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3.62/5 (sur 37 notes)

Nationalité : France
Né(e) : 1985
Biographie :

Lucien Raphmaj vit à Paris et travaille dans le monde du livre.

Il est l’auteur d’une œuvre multidisciplinaire comprenant notamment un essai littéraire consacré à Maurice Blanchot (1907-2003) et Antoine Volodine (1950), "Blandine Volochot" (2020), et collabore à de nombreux projets culturels tels que des films et expositions.

Il participe, en tant que critique, à la revue culturelle en ligne "Diacritik" et tient un blog très riche où il évoque la littérature contemporaine.

"Capitale Songe" (2020) est son premier roman.

son blog : https://lucienraphmaj.wordpress.com/
page Facebook : https://www.facebook.com/lucien.raphmaj
Twitter : https://twitter.com/lucienraphmaj?lang=fr


Source : editionsdelogre.fr
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Bibliographie de Lucien Raphmaj   (5)Voir plus

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Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
On stocke les rêves dans des bases. On les accumule et on les mélange. Mais on n'avait pas prévu deux choses.
Un, que les fictions et les rêves deviendraient pour des intelligences intangibles des monnaies d'échange plus intéressantes que l'or, la chair ferme ou les pétrodollars.
Deux, que l'on hybriderait les rêves, que les informations vivraient, se croiseraient et pulluleraient avec une telle vigueur. On n'avait pas anticipé le Hortex et son écosystème, son économie parallèle, sa mafia du rêve, la vampirisation de toute la fiction humaine et non humaine.
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C’est ça, pour atteindre les étoiles de Grande Californie sous la forme d’un scénario, il faudrait que je brûle ma vie, que je trahisse ma vie en un de ces romans-photos affreux que je raconterai sous des lumières trop fortes, si fortes qu’elles exigent de mettre des lunettes noires d’extraterrestre et puis là je raconterai la substance de cette histoire. Serpent, Solitude, SMS. Tous interminables. Comme l’été. Alors que la vérité, interminable elle aussi, la vérité acide, amère, le poison réel c’est cette vie perdue à attendre, à n’attendre rien sinon l’angoisse de cette histoire qui n’arrive pas, toujours la même histoire, finissant par se transformer en ville pétrifiée à l’abandon, en fusée en jachère, en téléphone télépathe impossible à contacter.
Pense-bête : se souvenir de maintenant pour le raconter lors d’interviews où je raconte comment tout a commencé. Le téléphone, moi, la météorite destructrice, cette histoire. C’est ça qui allait plaire, les objets qui s’animent dans une société animiste qui s’ignore. Nos superstitions. Notre besoin astronomique de raconter. C’est cette vérité cachée sous le scénario qui plaira au plus grand nombre, qui fera le succès planétaire de cette fable à la Stephen King. Un Stephen King moins horrifique, je voudrais éviter ça à Jodie Foster. Car elle sera présente. Je ne négocie pas ce point. Qu’elle soit présente, avec moi, le téléphone, et l’astéroïde. Parce que c’est ensemble que l’on devra suivre les oracles délirants délivrés par SMS et éviter l’apocalypse humaine toujours déjà en cours.
Alors on nous enfermera, elle et moi, mais nous nous évaderons du scénario jusqu’à atteindre un observatoire coincé sous des mètres et des mètres de terre, dans une obscurité chaleureuse parsemée de lumière. Dans cet observatoire pointé vers l’intérieur de la Terre, on se mettra à l’écoute des grands Vers qui susurrent au téléphone les prophéties les plus exactes. mais rien ne se passera comme prévu. C’est le secret. Hollywood manigance.
Fuir encore, fuir toujours, gardant contre soi le téléphone – et Jodie si possible – pour l’amour des vers qui se sont glissés jusqu’en nous, nous initiant à des lenteurs fabuleuses. À d’autres de spéculer, de faire des scénarios sur les abris anti-météorites, sur les armes qui passent comme des rêves dans nos cauchemars trop réels. On ne se glissera pas dans des complexes militaires par des portes dérobées. On ne décodera pas avec le numéro spectral envoyé par le téléphone. Non, notre révélation prendra la forme d’une vieille chamane de banlieue, de ces banlieues éternellement lumineuses semblables à la mienne. Et c’est elle qui nous conduira dans notre quête.
