Le nouveau roman "Les Nuits de la Peste" de l'écrivain turc Orhan Pamuk se présente comme le théâtre d'une grande fresque historique qui résonne avec l'actualité. La pandémie mondiale est venue donner une actualité poignante au roman qu'il écrivait depuis trois ans.
Son récit mêlant fiction et réalité raconte les ravages une épidémie de peste dans l'île fictive de Mingher en 1901, contrée de l'Empire Ottoman en déclin. Un livre à la croisée des chemins et des genres. Roman historique, roman d'amour et roman politique, ce livre vient interroger notre rapport à la fiction et au réel, l'imaginaire se mélangeant au réel, et le romanesque à l'historique. La véritable prouesse d'Orhan Pamuk consiste à jouer avec les codes de la fiction et à rendre la frontière poreuse entre l'histoire et la grande Histoire. Au milieu de ce drame humain et politique, l'amour est un refuge pour ceux qui se battent contre l'épidémie.
Orhan Pamuk nous livre une réflexion sur le pouvoir et la liberté, à l'heure où s'amorcent le délitement de l'Empire Ottoman et les conflits de succession entre sultans.
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Qui sommes-nous ? Voulons-nous être Européens ? Ou venons-nous d'Asie ? Sommes-nous musulmans ? C'est quoi être Turc ? Je refuse qu'on impose à un individu ou à une société une identité homogène, basée sur une seule source. Je suis contre toute forme de fondamentalisme. (…) Je préfère ce qui vient de sources diverses. Et, comme dans mes livres, je défends l'idée que tout cela peut se côtoyer sans conflit.
Dieu ce n'est pas une question d'intelligence ou de foi, c'est une lucidité rappelant que toute vie est une énigme.
Aussi dois-je avouer que, hormis les belles femmes comme ma mère, je n’aimais pas plus que ça les adultes. Ils étaient laids, poilus et grossiers. Ils étaient par trop lourdauds, pesants et réalistes. Ils avaient bien vu à une époque qu’il existait un monde parallèle au sein de ce monde, mais ils avaient perdu leurs facultés de s’étonner et d’imaginer.
(page 39)
Il ne fait aucun doute que le pouvoir des objets dépend autant des souvenirs qu'ils renferment que des caprices de notre mémoire et de notre imagination.
Chapitre 58 : Tombola.
- [...] Le meilleur commencement pour une bonne amitié, c'est un secret.
«Que fais-je dans ce monde? se demanda Ka. Ma vie est aussi misérable que le paraissent de loin les flocons de neige. L'être humain vit, s'érode, disparaît.» Il se dit que dans un sens il avait déjà disparu, mais que dans l'autre il existait encore : il aimait à se penser en flocon de neige, et suivait avec amour et tristesse la voie que prenait sa vie. Il se rappela l'odeur de son père quand il se rasait. Il se souvint de ses pieds froids dans les pantoufles de sa mère qui préparait le petit-déjeuner à la cuisine, d'une brosse à cheveux, du sirop couleur rose, sucré, qu'on lui faisait boire à son réveil après une nuit passée à tousser, de la cuillère dans sa boucher, de tous ces petits riens qui font la vie, de l'ensemble de ces choses, du flocon.
Après avoir terminé mon service militaire, je dénichai un poste à bas salaire dans l'agence stambouliote de la Direction générale de la recherche et de l'exploitation minière. Mes camarades d'université avaient coutume de plaisanter en disant qu'un ingénieur géologue surdiplômé devait ouvrir un restaurant de kebab ou travailler dans le bâtiment s'il voulait gagner sa vie en Turquie. Trouver ce travail était déjà une aubaine, d'après eux.
Cependant, ce qui est important pour un peintre, ce n’est pas la réalité des objets, mais leurs formes, pour un romancier, pas la chronologie des événements, mais leur articulation, et pour un écrivain qui écrit ses souvenirs, ce qui importe, ce n’est pas la réalité du passé, mais sa symétrie.
(page 351)
Je sentais qu’elle m’aimait beaucoup plus que je ne le croyais, et ses tremblements pendant l’amour et les larmes sur son visage augmentaient la souffrance accumulée dans mon cœur et la puissance de cette douleur qui m’envahissait me rendait incapable de faire quoi que ce soit.
(page 404)
De même qu’autrefois en Amérique latine on désignait par « Turcs » les Arabes, on appelait « Arabes » les quelques Noirs d’Istanbul.
(page 47)