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Écrire le voyage
Interview : David Medioni à propos de Être en train

Article publié le 17/05/2021 par Octavia Killian

 

Et si le voyage était la véritable aventure ? C'est ce que nous dit David Medioni dans son livre Être en train (éditions de l'Aube), qui décortique l'expérience avec beaucoup d'humour. Dans le train, le temps est comme suspendu et nous partageons un espace clos avec de parfaits inconnus. Le journaliste et écrivain épluche les comportements et les grandes lois du voyage en train dans cet essai vibrant. Nous avons voulu en savoir plus sur l'auteur de ce texte tendre et souvent très drôle, à travers quelques questions.

 


 

 

Le train a inspiré de nombreux auteurs. Pourquoi avoir choisi d'écrire sur ce lieu confiné ? D'où vous vient cet amour du train ?

Comme je prends le train au minimum deux fois par mois, je me suis mis à observer mes « frères et soeurs de voyage ». En les regardant, en les écoutant et, parfois, en discutant avec eux, je me suis rendu compte que ces moments partagés racontaient la vie, notre pays et notre humanité. À partir de cette matière riche, pleine d’aspérités, de différences, de rires et de sourires, c’était finalement assez aisé d’écrire. C’est vraiment un lieu où on prend le pouls du pays. Comme une sorte de photographie qui révèlerait à la fois notre état d’esprit individuel et collectif.

 

 

Pour l'écriture du livre vous avez dû passer du temps à observer les autres voyageurs du wagon, tendre l'oreille, regarder par-dessus l'épaule de vos voisins. Est-ce quelque chose qui vous est venu naturellement ? Êtes-vous curieux de nature, ou bien est-ce un effet des voyages sur vous ?

Pour être journaliste, il faut être curieux. Aussi je pense que ma curiosité est aiguisée. Cela est donc venu assez naturellement de regarder, d’écouter voire même de discuter avec mes compagnons de voyage. Après, ce qui est intéressant dans le train, c’est que l’on a le temps de se parler, de se rencontrer, de s’observer. Le train est un lieu de brassage. L’un des derniers endroits où l’on est tous ensemble, quelle que soit notre classe sociale.

 

 

Le livre est ponctué de nombreuses références littéraires que vous citez d'ailleurs à la fin de l'ouvrage. Pourquoi ce choix ?

 

Je suis fondateur et rédacteur en chef d’Ernest, un magazine littéraire en ligne, la littérature et les livres font partie de ma vie. Je regarde toujours ce que les gens lisent. D’où les références citées en fin d’ouvrage. De plus, quelques références sont les miennes, celles des livres qui ont aussi forgé mon propre imaginaire et où il est justement question du train comme espace littéraire à part entière.

 

 

 

 

A l'heure où chacun est rivé sur son écran et ne prend plus la peine de lever la tête pour observer ce qui l'entoure, pensez-vous que le train soit toujours un lieu de rencontre et d’interaction ?

J’en suis convaincu. Il faut juste faire un pas vers l’autre et alors le train devient un lieu exquis pour se rencontrer. Plus largement, comme je le disais précédemment, le train est le dernier endroit où toutes les strates de la société se retrouvent. J’ai assisté durant tous mes voyages à des rencontres, fugaces ou longues. Les gens se parlent. Malgré les écrans.



Pour vous le train est « un espace-temps réduit qui permet l'introspection ». Vous faites d'ailleurs le parallèle entre le trajet en train et le train de notre propre vie. Pouvez-vous nous en dire plus ? 

Oui cela permet l’introspection car dans le train, on peut soit être seul, en soi-même pour réfléchir, pour contempler et pour se questionner, soit on peut aussi, grâce au regard de l’autre, apprendre sur soi. Je crois réellement que l’ambiance feutrée du train, le roulis, mais aussi les paysages qui défilent devant nous sont propices au questionnement, au doute, à la créativité. C’est d’ailleurs aussi pour cela que le livre s’appelle Être en train. Parce que le train, justement, nous permet d’être. Dans un trajet de vie, il y a des arrêts, des départs, des accélérations et des arrivées. Comme lors d’un trajet en train. Il y a les rencontres aussi.  

