massacres dans tous les sens, des chevaliers épiques. Ce qui était le cas, en partie. Mais pas que. C’est aussi beaucoup d’avancées technologiques, de connaissances, d’arts comme la poésie ou le théâtre. Bref, c’est vaste et complexe. C’est comme si on retenait seulement le pire de notre époque : les bidonvilles Porte de la Chapelle, les guerres pour du pétrole, les éditos des journalistes de BFMTV. Alors qu’il y aussi beaucoup de choses positives comme par exemple Jean Castex qui… qui euh… Ouais, non c’est pas un bon exemple…


Par sa naïveté et sa verve, Triboulet pointe du doigt les injustices et incohérences de la cour mais plus globalement de son époque et de ses mœurs. Alors que Machiavel lui lance cette réplique « Tu es aimé par certains, détesté par beaucoup, mais surtout craint par tout le monde. » Triboulet lui répond que de cible, il est devenu archer. Selon vous, peut-on considérer l’humour et l’éducation comme des armes contre les plus puissants ? Pensez-vous que l’humour est toujours politique ? 

Oui, je le pense. « Politique » dans le sens où il sert à mettre le réel à distance pour ne pas le subir. Et arrêter de subir est pour moi un acte politique majeur. Plus personnellement, j’ai toujours considéré l’humour davantage comme une défense que comme une attaque. C’est un des moyens de supporter non seulement les atrocités qui nous entourent mais aussi l’absurdité de l’existence. Et en ce qui concerne les « puissants », je pense qu’ils ne le sont « que si nous sommes à genoux » comme le disait La Boétie. Et je crois que l’humour est une des façons de se relever. D’ailleurs, c’est toujours amusant de voir des personnalités politiques avoir peur d’un humoriste. Par exemple, certains ne veulent pas venir dans la matinale de France Inter de crainte de se retrouver face à nous. Science Po est certainement la plus grande formation de colosses aux pieds d’argile.


Vous êtes entre autres humoriste politique. Vous sentez-vous héritier de Triboulet ?

Ce serait présomptueux de ma part mais je me sens une certaine filiation, car lui aussi avait pour principale activité de chercher à faire rire. À la différence près que je ne cherche jamais à faire rire le roi. Bien au contraire. Mais oui, les humoristes s’inscrivent dans cette tradition de la satire et de la caricature, et j’espère qu’il y aura, à l’avenir, encore plein de Triboulet pour rire, persifler, chahuter, provoquer… Gouverner ?






Guillaume Meurice à propos de ses lectures



Quel est le livre qui vous a donné envie d’écrire ?

Le dictionnaire.


Quel est le livre que vous auriez rêvé d’écrire ?

Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand.


Quelle est votre première grande découverte littéraire ?

Germinal de Zola.


Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?

Mon Utopie d’Albert Jacquard.


Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?

Les misérables de Victor Hugo.


Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?

Toi, qui que tu sois de Marc Large.


Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?

Voyage au bout de la nuit, de Louis-Ferdinand Céline.


Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?

« Il n'y a de longs ouvrages que celui qu'on n'ose pas commencer. Celui-là devient cauchemar. » Charles Baudelaire


Et en ce moment, que lisez-vous ?

La commune au présent de Ludivine Bantigny.

 

 

 

Découvrez Le roi n'avait pas ri de Guillaume Meurice aux éditions JC Lattès

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