Renoncer à soi-même sans regret est la plus grande charité.
Il est de multiples façons d'accéder à la Voie, mais toutes peuvent se ramener à deux types principaux : l'accès par le principe et l'accès par la pratique. L'accès par le principe consiste à réaliser le principe essentiel en s'appuyant sur la doctrine ; c'est croire profondément en l'immanence, dans tous les êtres, d'une nature unique et véritable, que le voile irréel des souillures ne fait que masquer. Si l'on rejette l'erreur pour faire retour à la vérité, en se concentrant sur la contemplation murale, il n'existe plus de distinction entre soi-même et autrui, profane et saint. Demeurer ferme et constant, affranchi de l'enseignement discursif, c'est s'accorder mystérieusement avec le vrai principe. Comme il n'y a plus nulle discrimination, tout est tranquille et exempt de noms. Tel est l'accès par le principe.
(Traité des deux accès et des quatre pratiques)
Question : « Où se trouve le lieu de l'Éveil ? »
Réponse :
« Le lieu où l'on marche est le lieu de l'Éveil,
le lieu où l'on est couché est le lieu de l'Éveil,
le lieu où l'on est assis est le lieu de l'Éveil,
le lieu où l'on se tient debout est le lieu de l'Éveil.
Lever ou abaisser le pied, tout cela constitue le lieu de l'Éveil ».
Quel type d'esprit est dénué de conscience et de connaissance?
Pas de réponse. La raison en est que ce Dharma ne peut répondre. Car le Dharma est absence de pensée et toute réponse implique une pensée; il est exempt de mot, et toute réponse implique une parole; il est exempt d'interprétation, et toute réponse implique une interprétation; il est exempt de vision cognitive, et toute réponse implique une vision cognitive: il est exempt de dualité et toute réponse implique une dualité. Tous ces types d'esprits et de paroles ne sont que spéculation et attachement. Comme l'esprit n'est pas la forme, il ne dépend pas de la forme: comme il n'est pas l'informe, il ne dépend pas de l'informe. Le fait qu'on soit indépendant est ce qu'on nomme libération. Lorsqu'on enfreint les Défenses, on est rempli d'appréhension. Il suffit de savoir que l'esprit d'appréhension est insaisissable, et l'on peut encore obtenir la libération. Et l'on comprend du même coup que l'on ne peut obtenir une renaissance céleste. Bien que l'on connaisse la vacuité la vacuité elle-même reste insaisissable. Bien que l'on connaisse l'insaisissable, l'insaisissable lui-même reste insaisissable.
Même s'il se fait voler à plusieurs reprises par des bandits, n'ayant aucun esprit d'attachement, (le vrai voyageur) n'en ressent pas la frustration ; même s'il est souvent maudit et calomnié par les gens, il n'en est pas offensé. L'esprit d'éveil d'un tel individu s'enrichit peu à peu.
Les ombres naissent des formes, l’écho répond à la voix. Ceux qui jouent avec leur ombre jusqu’à épuiser leur corps, ne réalisent pas que ce corps est [la cause de] l’ombre. Ceux qui élèvent la voix pour faire cesser l’écho ne réalisent pas que leur voix est la source de l’écho. Rechercher le nirvana en éliminant les passions est comme rechercher l’ombre en enlevant le corps. Chercher le Buddha en rejetant les êtres est comme chercher l’écho en faisant taire la voix.
Sachez donc que l’illusion et l’éveil ne sont qu’une seule Voie, et que la bêtise et la sagesse ne diffèrent en rien. Pour avoir donné des noms à ce qui était innommable, on a engendré l’être et le non-être. Pour avoir établi des principes dans ce qui était sans principe, on a vu fleurir les disputes. Les transformations illusoires n’étant pas vraies, qui aurait tort ou raison ?
L’erreur étant irréelle, qu’est ce qui existe ou n’existe pas ? (p. 74)
Question:" Qu'en est-il des deux vérités?"
Réponse:"Il en va comme d'un mirage d’où la chaleur. Ceux qui hallucinent prennent le mirage pour de l'eau. En réalité‚ il n'y a pas d'eau, ce n'est qu'un mirage. Il en va de même pour la signification des deux vérités. L'homme du commun tient pour ultime la vérité conventionnelle, tandis que le sage tient pour conventionnelle la vérité ultime. C'est pourquoi il est écrit dans le sûtra:"Lorsque les bouddhas prêchent le Dharma, ils s'appuient toujours sur les deux vérités.
La vérité ultime n'est autre que la vérité conventionnelle, la vérité conventionnelle n'est autre que la vérité ultime. La vérité ultime est précisément la vacuité. Si vous voyez qu'il existe des caractères spécifiques, il vous faut y mettre bon ordre. S'il existe un moi ou un esprit, s'il y a naissance et extinction, vous devez également y mettre bon ordre.
Question : « Qu’est-ce que l’esprit de Buddha ? »
Réponse : « L’absence de marques spécifiques de l’esprit est nommée Ainsité (tathatâ). Le fait que l’esprit ne puisse être modifié est nommé Essencité (dharmatâ). Le fait que l’esprit ne dépende de rien est nommé libération (vimoksa). Le fait que la nature spirituelle soit affranchie de tout obstacle est nommé éveil. Le fait qu’elle soit paisible et éteinte est nommé Nirvâna. » (p. 80)
Comment y mettre bon ordre?"
R:"Si vous regardez en vous basant sur le Dharma, vous perdrez la notion de vérité et ne verrez plus rien du tout. C'est pourquoi il est dit dans le Laojing:" La vertu solide paraît légère."