On se promenait en ville, la nuit tombée, avec les copains, on avait bu tout ce qui coulait des robinets, la mousse et tout, même le jus des tables, et on rigolait comme ça, comme ceux qu’ont pris des champis, des psilos, des trucs qui mettent la tête d’équerre, et on marchait longtemps, longtemps, jusqu’au-dessus des gares, et on s’assoyait pour boire encore et fumer des trucs pas nets.
On avait les doigts qui sentaient le kebab, jamais le sexe, jamais, parole d’honneur que c’était pas un truc pour nous ! On aimait que marcher sans cesse et s’arrêter dans les bars, même que c’était triste comme vie, mais qu’on rigolait beaucoup. Les gens qu’ont pas peur des mots, ils vont te parler de paradoxe. Nous autres, avec les copains, on disait juste que c’était la kake. Je vous le dis comme on l’écrivait à l’époque : K – A – K – E, à prononcer comme un cake.
On attend des typhons japonais pour noyer des Fukushima mondialisés, à longueur de littoral où se garent les touristes, parasol sous le bras et glacière dans le coffre, pour de maigres vacances à la triste odeur d’iode mélangé aux poubelles, aux rejets borborygmes de la restauration de masse, pour sucer du poisson, des fruits de mer, et des glaces sous blister, pour oublier la ville et l’infini voyage du travailleur qui, sous terre ou en bagnole, s’en va gagner de quoi vivre, de quoi rembourser sa télé à crédit pour mater aux infos des murs d’eau japonais qui maltraitent des centrales, réacteurs atomiques aux pieds d’argile, plantés là comme des cuves de poison subissant le front de mer.
La boucle est bouclée.