Arnold Van Gennep a réalisé un travail extraordinaire sur la société traditionnelle française et son folklore. Il l'a fait à une époque où les pratiques existaient toujours, au moins dans les mémoires pour certaines. C'est un héritage de cette civilisation rurale qui se présente ainsi avec ses rites de passage, ses légendes. Une référence pour comprendre notre passé.
Le totémisme consiste donc en un ensemble précis et déterminé de croyances, de rites et de réglementations très caractéristiques. La raison primitive de leur formation n'est pas connue encore malgré les recherches des ethnographes, j'entends scientifiquement. Les totémistes, eux, la connaissent, en ce sens qu'ils ont inventé, à son propos, des légendes explicatives. Si le totémisme ne consistait qu'en croyances et en rites, on pourrait admettre que certaines catégories de légendes de cet ordre ont été le point de départ, la cause efficiente du système.
Des Australiens du sud et du sud-est, M. Howitt dit : « Ils croient tous que leurs ancêtres et leurs apparentés défunts viennent pendant qu'ils dorment leur faire visite, leur donner des conseils, les prévenir des dangers imminents, ou leur communiquer des incantations préventives. Je connais de nombreux cas de ce genre. Et je sais que les magiciens ont des visions qu'ils prennent pour des réalités. Un magicien qui a eu de telles visions, acquiert dans sa tribu une grande réputation, qui lui permet d'apporter des modifications dans l'organisation sociale, en annonçant aux magiciens ses confrères qu'il a reçu un ordre de quelque être surnaturel comme Kutchi (chez les Dieri), Bunjil (chez les Wurunjerri), o\x Daramulun (chez les Murring). Si ces magiciens accueillent favorablement l'innovation, on fait part aux chefs assemblés à l'occasion d'une cérémonie, de l'ordre surnaturel, lequel est ensuite accepté sans discussion par le gros de la tribu. » C'est encore à des êtres surnaturels individualisés, appelés Iruntarinia, que des individus arunta, kaitish ou warramunga, rapportent non plus seulement leurs hallucinations et leurs visions à l'état de sommeil ou de veille, mais toutes les idées nouvelles, les projets de modifications dans les institutions, les scénarios inédits de cérémonies qui naissent, à l'état normal, en leur esprit.
À juste titre, les folkloristes furent souvent définis comme des chroniqueurs partiels d'un monde rural confiné dans les solides vertus de la famille, de la propriété et de l'effort. Ils en recueillaient les cérémonies et les curiosités... Mais le paysan n'est pas sorti des livres de George Sand ni ses croyances des prêches de Mgr Dupanloup. Le 19e siècle tenta de s'annexer le mythe de l'immobilité, l'Angélus et Millet firent croire à la pérennité des valeurs, cachant combien ce monde restait perméable aux mutations, aux changements, dans ces coutumes et croyances mêmes.
Le mot folklore a été emprunté à l'anglais : folk, peuple et lore, connaissance, étude. C'est donc la science qui a pour objet d'étudier le peuple, W.-J. Thoms fabriqua ce mot de toutes pièces en 1846 pour remplacer une autre expression, trop incommode, celle de Popular antiquities, Antiquités populaires, titre d'un livre célèbre de Brandi où étaient décrites les croyances et les coutumes des populations rurales anglaises. On ne pouvait avec cette expression malencontreuse ni délimiter le domaine même de la science qu'elle désignait, ni former un adjectif commode. Au lieu que folklore donne normalement folkloriques, folkloriste, tout comme son équivalent allemand Volskskunde donne l'adjectif volkskuendlich et se rapporte à une recherche qui n'est pas seulement historique, mais aussi directe.
Ainsi le folklore vient ici se relier à ce qu'on nomme la psychologie collective, laquelle s'exprime dans la vie rurale tout autrement que dans les masses industrielles on urbaines. Elle s'y exprime en effet par toutes sortes de coutumes, souvent très anciennes, parfois poétiques, parfois grossières, mais qui sont à cause même du nombre de personnes qui les exécutent, les vrais anneaux de cette « chaîne traditionnelle » qui constitue l'élément constant de la vie national considérée dans son ensemble.
Dans la région de Toulon ,la cérémonie des relevailles présentait populairement une si grande importance qu'on l'exécutait même si la mère était morte en couches ou peu après la naissance de l'enfant ,sans vouloir admettre que cette mort fût définitive ,ni qu'une mère eût pu abandonner son enfant de plein gré.
Tout changement dans la situation d'un individu y comporte des actions et des réactions entre le profane et le sacré, actions et réactions qui doivent être réglementées et surveillées afin que la société générale n'éprouve ni gène ni dommage. C'est le fait même de vivre qui nécessite les passages successifs d'une société spéciale à une autre et d'une situation sociale à une autre : en sorte que la vie individuelle consiste en une succession d'étapes dont les fins et commencements forment des ensembles de même ordre : naissance, puberté sociale, mariage, paternité, progression de classe, spécialisation d'occupation, mort. Et à chacun de ces ensembles se rapportent des cérémonies dont l'objet est identique : faire passer l'individu d'une situation déterminée à une autre situation tout aussi déterminée.
D'où la ressemblance générale des cérémonies de la naissance, de l'enfance, de la puberté sociale, des fiançailles, du mariage, de la grossesse, de la paternité, de l'initiation aux sociétés religieuses et des funérailles. En outre, ni l'individu, ni la société ne sont indépendants de la nature, de l'univers, lequel est lui aussi soumis à des rythmes qui ont leur contrecoup sur la vie humaine. Dans l'univers aussi, il y a des étapes et des moments de passage, des marches en avant et des stades d'arrêt relatif, de suspension. Aussi doit-on rattacher aux cérémonies de passage humaines, celles qui se rapportent aux passages cosmiques : d'un mois à l'autre (cérémonies de la pleine lune, par exemple) d'une saison à l'autre (solstices, équinoxes), d'une année à l'autre (Jour de l'An, etc.).
Ceux qui ont affranchi l'étude des contes populaires de toute tendance mondaine ou moralisatrice, ce sont les frères Grimm, qui se reconnaissent comme les continuateurs de Perrault et qui, du même coup, ont fondé, la dialectologie germanique : loin de littérariser les textes recueillis, ils les ont publiés avec toutes leurs particularités phonétiques et grammaticales ; quand on leur a récité des contes en patois, ils ont écrit ce patois exactement tel qu'ils l'entendaient. La première édition des Contes de Grimm était mince ; peu à peu leur recueil a grandi, comme l'a bien montré Tonnelat, alors que, malheureusement pour nous, Perrault n'eut pas l'idée, en voyant le succès du sien, de tenter d'y ajouter encore.