Citations de Adonis (335)
L'enfant qui continue à vivre en moi
n'a de place que dans ma mémoire
tel un voleur
le matin y entre chaque jour
un foulard autour du cou pour son père le soleil
et sur sa joue droite un grain de beauté comme la nuit
Hier par hasard
Je l'ai rencontré
Sur le rivage du lac Occam sous un arbre qui portait un chapeau de nuages
J'attends que la lune se déchire
dans le ventre d'une femme amoureuse
d'après le calendrier et le hasard qui régit le beau temps la pluie et le vent
nous sortirons à la rencontre de l'avenir
dans des habits que je décrirai plus tard
même si j'ai déjà prévu leur couleur
Peut-être ne suis-je pas encore né
et que ma vie n'est qu'un exercice de naissance ?
Pareil à une petite barque
un écureuil nage dans un lac d'herbes
Un ramier volant
a failli effleurer mes joues
ô ramier
tout ce ciel ne te suffit pas ?
Le poème allume chaque jour sa lampe pour lire ses souffrances et noter ce que ses souffrances ont lu
Une enfant essuie la neige sur le visage d'un ours
Une lune froide offre une allumette à la nuit
Une rue apprend l'art de construire dans une tranchée
tu ne sentiras tes pieds qu'en errant lorsqu'ils troublent les villes et les lointains
murmure Shanghai à mon oreille
Cimetière et poussières sont le spectacle de la terre
de colère le fils mange son père
Rien une flamme éteinte tombe sur le parcours d'un poumon
La terre est néant la folie a épuisé son énergie
la raison a perdu sa fortune et voici que la pensée se met à ressembler à un mendiant grossier et insistant
la migration vers l'horizon ne suffit plus peut-on imaginer une migration verticale ?
Dans le désert
dans les cachots du meurtre
dans les braises de la souffrance
sur les autodafés de la soif et de la faim
avons-nous lié amitié avec la mort laissant à nos descendants un héritage nommé peur cette
peur que nous avions vaincue
Qui se joindra à moi pour demander à Artaud et à al-Maarri : comment et où inventer des instruments qui aspirent les souillures sur le corps de l'humanité ?
Oui,
Face aux enfants étranglés des femmes violées des vieillards égorgés des statues brisées
Face au rien auquel elle est vouée
Tu deviens plus lucide de ce que tu es
À l'écoute de la nature tu lis la poésie de la vie à la vie qui lit la poésie de l'homme
la terre est un corps
la montagne un aïeul
le fleuve une veine la forêt musique
les étoiles sortent pour danser
les oiseaux pour applaudir et chanter
les ombres portent les clés de la lumière
Je t'ai nommée nuage
ô blessure, tourterelle du départ
Je t'ai nommée plume et livre
Et me voici entamant un dialogue
avec la langue engloutie
dans les îles en partance
dans l'archipel de la chute ancienne
Me voici enseignant le dialogue
au vent et aux palmiers
ô blessure, tourterelle du départ
A : L'homme qui se pense plus fort que la mort - car il séjournera paisiblement au paradis - pratique la barbarie sans peur ni sentiment de culpabilité.
Mémoire d’un Tyran :
Épi par épi,
N’en laissez aucun…
Cette moisson est notre paradis retrouvé,
Notre pays à venir.
Déchirez les cœurs avant les poitrines,
Arrachez les racines,
Changez cette glèbe
Qui les a portés.
Effacez un temps, qui a narré leur histoire,
Effacez un ciel qui s’est incliné sur eux,
Épi par épi,
Afin que la terre revienne
À son état premier…
Épi par épi…
Avec une goutte d'ennui
je comble à chaque instant
un lac d'espérance
Aussi fou que tu sois
ta folie ne suffira pas
à changer le monde
Les mots de la langue arabe
sont tous aveugles aujourd'hui
sauf un seul --- Dieu.
Danse est le vent
Toute chose lui est salle de bal
Chaque fois que la sagesse l'instruit
l'expérience révèle ses défauts
Il étouffe en se souvenant
il étouffe en essayant d'oublier -
enfer qui se dévore
Jérusalem est un rêve – une langue. Une langue où l’histoire se mélange à ce qui la précède, à ce qui la suit. Mélange à l’homme et à la réalité, aboutissement et inaboutissement. Elle est le sable et l’eau – à toi de modeler ce que bon te semble
(…)
… « Dieu s’est adressé à Moïse à Jérusalem,
Dieu a pardonné à David et à Salomon à Jérusalem,
Dieu a rendu à Salomon son règne à Jérusalem,
Dieu a annoncé Jean le Baptiste à Zacharie à Jérusalem,
Dieu a consacré à David les montagnes et les oiseaux à Jérusalem,
Gog a dominé la terre entière, sauf Jérusalem,
Sa défaite a été scellée par Dieu à Jérusalem,
Marie que la paix soit sur elle a reçu les fruits d’hiver en été
Et les fruits d’été en hiver à Jérusalem
— Lis ton horoscope, histoire, tu verras comment les illusions tournent en tours de vérités.
— Au lit de l’astronomie se livre le corps de l’histoire. Le voici défaisant ses boutons.