Présentation de Quand on eut mangé le dernier chien de Justine Niogret par l'autrice. Parution 24 août 2023.
Découverte en littérature ! Un roman tranchant comme une lame dans l'étendue glacée de l'Antarctique.
Inspiré par l'expédition Aurora dirigée et rapportée par l'explorateur australien Douglas Mawson en 1911 pour explorer et cartographier les confins de l'Antarctique, ce roman sous tension est une plongée immersive aux côtés de ces aventuriers dans un environnement grandiose et mortel, le froid, le blizzard, la neige et la faim, l'épuisement et l'implacable hostilité de la nature.
L'écriture organique, d'une précision sans fard, de cette autrice révélée et suivie en imaginaire, transfigure l'histoire réelle pour restituer, hors du temps, la violence et la dureté des éléments et écrire un inoubliable roman de femme sur le courage de survivre.
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Un bon livre est un peu comme un coup de pied dans le ventre, ça coupe le souffle et on s’en redresse avec les joues rouges et les larmes aux yeux.
(Interview pour le site du Cafard Cosmique, 5 décembre 2009)
- Je préfère la nourriture du Nord, termina Bréhyr. Elle nourrit mieux, elle est belle et grasse, chaude de ses porées, de sa viande et de ses crèmes. Celle du Sud ne vaut rien ; elle pue la fleur et l'amande, elle est blanche et convient mieux à la marmaille et aux vieillards. Mais je te l'accorde, ils savent faire les gâteaux.
Un corps qui semblait dur et empli de tendons, fort et sec, mais un ventre qui trahassait son âge ; et l'enfant se dit sans aucune pitié, puisque lui-même ne s'était jamais imaginé plus vieux que maintenant, que c'était la le ventre d'un guerrier fatigué. De même, il se tenait les épaules lourdes, et il faudrait encore des années à Mordred pour comprendre qu'on porte avec soi une part de sa vie, des choses dont on ne sait se débarrasser; et même lorsqu'on y parvient, on soutient le poids du travail accompli, et du deuil, et des quêtes perdues et du mal que l'on a fait sans le vouloir.
On dit qu'autrefois, le monde était bruit. Moteurs, batteries, essence et explosions. Cacophonie brutale et métallique. Les gens, aussi, quand ils n'étaient pas encore Les Gens. Il y avait des boîtes dans lesquelles ils parlaient, et leur parole allait à d'autres, et même seul chez soi on avait droit aux vociférations. Des tévés, qui donnaient l'image aussi, des photos mouvantes et des chansons dures, et du bruit, encore et toujours. Un monde de son.
Elle est droite. C'est peut-être pour ça qu'il ne l'a pas tuée, la première fois; elle est droite. Même roulée en boule, dormant, même en train de se faire frapper, elle a quelque chose de raide. Quelque chose de propre. Elle n'est pas souillée comme les autres. Elle n'est pas un déchet. Non, ça n'est pas ça, pas exact. C'est autre chose. Gueule de truie avance sur elle, tend la main et prend la fille par la joue. Il n'était pas sûr de ce qu'il allait faire. Il ne savait pas encore, avant de la toucher. Elle ne bouge pas. Même au travers du gant, sa peau est douce, parce qu'il y a de la chair en dessous. Gueule de truie n'a pas l'habitude. Lui est dur, lui est un arbre coupé, sec. Un mur.
" Les parents ne nous élèvent pas avec des mots, ils nous élèvent par ce qu'ils font . "
Un nom fait toute la différence, parce que tout ce qui a de l'importance, sur cette terre, en porte un.
Comme on dit, fort est celui qui abat, mais plus fort celui qui se relève.
C'était la dernière mode chez les pucelles, de faire assassiner leurs gens ; une nourrice, comme ici, ou un lettré, une dame de toilette. Les parents n'en savaient rien en général, regardaient leurs filles d'un bon œil, sans comprendre que les rages et les haines brûlaient tout aussi fortement dans les tripes de ces gamines que dans celles des guerriers au visage mangé par la barbe.
Je ne te souhaite pas la bonne chance, les gens comme nous n’en ont pas besoin ; ils ont leurs mains pour agir et leur volonté pour plier le monde.