Ma scottish bonne étoile de Élise Ader
Et c’est pour ça que vous me tirez depuis les caves jusqu’ici, sans me dire un mot, à part me demander quel est mon parfum ? Vous ne pouviez pas me dire que vous étiez d’accord avec moi ? Je ne sais pas depuis combien de temps vous êtes enfermé dans votre cave, mais vous n’avez pas vu assez d’humains ces derniers temps ! Vous avez oublié comment communiquer avec eux !
Duncan a peut-être raison. Il m’a effarée avec sa colère et sa façon de parler. C’est un véritable sauvage. Il n’a aucune délicatesse. Pourtant, quand il étudiait son whisky, j’ai eu la sensation qu’il explorait un monde de senteurs et d’émotions à la palette très large. Il est peut-être comme ça. Sensible et généreux dans son art, brutal et grossier dans ses relations humaines. Moïra revient avec un pantalon en tweed de laine et des bottines fourrées. Rien que de voir les boots, mes pieds ont un spasme de plaisir. D’accord, j’ai eu franchement froid. Seulement je ne me voyais pas demander un pantalon et des chaussures à mes nouveaux employeurs. En France, c’est impossible… Il faut croire que la rudesse des terres du Nord rend les relations sociales différentes… L’humain passe avant la hiérarchie sociale.
— Duncan, c’est vous ? Heu… Soit la grenouille est encore plus dingue que ce que j’imaginais, soit elle n’a pas de mémoire, ce qui est très inquiétant. — Oui, dis-je avec calme. Avec les fous, il faut toujours être prudent. — Pourquoi vous êtes-vous rasé ? Je me marre et je passe ma main sur ma mâchoire désormais glabre. — En fait, je ne porte pas la barbe d’habitude… Elle m’observe d’un œil sombre et ronchonne quelque chose en français, que je suis bien incapable de comprendre. J’aurais dû mieux écouter mes professeurs de français dans mes jeunes années. Manifestement, elle préfère les barbus. Tant pis, grenouille, tu n’es pas à mon goût non plus. Trop intello, trop râleuse, trop Française quoi…
À quarante ans, je me retrouve divorcée, sans avoir obtenu la juste prestation compensatoire à laquelle j’avais droit (sous prétexte que mon mari n’avait pas des revenus constants et que j’étais jeune, donc que je pouvais travailler). De plus, nous n’avons pas d’enfants, donc la magistrate a supposé que j’avais passé les dix-huit dernières années à dormir dans un canapé sous un plaid moelleux, pendant que mon mari faisait bouillir la marmite.
Il est peut‑être comme ça. Sensible et généreux dans son art, brutal et grossier dans ses relations humaines.
— Vous êtes un étrange spécimen, Duncan MacCombie ! râle-t-elle. — Et ce n’est que le début ! lui précisé-je avec un large sourire. Elle pince les lèvres et… boude ? J’adore… Elles sont marrantes ces Françaises. Du caractère, ça me plaît !