Regardez c’qu’on fait à la nature avec nos villes, nos chemins d’fer, nos usines et tout le reste. Regardez ! Du pillage forcené ! D’la destruction ! Vraiment, je pense que le monde méritait mieux ! Mieux que l’homme, en tout cas que tous ceux-là, y a pas de doute… Des ordures pour qui la guerre n’a qu’un seul but : le profit, perpétuel et sans aucune limite ! Des hommes dénués d’âme qui envoient des types comme nous se battre à leur place en nous persuadant que c’est pour de belles et grandes causes… Les actes héroïques issus d’ordres aux fondements ignobles, honteux ! Du sacrifice en masse pour des raisons cachées, très bien cachées, parce que terriblement viles, si sales !
Sur un soupir aussi pesant que sa déception du monde, Garonn reprend son chemin en se disant que si les humains sont capables d’être aussi cruels dès l’enfance, alors pourquoi s’étonner de ce qui arrive et arrivera dans le monde ?
Le soir venu, une pluie torrentielle martèle la toiture et les vitres de la cuisine éclairée par le feu de cheminée. Paul regarde les coulées de boue emporter les dernières traces du baptême. Rubans, dentelles, dragées et fleurs se mêlent aux cendres, aux douilles et au sang charriés par l’eau. Il se dit que ces rigoles sont à l’image de l’humanité dans ce qu’elle peut avoir de beau et de tellement laid à la fois, un peu de fête pour beaucoup de tragédie, l’humanité et son irrémédiable façon de s’autodétruire, l’humanité et sa manie de ne pas l’être vraiment, humaine…
Imaginez Lydia, imaginez que c’pays immense , entouré de mers et d’océans, était entièrement peuplé d’Indiens d’toutes sortes, pas loin de cent millions ! Il n’en reste pas même cent mille. L’humanité n’avait jamais connu un massacre pareil, un crime plus exactement… Tout ça a pris moins d’deux cents ans… alors qu’ils étaient là depuis des milliers d’années !