Rentrée Littéraire 2022 - Auzou Romans.
Retrouvez la rentrée littéraire 2022 d'Auzou Romans avec cette rencontre tournée en direct dans les locaux d'Auzou à Paris le lundi 20 juin. Une rencontre animée par Aude Marzin de la librairie Jeux lis-là ! et Jennifer Rossi, avec comme invités les auteurs Mélody Mourey, Ariel Holzl et Emma Seguès.
Ce regard, je le connais.
Ce regard, je l'ai déjà vu.
Ce regard, c'est celui qui m'obsède lorsque je ferme mes paupières et que je me laisse envahir par tout ce blanc pulsant d'un battement chaud et régulier.
Ce regard.
Il me terrifie.
C’est peut-être ça mourir : se moquer du tout, penser que rien n’est grave. Laisser aller, laisser tomber. Et renoncer.
Ce.
Ma poitrine se soulève de manière frénétique…
N'est.
... comme si la mécanique de mes poumons déraillait…
Pas.
... s'emballait au rythme de mon cœur …
Ma.
... qui cogne, qui cogne...
Chambre.
... à en faire mal.
Comment est-il possible qu’elles ne se réveillent pas ? Et, surtout, qui sont ces gens ? Que nous veulent-ils ? Pourquoi… Pourquoi font-ils tout ça ?
Tout à coup, je sens qu’elle arrive. La peur.
C’est Amber et son naturel désarmant qui se précipite sur Sarah. Elle se penche vers elle et l’enveloppe de ses bras, la recouvrant de sa tignasse flamboyante.[…] Mira s’approche et pose ses deux mains sur Amber. Puis c’est au tour d’Alice de faire de même.
Elles sont là toutes les quatre, comme fusionnées. Comme de nouvelles fondations pour ce château de cartes, toujours un peu bancal, toujours un peu de guingois, mais plus soudé qu’auparavant.
Et moi, je n’ai toujours pas bougé. Je n’ose pas faire le pas, le geste qui m’unira à elles.
Elles tentent de comprendre. De donner du sens. Sans doute un mécanisme de défense bien naturel est-il à l’oeuvre : rationaliser pour ne pas perdre pied, ne pas sombrer dans la folie.
Mira a fait danser son archet sur son violon pendant plus d’une heure. Je l’ai observée un long moment, fascinée : elle me semblait transfigurée. Belle dans son abandon total à la musique, elle affichait une sérénité que je ne lui avais jamais vue jusqu’alors. Comme si son instrument avait le pouvoir de la transporter ailleurs, loin d’ici, loin de ce lieu sinistre.
Je crois qu’avec son violon, Mira a parlé plus que n’importe laquelle d’entre nous.
Tapie dans l'ombre, elle me guettait, murmurant avec douceur, me narguant, comme un charognard qui n'oserait s'attaquer à sa proie que lorsqu'il la sent suffisamment faible. Mais elle a pris en assurance, son murmure devient un grondement sourd qui roule à mes oreilles, qui bat contre mes tempes. Elle se jette sur moi alors, me prend à la gorge et serre
"Cette douleur que tu ressens, cette blessure , elle va s'apaiser, tu verras. Elle sera toujours là, bien sûr, mais elle deviendra supportable. Nous sommes ainsi faits, nous, les êtres humains, nous sommes tenaces. Nous résistons, nous luttons, nous nous accrochons et nous nous reconstruisons (...)" p.137
Peut-être que si je ferme les paupières très fort, tout cela cessera ? Peut-être que si je me pince, je pourrai m’extraire de ce cauchemar ?