Richard Cannavo : Monsieur
TrenetDans les
jardins du manoir d'EYRIGNAC, en Dordogne,
Olivier BARROT présente le livre "Monsieur
Trenet" de
Richard CANNAVO, édité par PLON.Photographies en banc-titre.
C'était un aveu, et c'etait une délivrance. Elle avait du mal a croire que sept années avaient passé depuis ce soir ou l'amour était venu brouillé le marais tranquille de ses jours. Elle avait encore plus de mal a admettre qu'aujourd'hui c'etait elle qui tournait la page, que c'etait elle qui renvoyait Lorenzo a sa femme et ses enfants - a sa solitude ?
Sept années avaient passé, sept années de douceur et d'orages.
Lettre envoyée par Montand au russe Obratzov cheville ouvrière du rapprochement culturel russo-français et directeur du Théâtre des marionnettes de Moscou :
Paris le 3 décembre 1956
Mon cher Obratzov
Vous avez été l'un de ceux qui , avec Moisseïev et les ballets de Moscou , ont le plus contribué au rapprochement culturel de nos deux pays et par conséquent à la détente , ne serait-ce que par le succès que vous avez rencontré à Paris .
Vous avez d'autre part , et ceci me concerne personnellement ,permis au public soviétique de me connaître , et si on fredonne en URSS les chansons que je chante , je sais que c'est à votre parrainage que je le dois .
C'est donc à vous que j'ai choisi d ' écrire cette lettre .
Ce que je voudrais que vous sachiez aujourd'hui , c'est le trouble profond dans lequel le drame hongrois a plongé un grand nombre de français , et en particulier
bien des membres du mouvement de la paix , qui est la seule organisation dans laquelle je milite .
Beaucoup de français qui ont tenu bon devant l'énorme et monstrueux appareil de la propagande antisoviètique , et qui l'ont prouvé en ne donnant aucune adhésion publique à cette propagande , se sont néanmoins posé des questions , s'en posent encore . Je suis parmi ceux-là .
Aujourd'hui , à l'issue du Conseil extraordinaire du mouvement français de la paix , si des divergences d'opinion subsistent parmi les militants sur l'interprétation à donner aux événements hongrois , alors que l'unanimité absolue s'est faite contre la poursuite de la guerre en Algérie et contre l'aventure de Suez , nous avons tous ensembles , nous militants de la paix de toutes opinions politiques, de toutes confessions religieuses et philosophiques , que nous soyons intellectuels ou manuels , pris la résolution solennelle d'empêcher par tous les moyens le retour à la guerre froide , et par conséquent à la possibilité de la guerre tout court .
C'est pourquoi , en ce qui me concerne , je suis heureux de vous demander d'annoncer au public soviétique mon arrivée prochaine ; j'aiderai ainsi dans mon domaine , j'en suis sur , à maintenir et développer les échanges culturels qui sont une contribution à la consolidation de la paix .
A bientôt donc , mon cher Obratzov . Bien à vous . Yves Montand .
Cette lettre n'est pas dans le livre mais dans un autre de Simone Signoret car Montant par discrétion ne l'avait pas rendue publique .
Il est des chocs qui vous marquent pour l’éternité, comme un fer rouge planté au fond du cœur, un point de misère ou d’humiliation au-delà duquel quelque chose en vous se tétanise, qui ne se dénouera plus, et qui vous situe hors du monde – hors de vous-même.
On devrait pouvoir comprendre que les choses sont sans espoir, et cependant être décidé à les vouloir changer.
Cette maxime de Scott Fitzgerald, dandy désenchanté du miracle américain, c'est de son propre aveu la citation préférée de Montand. Il y a tout dans ces deux lignes. Tout ce qui fait l'homme Montand. Loin des sunlights et des bravos, loin des clameurs de la foule. Yves Montand n'a plus grand chose du quinquagénaire triomphant du cinéma français. C'est un anxieux. Viscéralement. Un torturé. Un écorché, en proie au doute. Dans la solitude de ces tête-à-tête glacés que nous redoutons tous, l'homme à la légende dorée ne rit plus.
Charles Trenet c’est un ferment de joie, c’est un comprimé d’enthousiasme, c’est la trépidation , c’est la palpitation , c’est le halètement de la verve rythmée . C’est la quintessence du soleil et du Midi – Non pas de ce midi vulgaire et trivial qui nous obsède depuis quelques années, sur toutes les scènes, sur tous les écrans à tous les phonos, à tous les pick-up , à tous les postes , avec ses Olives, ses Marius, ses Césars, ses Panisses, ses Escartefigues, ses aïolis, ses canebières, ses pseudos-Raimus ses néo-Pagnols . Vous n’en avez pas assez, vous ?(...)
Chartes Trenet ce n’est pas çà. Ce n’est pas le triomphe de la vulgarité méridionale ,c’est le poète de la joie et du mouvement
Voila pourquoi la chanson française n’est plus la sérénade stupide roucoulée par un vieux troubadour en smoking dans un décor de toile peinte, mais un grand garçon sain et bronzé qui chante avec des gestes vivants, avec une voix vivante, avec du vent vivant dans les cheveux, avec du vrai soleil dans ses yeux éblouis. (...) Il sort des bois, .Il revient des champs et de la vigne. Il est tout enivré d’espace et d’air marin. Il a du thym et de la bruyère aux semelles de ses sandales. Il garde dans les yeux la lumière du ciel d’Argelès , les reflets du port de Collioure.
Elle disait que l’homme n’est le jouet de rien ni de personne, qu’il est maître, et donc responsable, de sa destinée. Elle affirmait que rien n’est impossible à qui veut embellir le monde,, et que seuls les médiocres se réfugient derrière l’écran de la fatalité. Elle était éperdument gaie dans son pessimisme, amoureuse de la vie qui passe et, bien sûr, déchirée parce qu’elle passe.
En attendant, Trenet triomphe d’entrée parce que, dans une chanson française depuis longtemps enlisée dans l’exotisme de pacotille et la romance sirupeuse, il vient insolemment bousculer l’ordre des choses. Avant lui, la chanson faisait le trottoir ; il lui fait soudain découvrir la campagne de France et la mer. Et chacun de vouloir faire partie du voyage...
(p.281)
Oui, est-ce que ça existe, une histoire d’amour qui ne se termine pas par une souffrance ? On s’évertue à l’oublier, mais le chagrin d’amour est la condition même de l’amour. Les sentiments sont la grande aventure de la vie justement parce qu’ils impliquent un risque : celui d’éprouver, un jour ou l’autre, un déchirement.
Il avait surtout compris que, des rives de l'Atlantique aux déserts d'Afrique, des plaines d'Afghanistan aux mégapoles d'Asie, des ruelles de Montmartre aux faubourgs de Mexico, la pauvreté et l'innocence sont les seules richesses du monde, et que la vraie lumière est dans les yeux des enfants.
Ce n’était pas qu’elle ne m’aimait plus. Elle était même convaincue du contraire. En réalité, ils étaient faits l’un pour l’autre. Simplement, la vie ne les avait pas réunis, et à présent elle en aimait un autre. Enfin, plus précisément, un autre avait pris toute la place.