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Nos histoires dorment mal, insomniaques, elles se retournent et cherchent la position où l’on bascule dans le sommeil. Elles respirent mal. Problème de branchies ou quoi, va savoir. Elles s’interrompent sans cesse, pensent à mille choses changeantes, inconstantes, fuyantes, reprennent, réseautent, creusent. Jusqu’où ? Jusqu’au tréfonds de Capitale S, là où cette île artificielle rejoint l’océan. Oui, chaque instant un peu plus, la cryptonation flottante de Capitale S rejoint l’océan qui la dissout.
On oublie vite le bruit de cette dissolution globale.
Car ici, qui n’a pas la tête réduite à cet immense bourdonnement, pas celui des insectes, bien sûr, nuées amies et discrètes, mais celui, fantomatique, des néons créés par ces intelligences vampires, avides de nos rêves, assourdissant le jour et oblitérant la nuit, saturant le sommeil et la veille en une rumeur invincible, brouillant les contours et le sens de nos aventures intérieures ?
On se demande parfois, peut-être en vain, ce qui appartient à notre pensée et ce qui est de la part de cet enchevêtrement d’ondes pénétrant nos esprits et se transformant en litanies absurdes, retirant toute limite à notre expérience. Distinction futile, me direz-vous, à l’ère de la conscience plasmatique.
Peut-être. À voir. Ce que je sais, en tout cas, ce qu’on oublie de dire, c’est qu’au milieu des conflits débilitants de Capitale S, dans les luttes des intelligences pour leur survie vitale et idéelle, cette ville, cette île, Capitale S, disparaît dans l’océan.
Capitale Songe ? Capitale Sombre, oui, une ville trempée d’espoirs gluants où brilleront encore après sa submersion les glorieux néons alimentés par le feu nucléaire couvant sous Asavara.
Dans la nuit blanche polaire, les essaims de mouches tsé-tsé et des groupes de sternes mutantes verront toujours cette plateforme illuminée crachant ses lumières et ses appels au désir sans plus personne pour y répondre.
On ne s’éveillera plus de la veille, on ne s’évadera plus du sommeil, nous disent les prophéties antagonistes s’affrontant à Capitale S, mais, peut-être, un jour, entendrons-nous, stupéfaits, résonner une autre partition du sommeil. Rêvons.
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Vera regarde l’aiguille s’enfoncer et libérer en elle l’encre vivante du tatouage mobile. La douleur s’étend avec le plaisir, remontant tout l’écheveau de ses nerfs, dessinant de petites araignées dans le blanc de ses yeux, faisant glisser dans ses veines des milliers de vers électriques agités de spasmes. Sa peau est cette convulsion composant sans cesse de nouvelles formes à fleur de chair, apparaissant et disparaissant, devenant étoiles, visages, échos de ses pensées blanchies par l’instant. Le tatouage commence à s’étendre en elle.
– Injecte-m’en plus.
– C’est risqué.
– C’est la vie. T’occupe et pique.
A côté d’elle, les membres du Dreamsquad l’observent, elle le sait, ils guettent sur son visage les soupirs de douleur et les grimaces de renoncement à la grande fatalité à laquelle se promet la Vigilance. Elle ferme les yeux et sourit comme elle a appris à la faire dans cette clinique abandonnée, face aux cadavres de ses parents défoncés au liquidream. Elle sourit encore tandis que l’encre se met à remonter jusque dans sa gorge, à saturer ses ventricules jusqu’aux extrémités de son cortex, emplissant sa bave, ses rêves.
– Ça y est, l’emprise est réalisée. Tous vos petits camarades vont pouvoir observer vos pensées juste en regardant votre peau. Mais je préfère vous prévenir, ne vous attendez pas à des images, hein, c’est bien plus instinctif. C’est plutôt comme des rêves abstraits. Des motifs, des couleurs, des glissements et des substitutions, tout ça.
