Il faut que je sache, il faut que je me rappelle, mais ma mémoire refuse de déverouiller ses portes, derrière lesquelles est enfermée cette nuit, cette horrible nuit que ma mère seule connaît et ne veut pas dévoiler.
Je vois bien que ces mêmes souvenirs ravagent son esprit. Mais le mien n'est-il pas déjà près d'éclater en mille gouttelettes dispersées par le vent, à force d'oubli?
Émile, si vous souhaitez vivre à mes côtés, il n'y a pas que des interdits à respecter. Il y a aussi des apparences dont il faut se méfier.
Ma route, elle, se poursuit. Elle se perd dans la nuit, elle me cache encore des tournants, les obstacles ou les merveilles qu'elle me réserve. J'ai confiance. Car je sais que je ne la parcourrai pas seule. Je sais que c'est mon avenir. Et que tant que j'aurai du temps devant moi, tant que ce chemin de vie ne s'étendra sous mes pieds, je pourrai écrire mon histoire.
Je me rappelle cette jeune femme de vingt et un ans à Vielacier, dans un autre monde, une autre vie. Cette jeune femme qui devait contenir sa nature, qui se mordait les joues pendant que des étrangers apportaient, à sa place, la solution aux guerres qui menaçaient son pays...
« Elle a choisi de rester pour s’assurer que les maléfices qui ont rampé dans ces murs noircis ne reviennent jamais. Jamais plus ses pleurs ne résonnent vers la lune. »
— Ça a l’air terrible, dit comme ça, reprit Nils. Mais ce n’est pas le cas. Nous sommes au service des livres, Bérénice, nous leur consacrons notre existence. Nous sommes les gardiens d’un savoir immense, les soigneurs de milliers d’histoires qui, sans nous, auraient disparu à jamais dans le néant.
"Car il en faut, de la force, pour survivre dans un monde d'hommes, quand on est une femme"
Car il en faut, de la force, pour survivre dans un monde d'hommes, quand on est une femme.
Est-on toujours ainsi happé par le vide, lorsqu'on se tient au bord d'un gouffre ?
La mer fut ton berceau, elle sera ton tombeau.