Citations de André du Bouchet (176)
L'herbe lui fait venir l'encre aux lèvres
on y descend comme dans l'eau
on s'y allonge
coupant court à ces attraits.
L'heure échappe aux doigts. Elle m'a glissé entre les doigts
avec un très léger sifflement
( herbe aux odeurs vastes, aux fibres coupantes ).
il imprime à chaque mot
une caresse de coquelicot
Cahier Record, 9 juin 1949
on se voit
comme ça : le coeur sur
la main, cette pe-
tite flamme, ce ha-
lo d'air, cette auréole de pure
parole dont on
est fait quand tout se
défait autour de sa
personne...
ne laissant qu'un ou
deux mots en quoi on se re-
connaît : une brève suivie d'un dièse
qui ne riment qu'en
silence dans le bruit que sa tête
répand à la vitesse de
l'éclair
La poésie
c'est refuser la vie - partie par partie -
pour l'accepter toute entière -
25 mars 1954
Poésie : gouverner la part immense de l'homme qui échappe à la raison.
29 juin 1951
le corps est un intervalle
du vide
« dire que je suis debout, je
ne le peux pas, sans pouvoir tomber également : c'est la phrase. »
à un bruit des eaux dans l’abrupt,
a, plus haut encore, répondu le pas du tonnerre sans eau. mais l’eau même, tout d’un coup on s’avisera, immergé dans le bleu, qu’on ne l’a pas vue.
Sol de la montagne
MÉTÉORE
L'absence qui me tient lieu de souffle recommence à
tomber sur les papiers comme de la neige. La nuit
apparaît. J'écris aussi loin que possible de moi.
p.38
J'aime
la hauteur qu'en te parlant
j'ai prise
sans avoir
pied.
Sur le pas
LOIN DU SOUFFLE
M'étant heurté, sans l'avoir reconnu, à l'air, je sais,
maintenant, descendre vers le jour.
Comme une voix, qui, sur ses lèvres même,
assécherait l'éclat.
Les tenailles de cette étendue,
perdue pour nous,
mais jusqu'ici.
J'accède à ce sol qui ne parvient pas à notre bouche, le
sol qui étreint la rosée.
Ce que je foule ne se déplace pas, l'étendue grandit.
p.104
LE MOTEUR BLANC
J'ai vite enlevé
cette espèce de pansement arbitraire
je me suis retrouvé
libre
et sans espoir
comme un fagot
ou une pierre
je rayonne
avec la chaleur de la pierre
qui ressemble à du froid
contre le corps du champ
mais je connais la chaleur et le froid
la membrure du feu
le feu
dont je vois
la tête
les membres blancs.
2
La mort est bleue.
p.13
Du bord de la faux
Extrait 3
III
Le jour écorche les chevilles.
Veillant, volets tirés, dans la blancheur de la pièce.
La blancheur des choses apparaît tard.
Je vais droit au jour turbulent
Pour moi, chaque départ de texte est accidentel. Je ne me mets pas dans la position de vouloir écrire un poème. Ce sont des choses qui traversent l'esprit, mises bout à bout. On reconnaît dans ces moments une continuité, mais aussi et surtout qu'on n'écrit jamais pour la première fois.
d'un trait qui figure et défigure
LE MOTEUR BLANC, XIII
Ce feu comme une main ouverte auquel
je renonce à donner un nom. Si la réalité
est venue entre nous comme un coin et
nous a séparés, c’est que j’étais trop près
de cette chaleur, de ce feu.
L’absence qui me tient lieu de souffle recommence à tomber sur les papiers comme de la neige. La nuit apparaît. J’écris aussi loin que possible de moi.
I
J'ai vite enlevé
cette espèce de pansement arbitraire
je me suis retrouvé
libre
et sans espoir
comme un fagot
ou une pierre
je rayonne
avec la chaleur de la pierre
qui ressemble à du froid
contre le corps du champ
mais je connais la chaleur et le froid
la membrure du feu
le feu
dont je vois
la tête
les membres blancs.
Je reste sur le jour comme un corps après soi.
Que
reste dans ma vertèbre
la brusquerie
debout.