L’encre se déploie effectivement en elle hors de toute phrase, de toute image. Elle compose avec elle une synthèse vivante.
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Cependant la commission dut faire face à une crise qu’elle n’avait pas prévue car la menace ne vint pas de l’intérieur, mais de l’effet de bord de la création des banques de rêves pour les IV : la secte des Vigilants fut en quelque sorte l’abréaction de la société à la constitution du Hortex. Car toute institution ne crée-t-elle pas son dehors, toute frontière ses contrebandiers et ses trafiquants ? Les Vigilants, que les mauvaises langues appellent les sans-sommeil, opéraient par commandos de quatre à cinq individus, détruisant les psychés, ponctionnant les rêves, laissant derrière eux sur les murs un œil éternellement ouvert comme un horrible attrapeur de rêves. Des corps qu’ils proclamaient libérés et qui demeuraient dans un état végétatif que l’on appelle plutôt coma. Leur action bouleversa malgré tout le marché, sans compter les attaques dans les différents data centers où ils vidèrent des millions de songes chaque fois.
Plusieurs banques durent se regrouper, et ce fut la création du puissant consortium d’Ananta. Il lâcha dans les terriers des Vigilants sa vague se serpents qui élimina la plupart des ultrarêveurs.
Depuis, on ne traîne plus dans les couloirs de nos rêves.
Ananta fut alors assez puissante pour ouvrir grande la mâchoire pour absorber la Sompo, et gloire aux Pythons ! La Commissaire générale de la Sompo à la tête fantôme fut nommée à la direction de la banque Ananta.
Le sommeil s’est anarchiquement réparti entre les espèces.
Les blattes respirent lentement.
Les mites courent toujours.
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Énervée et dégoulinante, recouverte de cette mue liquide et pestilentielle de la défaite, je rêve de combustions, de combustions toujours plus vives tandis que je fixe la tête osseuse du ventilateur qui me dit non avec un calme déprimant et mécanique. Non, non, non, dit-il en m’envoyant par bouffées son haleine tiède pleine des moiteurs de l’appartement. Que je me consume avec tout le cosmos. Moi, je ne voudrais toujours rien de moins que l’ergol enflammé des fusées quand je n’ai dans la bouche et dans le crâne qu’une pâte amère de quoi vomir l’univers.
Voilà ce que je suis, toujours une enfant, toujours à recommencer cette vie de ratée, je suis une de ces petites rates attardées d’un pixel de large que bouffe le Cobra désir, voilà, à devoir me contenter des souffles lents des fiascos amenés par la tête débile d’un ventilateur produit à l’autre bout du monde.
Je dois me contenter de ça, de cette vie perdue et jamais récupérée, sans aucun bonus ni cheatcode pour m’enfuir d’ici. L’appartement est sans climatisation et je crois qu’il ne l’aura jamais, même dans un futur lointain, même dans des mondes parallèles. J’attends un futur lointain avec une patience de bête le vent sauvage de la gueule d’Artémis venu depuis les noirceurs du fin fond de l’espace. Mais ici c’est toujours l’été, l’été de béton, moi-même enfermée dans un de ces fours empilés les uns sur les autres, à attendre qu’on fasse des cendres à l’intérieur de ces cimetières verticaux, et qui sont plutôt, si tu veux mon avis, des boîtes de Pétri abandonnées, à ciel ouvert, bientôt recouverts d’un océan d’étoiles de moisissure faite de la transpiration de chaque chose, de nous-mêmes et du monde.
J’ai besoin de la fraîcheur d’un autre monde. La porte du frigidaire m’ouvre cet autre monde. Je regarde à l’intérieur comme d’autres regardent un tableau au musée, je m’aperçois. Une hypnose au Fréon. Un tableau froid. Un miroir aux natures mortes hypermodernes. Non, même pas. Je referme la porte. Je la rouvre. Je respire avec ces poumons artificiels que j’actionne. Peut-être. Parce que je sens qu’il y a quelque chose d’aussi inexplicable que l’espoir. Quelque chose, je ne sais pas, aussi simple qu’une idée, oui, une idée qui a besoin du froid pour s’ouvrir, contenue dans l’obscurité et apparaissant au moment où j’ouvre le frigo et disparaissant du même mouvement.
