Il faut vivre soi-même un naufrage avant de pouvoir saisir la bouée de sauvetage qu'il vous jette... Le Maître nous connaît ainsi que chacun de ses disciples mieux que nous nous connaissons nous-mêmes. Il lit dans l'âme de ses disciples plus qu'ils ne sont disposés à admettre.
Le Zen et l'Art du tir à l'arc
Chez nous, on conseille à celui qui a cent kilomètres à parcourir de considérer quatre-vingt-dix comme la moitié.
L'homme est bien un roseau pensant, mais ses plus grandes oeuvres se font quand il ne pense ni ne calcule. Il nous faut redevenir "comme des enfants" par de longues années d'entraînement à l'art de l'oubli de soi. Quand cela est réalité, l'homme pense et pourtant il ne pense pas ; il pense comme les vagues qui déferlent sur l'océan ; il pense comme les étoiles qui illuminent le ciel nocturne ; il pense comme le vert feuillage qui bourgeonne dans la paix de la brise vernale. En vérité, il est les ondées, l'océan, les étoiles, le feuillage. Lorsqu'un homme est parvenu à cet état de développement "spirituel", il est un artiste Zen de la vie.
Ici il ne sera question que de tir à l’arc. Souvent, j’ai l’impression que l’apprendre est moins difficile que d’en faire un exposé. Ma présentation vous conduira donc jusqu’à la limite où poindront les horizons au-delà desquels vit le Zen.
Pour l’ambitieux la cible n’est qu’un méchant morceau de papier qu’il réduit en miette. La « grande doctrine » du tir à l’arc voit dans une telle conception une chose purement diabolique. Elle ignore tout d’une cible dressée à une distance déterminée de l’archer ; elle connait seulement le but qui ne s’atteint d’aucune manière technique, et si elle donne un nom à cet objectif, elle l’appellera : Bouddha ».
Oublieux de soi, comme perdus dans leurs pensées, ils exécutent les gestes préparatoires avec calme ; ils s'absorbent dans l'acte de la création et de la réalisation en formes qui, du premier geste jusqu'au complet achèvement de l'oeuvre, donne chez tous deux l'impression du complet déroulement d'un tout. (P70)
Ensuite, le maître se fit un devoir d'établir sans tarder les rapports entre le tir à l'arc et l'acte respiratoire auquel on ne s'exerce pas pour lui-même. L'acte global de la tension de l'arc et du tir fut décomposé en périodes : saisir l'arc, y poser la flèche, élever l'arc, le bander, le maintenir au maximum de tension, lâcher le coup. Chacun de ces actes partiels était introduit par une inspiration, soutenu par la retenue du souffle, refoulé et terminé par une expiration. En agissant de la sorte, l'acte respiratoire s'insère tout naturellement dans le processus, accentue notablement positions et actes particuliers et surtout les relie intimement les uns aux autres en un déroulement rythmique qui varie suivant les facultés respiratoires de chaque tireur. (P40)
Le coup parfait ne se produit pas au moment opportun parce que vous ne vous détachez pas de vous même. Vous ne tendez pas vos forces vers l'accomplissement, mais vous anticipez votre échec.
Un jour que je lui faisais remarquer combien je m’efforçais consciencieusement à rester décontracté, celui-ci répliqua : « C’est justement parce que vous vous y efforcez, parce que vous y pensez. Concentrez-vous exclusivement sur la respiration, comme si vous n’aviez rien d’autre à faire !... ».
“par la main qui, en possession de la technique, exécute, et rend visible son rêve, juste au moment où l’esprit commence à élaborer des formes, sans qu’il y ait entre conception et réalisation l’épaisseur d’un cheveu.”