Une fois qu'on a fini de manger, mon père et ma mère s'installent à côté de moi dans le canapé. Pour la première fois depuis longtemps, ils me prennent tous les deux dans leurs bras.
Je ne leur ai pas tout à fait pardonné. Je ne sais pas si ça arrivera. Ils ne se sont pas rendu compte que j'avais besoin d'aide, ils ne m'ont pas cru quand je les ai avertis pour Didier. Mais maintenant qu'ils l'ont vu de leurs propres yeux, ils sont là. Peut-être que je n'ai pas besoin de les pardonner. Peut-être qu'on peut simplement passer à autre chose.
Même si ça me peine de l'avouer, ils avaient raison de s'inquiéter. J'en veux toujours à Lucas, mais c'est juste un crétin comme j'en croiserai beaucoup dans ma vie. Didier, c'est différent. Chez lui, j'ai eu peur et ça n'avait rien à voir avec ce qui a pu m'arriver au lycée. Pendant une seconde, je me suis vraiment demandé si on réussirait à sortir de là.
Il s'arrête là. J’inspire l'odeur de ses cheveux. On pourrait passer la nuit sur ce banc. Ce serait bien. Il n'y a que nous, ici. Le reste du monde peut bien attendre.
Est-ce que vous trouvez qu’avoir les yeux verts, c’est anormal ? C’est rare, pourtant. Peut-être plus qu’être homosexuel.
Baptiste lève les yeux vers moi. Deux prunelles bleu acier soulignées de cernes tels que j'en ai rarement vus. Il ne sourit pas.
Je réalise tout à coup que je suis censé lui serrer la main.
— Salut.
Un seul mot, et je sens déjà ma voix vriller.
Bon sang. Le repas va être interminable.
Qu'est-ce que je pourrais dire pour le soulager ? Il n’y a rien à dire. Même le tenir dans mes bras, rien que ça, ça lui fait mal.