 

 

Le voyage en train est un temps de pause que le voyageur s'accorde, au milieu d'un train de vie frénétique. Comment expliquer ce besoin de pause, tout en étant en mouvement ?

 

Le besoin de pause s’explique selon moi parce que nous n’en pouvons objectivement plus de la frénésie du monde. Des notifications sur nos téléphones, des mails « urgents » alors que l’urgence, au fond, n’est réelle qu’à l’hôpital. Nous n’en pouvons plus, non plus, des assignations à être ceci ou cela. Ainsi, quand on se retrouve dans le train même si on va quelque part, on se repose. On se met en pause. Je suis persuadé que notre passion pour le train vient aussi de là. Certains écrivains, d’ailleurs, écrivent dans le train.

 

 

David Medioni à propos de ses lectures

 

Quel est le livre qui vous a donné envie d’écrire ?

 

Je ne sais pas s’il y en a un seul. C’est un tout. Je considère qu’un roman réussi est la quintessence même de la forme d’art la plus aboutie. Mais s’il faut en citer un seul : Noces de Camus. Pour la beauté et la simplicité du style et la force du propos.

 


Quel est le livre que vous auriez rêvé d’écrire ?

 

Tous les livres de Romain Gary.

 


Quelle est votre première grande découverte littéraire ?

 

Je me suis mis à lire pour aller voir un match de foot au Parc des princes. Je voulais aller voir jouer Enzo Francescoli avec le Matra Racing. Mon père m’a dit : « Lis dix livres et nous irons. » J’ai lu les dix livres et j’ai vu Francescoli. Parmi ces livres, il y a eu Au revoir Monsieur Chips sur l’histoire d’un professeur qui change la vie des élèves qui m’a beaucoup ému. Il y a eu aussi Un sac de billes de Joseph Joffo.

 


Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?


Je ne relis pas tellement les livres. Si ce n’est ceux de Camus et Gary. Et le théâtre de Sartre, aussi. J’ai relu aussi Portnoy et son complexe de Philip Roth.

 


Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?


On ne peut pas avoir honte de ne pas avoir lu. Lire est une ouverture permanente. Le meilleur livre est justement celui à lire. Promesse d’une découverte, d’un nouvel univers, d’un nouvel imaginaire.

 


Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?

 

Plus qu’un livre, c’est un auteur. Jean-Philippe Blondel. Je le considère comme l’un des grands auteurs français contemporains. Il sait peindre nos travers et nos qualités humaines comme personne. C’est un impressionniste de l’humanité. Il traduit cela en mots. Ses livres sont émouvants et doux. Je l’aime beaucoup et comme je dis souvent, il faut tout lire de Jean-Philippe Blondel !

 


Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?

 

Il est toujours présomptueux de se prononcer là-dessus. Toutefois, je me suis vraiment beaucoup ennuyé dans Eugénie Grandet !

 


Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?

 

Une citation d’Hemingway ou alors celle qui me vient en répondant à vos questions est la dernière lettre du comte de Monte Cristo « Vivez donc et soyez heureux, enfants chéris de mon cœur, et n'oubliez jamais que, jusqu'au jour où Dieu daignera dévoiler l'avenir à l'homme, toute la sagesse humaine sera dans ces deux mots : "Attendre et espérer !" »

 


Et en ce moment, que lisez-vous ?

 

Je viens de terminer La beauté dure toujours d’Alexis Jenni qui est une très belle mélopée sur l’amour et le couple et je lis aussi Le Sauvage de Guillermo Arriaga, flamboyant roman initiatique dans le Mexique contemporain.

 

 

 

 

Découvrez Etre en train de David Medioni publié aux Éditions de l'Aube.


 

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