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Jim et Laurent Bonneau : un corps à corps avec la bande dessinée

Article publié le 30/06/2021 par la Rédaction, en partenariat avec le label BD Grand Angle

 

 

 

« Le besoin de serrer un corps plein de vie… de respirer… le parfum d’une peau… retrouver nos étreintes… »

 

L’étreinte. C’est ce qui a manqué à beaucoup d’entre nous dans les remous d’une crise sanitaire dont chacun voudrait aujourd’hui sortir durablement. L’étreinte comme une promesse d’éternité, anagramme qui voit ses lettres bousculées par le rapprochement de deux corps. Étreindre, c’est aussi garder avec soi, protéger, fusionner avec l’autre, ce qui sera refusé au personnage principal de cette nouvelle bande dessinée de Jim et Laurent Bonneau, le sculpteur Benjamin Ros.

Car L'Étreinte, publiée par le label BD Grand Angle, s’ouvre en effet sur un drame : un accident de la route entre l’Espagne et la France qui plonge Romy dans le coma, alors que son compagnon Benjamin - pourtant installé à la « place du mort » - hérite du rôle du miraculé. Un choc terrible qui va confronter l’artiste à l’absence, au vide, à la peur de perdre l’être aimé. Dès lors, il va se lancer dans une quête obsessionnelle : retrouver la mystérieuse femme qu’il a prise en photo avec son téléphone sur une plage de Cadaqués pendant leurs vacances, une photo qu’il n’arrivait pas à quitter des yeux quelques secondes avant l’accident.

 


« Toutes ces choses insignifiantes… Tout ce à quoi on ne fait pas attention au jour le jour, c’est tout ce qui nous manquera le plus cruellement un jour. »

 

Pour mener à bien ce superbe et épais projet à quatre mains, Jim et Laurent Bonneau ont pris leurs arts respectifs à bras le corps. Scénario et lettrages pour Jim, dessins et couleurs pour Laurent Bonneau. Car plus qu’un classique projet de livre en commun, L'Étreinte est née d’une expérimentation entre deux auteurs confirmés, désireux de se mettre à l’épreuve. L’histoire a en effet été écrite et dessinée en parallèle, sortant du schéma d’un texte livré au dessinateur pour qu’il en fasse l’illustration, ou au mieux l’interprétation graphique. Ici, le processus est plus organique et alchimique (logique quand on a de l’or au bout des doigts), chacun avance de son côté, puis présente à l’autre son travail.

En guise de genèse à cette histoire, deux fils rouges qui se croisent et se nouent : pour Laurent Bonneau, ce sera une série de dessins représentant un ami proche, un sculpteur, réalisée librement au début du projet commun ; quant à Jim, il prend pour point de départ à l’écriture du scénario une photo… d’une femme sur une plage de Cadaqués, prise avec son propre téléphone. Comme une manière de projeter leurs propres obsessions du moment dans leur œuvre, sur leurs personnages. Mais les artistes font-ils jamais autre chose ?

 

 


« Les histoires d’amour n’ont pas de cimetière. »

 

Là où on pourrait s’attendre à un résultat confus et disparate, on trouve en fait une œuvre forte, cohérente et bouleversante. Une bande dessinée qui fait honneur à la fiction, à son pouvoir d’invocation du réel à travers les émotions, les sentiments, le souvenir. En 2018, en ouverture de son album On sème la folie, Laurent Bonneau écrivait d’ailleurs : « J’enregistre et recrée ce qui m’émeut en élaguant la réalité afin de reproduire au mieux l’impression et l’atmosphère qui me touchent. Ce qui m’intéresse, c’est de faire émerger une autre dimension. J’aime à voir surgir une certaine beauté de paroles, de situations pourtant banales. » Et autre exemple de son goût pour la fixation du réel, cette vidéo que nous avions tournée avec lui à Saint-Malo, dans laquelle il dessine un inconnu.

 

Car c’est à une expérience poétique que nous invitent Jim et Laurent Bonneau à travers L'Étreinte. Sans trop en dire, le lecteur sera ballotté entre le drame, l’enquête, l’attente ; pris dans un tourbillon où les femmes que va croiser Benjamin (Francesca, Anne-Lise, Ursula, Marie Yvonne… et Romy tout le temps) sont autant de promesses d’une guérison du coeur, cette « fleur de chair ». Un peu comme si les auteurs opposaient à une téléréalité vulgaire, outrancière et artificielle une bédéréalité pudique et honnête : fiction en mots et images qui ne s’interdit ni l’abstraction ni la poésie pour invoquer le réel, tenter de donner un sens à la banalité de nos gestes, d’investir nos failles et nos faiblesses typiquement humaines.

Oui, il y a tout ça dans les 300 pages de cette Étreinte aussi bienfaitrice et pleine d’espoir qu’un corps à corps amoureux ou amical, un album comme une preuve supplémentaire du talent de ses deux auteurs.

 

 

Découvrez L’Étreinte de Jim et Laurent Bonneau, publié par le label BD Grand Angle, en librairie le 30 juin 2021

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