Je voudrais tout virer à l’intérieur et m’installer dans ces ténèbres glacées jusqu’à me momifier dans ce froid. J’écoute la ventouse se fixer et se détacher avec le bruit des grosses berlines polluant le monde entier. J’ouvre et je ferme. Le monde meurt, je ferme les yeux. J’ai un peu moins chaud.
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Je parle dans ma tête avec du venin plein la bouche, parce que j’ai les crocs coupés et que je ne peux que gargouiller des réflexions noyées qui se voudraient des mots d’esprits redoutables quand je ne fais que suinter une bave opaque, très épaisse et très acide, presque noire.
Que la nuit me pardonne.
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Cette longue chaîne vivante de pixels noirs du Serpent doit être composée de très vieux pixels, et certains proviennent sûrement de rayonnements de trous noirs fossiles, d’univers fantômes, litanie de pixels, d’étoiles, de désirs qui s’assemblent en un corps de cobra labyrinthique de plus en plus long, prié par qui sinon par moi, faisant des prières à angle droit pour ce Serpent géométrique traversant l’écran vert du téléphone à des vitesses qui ne se calculent pas si ce n’est peut-être, toujours, jamais, dans des échelles puantes de stress me transportant dans cet univers avec des astéroïdes pleins de soufre et de calcifications douloureuses. Moi-même mutante. Moi-même polluant tout le cosmos avec ma transpiration d’angoisse. Avec dans les oreilles le bourdon de milliers de pixels effrayés. Par qui ? Par quoi ? En attendant, le Serpent défie le Temps, l’Espace, dévorant l’écran qui, une nuit, une longue nuit, dévorera l’univers peut-être, peut-être sûrement, peut-être jamais. Je débloque. Peut-être. Toujours. Jamais. En attendant, ce Serpent s’accroît à toute vitesse sur la minuscule lucarne glauque de l’écran, où pixels noirs, cobra désir, étoiles brûlantes se cristallisent dans mon sang dans une même panique, oui, tout se mélange sous mes doigts poisseux, comme s’il fallait être à la démesure de l’univers, du désir et de l’impossible – l’angoisse, quoi. Alors que tout ça ne peut qu’échouer. Parce que l’univers c’est moi, c’est cet écran, c’est ma maladresse.
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TST-Est est une zone désertique sinuant entre les luxuriances de Mõgulìnn, les pyramides blanches de déchets de Baie-Lune et les indécences élevées de Saï-Town. Plaine vide où il faut avancer le plus légèrement possible, de façon la moins assurée, pleinement exposé au ciel, à ce ciel oublié de tous sur cette île instable.
Elle est ce continuum de neige grise remplie d’espace mouvants, ces espaces lisses toujours prêts à s’affaisser pour vous engloutir pour toujours, sous des kilomètres d’une mélasse affreuse. C’est ce qui en fait la zone la plus risquée et la plus à même d’offrir la plus grande protection avec la plus grande fragilité, celle qui vient avec le froid, avec les trous noirs de l’oubli, avec les effondrements toujours imminents.
[…]
Ille se concentre encore et s’étend jusqu’à devenir la lande vallonnée de TST-Est, ille est le squelette de ces immeubles effondrés où ille se cache, ces déplacements de poussière et de neige.
Ille n’est qu’un débris qui s’oublie parmi la neige.
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Le sommeil fut longtemps notre part maudite. Impensée. Impensable. La part du néant. Des anges du néant. Grande ivresse qui s’oublie. Qui n’est que l’oubli. Ce que l’on donne les yeux fermés. Il y avait là tout à penser. Cosmétique du rêve, hygiène du sommeil. Et tout ce qui s’est développé à Capitale S n’est que l’extension, certes vertigineuse, de cette idée. Ce n’est pas que la marchandisation absolue de tous ces produits pour façonner des rêves plus beaux, pour dormir à 120 %, et autres promesses diffusées nuit et jour par les néons – mais aussi la possibilité d’émergence d’une diététique du rêve et du sommeil.
Je reçois 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 pour un bilan complet.
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