Estelle Bana

— Vous aviez triste mine la dernière fois où nous nous sommes vus, à Longbourn, l’avant-veille du mariage. Vous êtes parti en trombe du petit salon où Père vous avait pourtant invité.

Tout en parlant, elle ôta pensivement les pendants en diamants qui ornaient les lobes de ses oreilles et les déposa délicatement sur le bois lustré de la coiffeuse.

— Mère a même cru que vous aviez renoncé à vous marier avec moi ! Je m’étais résignée à rester vieille fille jusqu’à la fin de ma vie, monsieur.

Son petit sourire triste ne cachait que très mal la réelle anxiété qui l’avait rongée depuis le moment où, deux jours plus tôt, il avait quitté Longbourn d’un air fâché.

Tout à coup, M. Darcy franchit la distance qui le séparait d’elle. Il se posta juste derrière le haut dossier en bois sculpté de son fauteuil. Puis il posa sa grande main chaude sur l’épaule nue de sa femme, qu’il caressa lentement du bout des doigts.

La beauté naturelle de son époux, rehaussée par son élégant costume de marié, finit de faire perdre contenance à Elizabeth. Grand, large d’épaules, les cheveux aussi noirs que l’ébène, il avait l’assurance d’un homme conscient de sa propre valeur. À la lueur douce des bougies, adossé à la cheminée de marbre, il resplendissait. Doté d’un nez droit, d’une paire d’yeux noirs magnifiques et d’une bouche adorablement boudeuse, il était évident qu’il n’avait aucune raison de douter de lui-même.

Ses lèvres revenaient constamment sur les siennes. Néanmoins, même s’il changea l’angle de leur baiser plusieurs fois à sa convenance, il n’exigea rien d’autre que le contact le plus léger entre ses lèvres fermes et la bouche entrouverte d’Elizabeth. Si cela lui coûta un effort particulier pour se maîtriser, il n’en laissa rien paraître. Mais à la fin de ce baiser doux et envoûtant, il avait atteint son but. Il avait gagné sa confiance. Il avait aussi éveillé son corps sensuellement.

Elle comprit immédiatement ce qu’il voulait. Elle ôta elle-même les cinq épingles du lourd chignon élaboré qui retenait ses longs cheveux bruns. Quand ils tombèrent en vagues soyeuses autour de ses épaules nues et de sa poitrine, M. Darcy inspira brusquement.
Le regard assombri, il prit une mèche entre ses deux doigts et, sans jamais quitter Elizabeth des yeux, il la porta à sa bouche pour l’embrasser avec vénération.

Si Fitzwilliam avait rapporté une rose, ce n’était pas pour la lui offrir. C’était pour caresser lentement le pourtour de son profil, de la racine de ses cheveux jusqu’à son cou. Mais quand la rose s’égara sur la pointe de son sein nu, Elizabeth se mit à haleter plus que de raison.

Précautieusement, comme s’il avait peur de l’effrayer, il la dépouilla lentement du sous-vêtement blanc qui lui ceignait la taille et relevait sa poitrine. Ayant défait les quatre crochets qui le maintenaient en place, il jeta son corset en filet derrière lui et observa la fine chemise qui recouvrait la poitrine de son épouse. M. Darcy, elle en était sûre, pouvait voir ses seins à travers le tissu vaporeux qui la couvrait. Mâchoire serrée, il ne disait pourtant rien. Il avait même fermé les yeux comme s’il était à la torture. Était-il possible que cet être sublime soit fasciné par les courbes de son corps… ?

— Oh, Jane, est-ce bien moi qui vais me marier avec M. Darcy ?
Elizabeth avait le plus grand mal à vaincre son incrédulité persistante. Pourtant, les preuves que son destin était bel et bien sur le point de basculer ne manquaient pas autour d’elle.
Un voile arachnéen avait été disposé par Kitty sur le miroir dans lequel elle se mirait. Une toilette nuptiale trônait sur son baldaquin et Mary venait d’étaler sur sa coiffeuse tous les trésors d’un magnifique coffret à bijoux. Quant aux rayons du soleil, ils incendiaient déjà les collines sur lesquelles donnait sa fenêtre à meneaux.

Pour toute réponse, M. Darcy referma la main sur le sein ferme de sa femme. Il le caressa du bout des doigts à travers le fin tissu de sa chemise.
Elizabeth en perdit le fil de la conversation. Elle ne savait pas pourquoi un tel effleurement lui procurait une sensation si miraculeuse. À chaque mouvement des longs doigts de son mari, un éclair de feu la traversait de part en part…

Cette fois, il l’embrassa avec force sur la bouche. Il se comporta comme un homme affamé qui s’était trop longtemps retenu et qui lâchait pour la première fois la bride au désir inextinguible qui le dévorait.
Quand le baiser prit fin, le cœur d’Elizabeth battait à tout rompre et l’énergie qui brûlait dans les prunelles de M. Darcy s’était décuplée.

Dès notre première rencontre. Le soleil s’était enfin levé dans ma vie. Vous étiez apparue. Si j’ai d’abord été tenté de refuser votre présence étincelante, c’est parce que j’étais habitué depuis trop longtemps à vivre dans les ténèbres. Mais vous savez, vous devez savoir, que j’ai changé d’avis depuis.