Quernand n'acheva pas le travail, dorénavant convaincu de son inanité. Le fort était devenu une construction rejetée hors du courant de l'histoire. L'idée de le transformer en entrepôt au milieu de nulle part pour parer une menace imaginaire confinait au grotesque. Il se persuada de l'absence de visée réelle aux missions dont il était chargé : le fort était destiné à la ruine et on persistait à ignorer le destin de Selen. Toute projection menait à une impasse. On avait escompté un résultat nul, avant même de lui confier cette mission. Jusqu'à ce moment, il avait considéré la chambrée de l'officier comme territoire intouchable, le lieu d'une enquête. Il se mit à l'investir, à s'emparer de ce qui lui plaisait pour décorer la sienne, presque rien : un vieux tapis, quelques livres, des babioles. Le reste fut laissé aux quatre vents des couloirs. La pièce devint un repaire pour nombres de chats.
Chaque évocation finissait par se parcheminer, se craqueler, presque s'effacer, comme un vélin à la veille d'être recouvert par son palimpseste
L’enjeu de ce recueil consistait à demander aux auteurs leur propre vision du vampirisme, d’effectuer si possible un pas de côté par rapport à ce thème. À mesure que le sommaire se dévoilait, la personnalité de chaque intervenant affirmait une volonté de rupture, même si elle apparaissait parfois sous les oripeaux du fantastique victorien ou bien par le jeu de la correspondance, forme d’élection du roman stokerien. Si ce projet ne prend nullement l’allure de manifeste, il rend compte de la sensibilité de quelques auteurs contemporains en confrontant leurs propres obsessions à la fable. En définitive, cette anthologie, on l’espère, permettra de prendre le pouls de la créature, qu’aucun paradoxe ne semble épuiser…