En février, Prévert refait en quelques jours l’adaptation des Disparus de Saint-Agil d’après Pierre Very, tourné par Christian-Jaque et interprété par Michel Simon, Le Vigan et Von Stroheim ; en mars, dans Le Petit Chose d’Alphonse Daudet, Marianne Oswald, qui s’est imposée comme l’une des principales interprètes de Prévert, tient son premier rôle et y chante Toute seule, sur une musique de Waschmann (jeune musicien allemand qui va gagner Hollywood, où sous le nom de Waxman, il deviendra le collaborateur d’Hitchcock).
L'échec de "Vogue la galère", en 1951, ne l'affecta guère et il se consola bien vite avec le triomphe, en 1952, de "la tête des autres", qui s'appela d'abord "aux marches du palais". Le titre définitif fut trouvé par Jean Anouilh.
Bien avant la générale, le petit monde parisien de la justice s'en émut. M Garçon renvoya ses invitations et menaça le théâtre de l'Atelier de gros ennuis.
Alerté Marcel Aymé écrivit ces quelques lignes : "l'action se passe en Poldavie, antique nation célèbre par ses tapis, ses églises et ses faïences décorées. Le spectacle de la haute magistrature poldave, parfois défaillante, est bien fait pour réconforter les français qui sont, à juste titre, très fiers de la leur."
Mais rien n'y fit. "la tête des autres" avait des accents bien français et personne ne s'y trompa....
Avril 1950 (...)
Les Frères Jacques jouent et chantent un auteur qui leur fait connaître bien des censures à la radio ou dans les galas officiels.
Prévert, lui, signe les pétitions en faveur de la libération du poète turc Nazim Hikmet ( avril 1950) et contre les poursuites intentées aux éditions Premières pour la réédition de " La Philosophie dans le boudoir" de Sade ( 14 mai): " L'oeuvre de Sade a été au chevet de Lamartine, de Pétrus Borel, de Stendhal, de Baudelaire, (...) d'Apollinaire, de Kafka, ce qui lui confère, pensent- ils, assez de titres à être tenue désormais pour classique ", sa condamnation serait " un intolérable défi à l'intelligence et justifierait (...) un état de rébellion active contre les pouvoirs." ( Combat, 25 mai 1950)
On ferme
On ferme!
Cri du coeur des gardiens du Musée homme usé
Cri du cœur à greffer
A rafistoler
Cri d'un cœur exténué
On ferme!
On ferme la Cinémathèque et la Sorbonne avec
On ferme !
On verrouille l'espoir
On cloître les idées
On ferme !
O.R.T.F bouclé
Vérités séquestrées
Jeunesse bâillonnée
On ferme !
Et si la jeunesse ouvre la bouche
Par la force des choses
Par les forces de l'ordre
On la lui fait fermer
On ferme !
Mais la jeunesse à terre
Matraquée, piétinée
Gazée et aveuglée
Se relève pour forcer les grandes portes ouvertes
Les portes d'un passé mensonger
Périmé
On ouvre !
On ouvre sur la vie
La solidarité
Et sur la liberté de la lucidité
Mai 1968
Prévert dans "Action" ( n°3)