Agence nationale des pratiques culturelles autour de la littérature jeunesse

Qu'il [le très jeune enfant] puisse jouer librement, sucer, mordiller, feuilleter, retourner, mettre le livre sur la tête, le claquer, se faire un rempart de livres, c'est à dire se s'approprier corporellement avant l'apprentissage scolaire de la lecture et de l'écriture.

Le petit enfant est libre de ses mouvements, blotti tout contre le corps de la lectrice ou à distance. C'est par tout son corps, le geste de ses mains, de ses jambes, ses mouvements oculaires, ses mimiques qu'il reçoit la lecture et l'ambiance de la situation du petit groupe.

Choisir ses livres, c'est comme choisir son alimentation!
Il est nécessaire d'y retrouver des choses dont on a besoin pour son équilibre, mais il est aussi nécessaire de varier les menus pour ne pas tomber dans la routine, pour ne pas s'ennuyer.

"Pour qu'il y ait image il faut l'altérité alors que le visuel est autoréférent, une vision sans regard" (Régis Debray). L'image fonctionne selon le principe de réalité, le visuel dématérialisé, désincarné, abstrait, comme la simulation numérique, fonctionne selon le principe de plaisir.

La coupure se situe entre 1960 et 1980.
"Nous étions devant l'image, nous sommes dans le visuel", souligne Régis Debray

(...) sur l'importance de placer le jeune enfant, cette "fraîcheur vivante en puissance d'univers" selon Marcel Jousse, avant l'école en présence de livres. Qu'il puisse jouer librement, sucer, mordiller, feuilleter, retourner, mettre le livre sur la tête, le claquer, se faire un rempart de livres, c'est-à-dire se l'approprier corporellement avant l'apprentissage scolaire de la lecture et de l'écriture. Il pourra ainsi mieux supporter - pense t'on - la dureté de l'apprentissage. Marcel Jousse n'a pas de mots assez durs pour le fustiger. Il parle de mutilation qu'on impose à des êtres jeunes, normaux, explosifs qui peu à peu se recroquevillent, se ratatinent, s'immobilisent jusqu'à n'avoir plus qu'un seul geste, celui de la main crispée sur le cahier d'écriture.

Une image est un signe qui présente cette particularité qu'elle peut et doit être interprétée mais ne peut être lue

Le lecteur valorise les échanges autour du livre en essayant de donner à chaque parent la possibilité d'être le médiateur entre son enfant et la culture. Il va s'intéresser aux comptines et jeux de doigts propres à chaque culture, amener aussi des livres en langue étrangère, ce qui en plus d'être une reconnaissance de la culture de l'autre permet de renverser un peu les rôles et de se mettre dans la situation de celui qui a besoin d'être accompagné

Lire à voix haute des créations d'auteurs pour donner à entendre des mots justes. Des mots qui font sens, même si on ne les comprend pas. Parce que donner sens n'est pas réductible à l'acte de comprendre.

Une proposition gratuite
La lectrice ne force pas l'enfant à écoute l'histoire ne le contrait pas à s'assoir, à se taire. Elle respecte sa liberté et n'a pas d'arrière-pensée ultérieurs. L'enfant est libre de se saisir du livre ou de le refuser. Simplement, le plaisir éprouvé par l'adulte est une invitation à partager celui-ci.

Une proposition respectueuse de l'intimité
L'histoire terminée, l'adulte ne s'autorise pas de question intrusive ou d'exploitation pédagogique. La rêverie de l'enfant peut se poursuivre et se déployer librement.

Prendre le temps
Ouvrir un livre, c'est ouvrir un temps autre, le temps qui nous fait vivre, c'est-à-dire rêver, penser, mûrir. Le temps devient de plus en plus un luxe dans un monde marqué par l'accélération et le morcellement. Paul Virilio appelle à trouver aujourd'hui des ralentisseurs. Se poser pour écouter une histoire répond à ce souhait et permet à l'enfant de réunifier son moi.

"Le fait de cultiver et d'entretenir des souvenirs communs permet à une société de conserver un contact naturel avec son passé".
L'enjeu est de taille pour une société comme la nôtre, aussi fracturée, aussi hétérogène (et qui risque de le devenir encore davantage). Bien sûr, nous ne sommes pas naïfs. Que pèse cette culture commune face à l'omniprésence du culturel sauce Disney? Mais du moins, nous aurons apprêté avec soin et amour des nourritures exquises et convié nos enfants à ce festin.