La plage est vierge de toute trace de passage parce qu’il n’y a encore aucun être humain dans ce monde. Ce sont trois frères que nous voyons marcher: Odin […], Vili et Vé. […] Ils sont seuls, aussi, dans ce lieu encore privé d’esprit, de sens et de couleur. Mais voilà que sur cette grève ils aperçoivent quelque chose au bord de l’eau. Deux grosses souches de bois flotté. […] Les trois dieux enfoncent leurs mains dans les troncs, ils modèlent le bois, le rabotent, le façonnent en suivant sa fibre. Nuages de copeaux et de poussière. Ils échangent de grands sourires, tout à la joie de la création. Lentement, ce qui se trouvait à l'intérieur apparaît sous la pression des doigts divins. Voilà un bras, ailleurs une jambe, et enfin: les visages.
D'abord un homme (le premier homme) et ensuite une femme. Les dieux les contemplent de toute leur hauteur. C'est Odin qui agit : soufflant dans leur bouche, il leur donne la vie. […] regards effarés, bruyant babil. […] En dernier lieu, les dieux leur donnent des noms, leur matière devient son. L'homme est Ask, le frêne. La femme est Embla, l'orme.
[Prologue - „Bois flotté“]