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Citations de Alphonse de Châteaubriant (63)


La terre est toute blanche, elle a vieilli cette nuit. La petite herbe de Brière, la landèche, chevelure de furie, et l’étoile d’argent de l’oreille d’ours dégouttellent de rosée. C’est le premier frimas, qui coïncide avec les vignes rouges sur les coteaux, tandis que se répercutent, dans l’air sonore de ce matin d’automne, les cahots et les abois de chiens, les beuglements, les grelots de carriole, et la rumeur de plus de deux mille hommes noirs arrivant pour le grand piétinement. Les blins, par flottille, à la voile, à la perche, les chalands dans les curées, chargés de monde, chacun comme une noce embarquée dans le même bateau, dégorgent leur peuple sur les platières. Par les chéraux, entre les bosses des buttes, les charrettes à boeufs rampent comme des tortues. Tout cela, sous le rayon, sous le trèfle rouge du soleil levant, arrive à la hâte, aborde par les roseaux, par les coulines, par les piardes, décachant les hérons, les judelles, tous les oiseaux nichés, qui s’épouvantent, s’envolent et tourbillonnent...
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Alphonse de Châteaubriant
"Tant que le cœur conserve des souvenirs, l'esprit garde des illusions".
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C'était un dimanche bien doux, tout émaillé dans les chemins de la fleur blanche des coiffes et de la tranche dorée des missels. La Brière ensoleillée ressemblait à une plaine de froments mûrs. Partout, sur l'eau bleue bordée de ses bouquets d'iris, se promenaient les canards. Un mâle, ça et là, coulait sous le ressort de son beau cou d'émeraude sa petite femelle grise, ensuite se baignait, et l'eau brillante qu'il se renvoyait dans un rapide plongeon glissait en gouttes de cristal sur le vernis de ses ailes.
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C'était une belle fin de jour, où la dentelle des ormeaux se découpait sur le ciel rose. Derrière les confins de la Brière, le grand disque d'or du soleil plongeait dans l'Océan; et sa lumière apaisée s'en venait mourir ici, dans les trous de vase de la rive, et jusqu'en la vitre de la masure.
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La lune éclairait, haute au ciel, lorsqu'il arriva vers les îles.
Toutes dormaient, enveloppées de feuillage brillant de leurs grands ormes, leurs logis de paille visibles comme en plein jour au bord des chalandières, sans un souffle, sans un bruit, dans le calme de cette belle nuit d'été.

I. Chapitre I
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Parfois, le soir, quand le moulin allait son train, il se mettait à la lucarne, d'où la vue embrassait l'étendue des tourbières, et là, comme du haut d'un nuage, il regardait au loin les prairies, les nappes d'eau, toutes les îles dans la ceinture des chalandières. Il reconnaissait Fédrun à ses lumières, sans éprouver nulle envie de dérober un chaland pour s'y rendre en fraude, croyant toujours voir là-bas un jet de feu jaillir d'une touffe de tamaris, et sentir l'odeur de poudre qui de ce souvenir lui remontait mêlée à d'ignominieux relents de vase putride.
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Il eût été bien difficile de le rejoindre quand, par-dessus les échaliers, il était passé d’un champ à l’autre, échardonnant ici, étaupinant là, coupant les vipères en deux. Mais un rien suffisait à arrêter son geste, à fixer son rêve : un coin de ciel dans une flaque, le remuement d’un buisson, la plainte rouillée d’une charrue. Il ne se lassait pas. Et cela durait jusqu’aux rentrées du soir ; jusqu’au soir il regardait, écoutait, l’air lui parlait, les nuages passaient au-dessus de sa tête ; il était seul, il était heureux.
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Cette fin de jour était froide, mais belle; on entendait le doux cri des courbejeaux; des bancs de brume s'élevaient le long des curées, tandis que dans le ciel mourant passait le frisselis des volées du soir.
Les vieux étaient plongés dans la contemplation de leur Brière, où rien ne bougeait, où, sous le grand ciel rose, tout baissait vers le crépuscule, suivaient du regard, sans se parler , un petit point noir qui s'éloignait dans le sud, qui cheminait du côté de Rozé, qui peu à peu disparaissait.

I. Chapitre IV
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A mesure qu'il s'enfonçait plus au creux du marais, s'épaississaient les brouillards; et il se hâtait, son pas sonnant ferré dans le silence, tant qu'il fit même se lever deux hérons, qui s'éloignèrent sur les eaux, l'un derrière l'autre, en ramant lentement de leurs grandes ailes gonflées, toutes bleues dans la nuit venue.

