Pfff… je t’en ficherais du « beau sapin », roi des enfoi…
Je m’interromps brusquement, soudain consciente d’être observée par un gamin tout plein de morve et aux manches de t-shirt très sales.
— Toi, t’allais dire un gros mot, me dit-il de sa voix fluette.
— N’importe quoi !
— Si. Ma maman, elle fait pareil que toi quand elle est fâchée contre mon papa et qu’elle râle.
— Pas du tout, je ne suis pas fâchée et un lutin ne râle jamais. Allez zou ! C’est ton tour, Morvito. N’hésite surtout pas à te moucher dans la barbe du Père Noël. Il adore ça ! l’encouragé-je en écartant le cordon de sécurité.
Ça lui fera les pieds !
Selon moi, le bonheur c'est comme la chair fraîche pour un prédateur, il est difficile d'y renoncer après y avoir goûté.
Si c'êtait là réellement ce qu'il pensait de leur relation, peut-être que tout n'était pas perdu. Peut-être que le parfum acre de I'impossible recelait une touche de possible. Peut-être que le miracle de la vérité pouvait rendre accessible l'inatteignable.
"Quelle façon poétique de voir la situation ! On se croirait le premier jour des soldes. Ce moment où il faut se dépêcher de dénicher la bonne affaire pour l'embarquer ! Je m'imagine la scène : une nana hystérique, un homme sous le bras, hurlant comme une damnée pour essayer de le faire entrer dans le coffre de son véhicule."
Je m’enfonce dans le canapé tout en me perdant dans des lamentations sans fin. Les paupières closes et la tête en appui sur un des gros coussins, je sursaute en recevant une claque sur la cuisse. J’ouvre les yeux et découvre Jérémy accroupi juste devant moi. Il est si près que je n’aurais qu’à tendre le bras pour le saisir par le col de sa veste en cuir et lui mordre les lèvres. Comme s’il avait deviné sur quelle pente glissante m’entraînaient mes pensées, il me gratifie d’un sourire félin. Je me racle la gorge, prête pour la riposte.
Pourquoi aurais-je besoin d'une épouse pour ça quand je t'ai, toi ?
– Vous faites le même métier que mon meilleur ami, dis-je.
Il semble ravi que je lui témoigne enfin de l'intérêt. Son visage s'éclaire tandis qu'il me demande :
– Il est photographe de nature sauvage, lui aussi ?
Je réfléchis une minute. Tout dépend de ce qu'on entend par « sauvage ». Est-ce qu'un mannequin qui arrive à moitié défoncé au studio et vous mord durant la séance, ça compte ?
Cet homme se bat contre tellement de démons a la fois que je m'en veux de lui faire subir les miens.
Sans toi, j'aurais pu oublier à quel point il est bon de ne pas être seul tout le temps.
Je n’ai pas besoin de m’observer dans une glace pour savoir que je suis rouge comme une tomate bien mûre. Je dois même avoir l’air prête à exploser, si j’en juge par les regards en coin que me lance Simone. Elle pense peut-être que je vais lui claquer entre les doigts, à deux kilomètres de mon appartement. En plus de cela, j’ai horriblement chaud, alors qu’à chacune de mes expirations, un nuage de fumée se forme devant ma bouche. Finalement, je n’ai pas intérêt à m’attarder dehors avec la tête et le corps trempés de sueur, quand les températures flirtent avec le négatif en ce début janvier.