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3.73/5 (sur 79 notes)

Nationalité : Argentine
Né(e) à : Junín, dans la province de Buenos Aires , 1967
Biographie :

Née en 1967 à Junín, dans la province de Buenos Aires, en Argentine, Leila Guerriero commence sa carrière de journaliste en 1991. En 2011, elle rédige l'édition de Los Malditos (Editorial Universidad Diego Portales, Santiago, Chili), dix-sept portraits d'écrivains maudits latino-américains. Elle réalise fréquemment des travaux d'édition pour cette maison. Depuis janvier 2014, elle est rédactrice au journal espagnol El País. En 2014, elle reçoit le prix Konex dans la catégorie « Chroniques et témoignages ».

Source : Christian Bourgois
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
On était en 1991. Pedro avait trente ans et des habitudes cent pour cent gays qui ont profondément déplu, mais il s’en fichait. Il sortait avec la douce courbure de son rimmel, un sarouel en satin et de magnifiques chaussures à talons compensés, reine du désert dans une petite ville pétrolière en plein essor : j’ignore ce que peut être le courage mais cela y ressemble.
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Typique des petites villes – les grandes cruautés –, à Las Heras, on appelait Pedro « Pepita »…..
– Avant, j’allais de chez moi à la messe et de la messe à chez moi, c’était mon petit univers. Je croyais que tout était péché. On nous disait que si on péchait, même en pensées, on serait maudit toute notre vie. Si je regardais un homme, pour moi c’était péché. J’allais à la messe et je récitais au moins vingt fois le Notre Père pour que ça me passe, parce que je croyais que j’allais finir en enfer.
En Enfer il n’y est pas allé, mais à Bahía Blanca il a découvert qu’entre chez lui et la messe, et entre la messe et le paradis, il y avait un échelon intermédiaire : le commissariat, où tant de fois ils l’ont emmené.
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Je ne me rappelle pas ce que j'ai vu en premier.
Peut-être la station YPF à l'entrée de la ville, ou l'avenue Perito Moreno avec son terre-plein central, ou le cimetière, où l'énorme entrepôt en tôle qui indiquait Transport Las Heras. Je sais seulement que je n'ai pas vu - ni alors ni jamais - le graffiti dont quelqu'un m'avait parlé : "Las Heras, ville fantôme".
- Tu verras, à peine arrivé, c'est le premier truc que l'on remarque.
Pas besoin. la ville parlait d'elle-même. Il n'y avait ni gens, ni jardins, ni fenêtres ouvertes, ni panneaux indiquant le nom des rues. Les arbres semblaient être des survivants à un mal quelqconque. J'ai su ensuite qu'il n'y avait ni cinéma, ni internet, ni kiosque à journaux, et que de temps en temps le vent coupait les lignes de téléphone, fournies par une coopérative municipale car ni le bras long de Telefonica ni les ambitions françaises de Télécom n'étaient parvenus jusque-là.
C'était une journée ensoleillée et ça aidait, mais quand je suis descendue du bus, le vent m'a poussée, j'ai titubé et senti le sable crisser sous mes dents.
J'ai soulevé mon sac à dos et j'ai marché jusqu'à l'hötel.
La réception était calme, comme en pleine sieste, mais il était midi. J'ai posé mon sac à dos sur le sol et j'ai attendu. Il y avait du monde au bar - un endroit agréable, avec des tables en bois et des fenêtres aux rideaux transparents qui laissaient passer la lumière; l'un des rares, je le saurais par la suite, où il n'y a ni musique assourdissante ni filles s'offrant pour cinquante pesos - et la nouvelle était déjà sur toutes les lèvres : le barrage s'était abattu sur la route, comme un tsunami. On ne pouvait plus rentrer à Comodoro.
Un garçon avec des phalanges tatouées de croix a surgi derrière le comptoir. Il m'a souhaité la bienvenue, m'a donné les clefs, la télécommande de la télévision, et m'a demandé si j'étais déjà au courant.
- De quoi ?
- Que dans cette ville il se passe de drôles de choses. Toutça, c'est la faute des Indiens enterrés qui rôdent dans le coin. Il y a beaucoup d'Indiens enterrés ici.
je suis montée dans ma chambre. J'ai fermé la porte. J'ai allumé la télé. il n'y avait rien. Juste de l'électricité statique, un nuage gris. Le vent arrachait les fenêtres et les dents, jusqu'aux molaires.
Qu'est-ce que je suis venue faire ici. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Ni ce que je cherchais.
(pp.18-19)
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J'en avais tellement entendu, des théories qui expliquaient tout.
Parce que c'est comme ça, parce qu'il n'y avait rien à faire, parce qu'ils s'ennuyaient, parce qu'ils ne s'entendaient pas bien avec leurs parents, parce qu'ils n'avaient pas de parents, parce qu'ils en avaient trop, parce qu'on les battait, parce qu'on les forçait à avorter, parce qu'ils ingéraient beaucoup d’alcool et de drogues, parce qu'on leur avait fait du mal, parce qu'ils sortaient le soir, parce qu'ils volaient, parce qu'ils sortaient avec des filles, avec des filles de joie, parce qu'ils avaient des traumatismes d'enfance, d'adolescence, des traumatismes de jeunesse, parce qu'ils auraient aimé naître ailleurs, parce qu'on ne les laissait pas voir leur père, parce que leur mère les avait abandonnées, parce qu'ils auraient préféré que leur mère les abandonne, parce qu'ils avaient été violés, parce qu'ils étaient célibataires, parce qu'ils avaient des relations amoureuses mais malheureuses, parce qu'ils n'allaient plus à la messe, parce qu'ils étaient catholiques, sataniques, évangéliques, passionnés de dessins, punks, sentimentaux, bizarres, appliqués à l'école, coquets, flemmards, dans le pétrole, parce qu'ils avaient des problèmes, parce qu'ils n'en avaient absolument aucun..
Des théories. Et les faits, qui s'entêtaient à rester sans réponse.
J'ai entendu le grondement dans la rue et j'ai su que c'était le vent, encore.
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Autour de cinq heures du matin, alors que le jour commence à se lever et que le terre-plein est encore noir de monde, on déclare les résultats dans chaque catégorie. Le dernier nom à être annoncé est celui du champion. Un homme qui, à l’instant même où il reçoit sa couronne, est anéanti.
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Il était deux heures du matin. De l'autre côté de la rue, se trouvaient les rails désaffectés et, une centaine de mètres plus loin, le cimetière. Je me suis dit que l'argentinité, c'est beaucoup de choses, mais tout particulièrement cette prédilection à placer la baise et la mort si près l'une de l'autre. Ici on baise, ici on meurt, et au milieu c'est la vie, bien qu'il y ait eu-et qu'il n'y ait plus-le chemin de fer. (page 60)
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Dehors le vent était un sifflement obscur, une bouche brisée qui avalait tous les sons : les baisers, les rires. Une plainte d'acier, une mâchoire.
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Dehors, les arbres gris semblaient faits de plumes, d'ailes mortes, griffés par une force armée de mauvaises intentions.
Quelle étrange obstination, me suis-je dit. Là où la nature renonce et met des arbustes et quelques pierres, la bête humaine s'obstine à mettre des maisons, des écoles, une place, et persiste à se reproduire. (pages 107-108)
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Ça fait onze ans que je voyage. Je n’ai pas de placard. J’ai deux valises.
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Ils étaient nombreux à vouloir devenir quelqu'un à Las Heras. Devenir quelqu'un, disaient-il. Comme si eux, là, n'étaient personne, n'étaient rien.
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