I. Chapitre I
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Il leur manquait tout un côté de cette chose qui s'appelle l'esprit. Il y a des vaches comme cela qui n'ont qu'une corne.

I. Chapitre II
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Gesselig:
- Nous avons dans notre langue, me dit-il, un mot sans équivalent dans la vôtre; c'est le mot "gesellig". Votre terme "intime" n'a pas tout à fait le même sens, gesellig ce serait plutôt, -moins une nuance encore intraduite, - le confortable dans l'intimité et l'intimité dans le confortable. En hiver, par exemple, le soir pendant que je travaille, ma femme, auprès de moi, fait de la dentelle; la lampe sous l'abat-jour répand une lumière chaude; une jeune fille, quelqu'un va au piano, joue un morceau, puis revient à sa place; la théière chante; pas d'autre bruit; tout est tranquille, tout est en sécurité: "gesellig", et si le vent soufle au dhors, si la pluie frappe sur les vitres,c'est encore plus "gesellig".

p.15-16,
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Derrière les confins de la Brière, le grand disque d'or du soleil plongeait dans l'Océan; et sa lumière apaisée s'en venait mourir ici, dans les trous de vase de la rive, et jusqu'en la vitre de la masure.

I. Chapitre IV
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La fille s'était rencognée dans l'ombre. La mère, assise contre la cheminée, attendait, le maintien modeste dans ses vêtements noirs. Avec son visage de miche propre et blanc, ses yeux baissés sur ses mains jointes, son petit serre-tête bridé sous le menton, elle ressemblait à une pieuse soeur tourbière absorbée en l'oraison de son âme.

I. Chapitre I
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Solitaire dans ses vapeurs de nuit, noyée de silence, dressée comme une banquise de brume; autour d'elle, sur les piardes, dansaient les diamants de l'astre. De tous côtés montaient une buée lumineuse; et par-delà les grands roseaux, dans les fonds tranquilles des étangs, au loin, se perdait le cri de la grive des rivières.

I. Chapitre I
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Depuis bientôt quarante ans qu'il était garde de la Brière, il connaissait les plus vieux secrets ensevelis dans son sein.

I. Chapitre I
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Et des vaches pâturaient tout parmi ces lagunes, les traversaient de leur pas lent, ou rêvaient, immobiles sur ces bords empourprés par le soir.

I. Chapitre I
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Les prairies, tout à l'heure hautes et sèches, par une inclinaison insensible, commençaient à se couvrir de fines mailles d'eau morte, et même de larges nappes hérissées de piquants de joncs et de têtes de landèche se perdaient vers des horizons de pâtis roses et violets, pâtis de brume ou pâtis du ciel, dans la confusion de limites de la terre et de l'air, espaces sans bornes, d'où sourdait au loin à cette heure de la marée la sirène des grands paquebots qui partent pour les Amériques.

I. Chapitre I
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Parfois se rencontre un petit village, quelques maisons blanches aux toits de chaume, contre un rang de têtards de saules penchés sur une douve peuplée de canards.

I. Chapitre I
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...Les flamèches de son feu de tourbe avaient des ondulations étranges...elles se transportaient sur les objets comme les feux follets sur le nez des chalands...c'était même une danse mouvementée, capricieuse, qui s'élevait dans les airs et jusqu'au plafond...les murs de la chaumière ne leur faisaient plus obstacle, elles se répandaient par toute l'étendue de la nuit; elles cabriolaient par les vastitudes d'un marais de ténèbres, parmi des troncs d'arbres noircis, roulés dans une eau morte...Il leur poussait un visage de feu, des mains de feu...elles étaient tout un peuple de minuscules génies grouillant par milliers, qui s'emparaient des arbres, les enfouissaient au plus profond de la vase, et de tous côtés, oeuvrant de leurs doigts diligents, reproduisaient en un éclair le lent travail des siècles.

I. Chapitre III
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Le temps de ronger une croûte de pain, et il s'installa, écrasé des deux coudes, la page sou sa rousine, la joue sur son écriture, l'oreille dans sa bouteille d'encre, tandis que son feu de mottes voltigeait, et qu'il se faisait un grand silence, le silence de toute la Brière, silence de plusieurs milliers d'ans, de quasi toute une éternité, dans lequel il n'y avait plus que le petit grattement de sa plume.

I. Chapitre III
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