La globalisation a du bon. Ou du moins elle peut en avoir : tout dépend de ce que l'on en fait. Ce constat vaut pour la littérature de science-fiction comme pour d'autres domaines.
Ces dernières années, une spectaculaire ouverture européenne a eu lieu en SF, et les précédentes éditions de ces "Utopiae" y ont ouvertement contribué. Les livres ont commencé à franchir les frontières intérieures du vieux continent et, mis à part quelques grincheux irrécupérables, nul n'est venu s'en plaindre.
Il est en effet important que les lecteurs italiens puissent découvrir des textes allemands, français et espagnols. Et utile que les lecteurs français obtiennent des traductions du danois, du néerlandais, du russe. Et que les lecteurs allemands, espagnols, italiens...
Mais à l'heure où beaucoup agitent frénétiquement le spectre de la globalisation, il m'a paru opportun, si ce n'est nécessaire, d'aller voir un peu plus loin que l'Europe, [...] Six auteurs européens et six des nouveaux mondes. Dans chacun de ces deux groupes, quatre signatures peu familières au lecteur francophone, dont deux totalement inédites en français : "Utopiae 2002" reste bien, j'espère, dans l'esprit des précédentes anthologies tout en proposant une première exploration de la tectonique des imaginaires...
(extrait de la préface de l'édition parue chez "l'Atalante" en 2002)
Les hommes exerçaient une véritable autocratie sur les femmes, mais, à la clarté des étoiles, ils ne désiraient rien tant que se faire souiller par elles de toutes les façons possibles. On vénérait le mensonge, on pratiquait souvent la castration, on trouvait divin le sadisme. On glorifiait la chasteté et on s’adonnait à toutes les perversions.
Terrassée, l’humanité ne peut que pousser des cris de folie et de terreur – la folie de naître, la terreur de mourir, d’affronter la mort.
» Quant aux hommes, ils souffrent encore d’un autre mal : la crainte de la femme… Chaque homme ressent cette crainte, quand bien même il ne peut éviter d’avoir en commun avec la femme tous ses chromosomes sauf un. C’est de l’homme occidental que je parle, de celui qui a déclenché la Dissuasion dans le monde entier.
Afin de se défendre contre la barbarie technologique qui s’était abattue sur le reste de la planète, la population de Tolan s’était organisée en une société extrêmement rigide. Chaque famille occupait une position immuable dans le système de castes, depuis le goémonier le plus humble jusqu’au fonctionnaire le plus élevé, depuis les laveurs de vaisselle jusqu’aux citadins tellement raffinés qu’on leur interdisait la vue de leurs propres excréments.
Les humains qui vivaient à Tolan, dans leur société ordonnée, se considéraient très chanceux. Ils s’estimaient à l’abri des conflits d’après-guerre qui faisaient rage ailleurs à la surface du monde dévasté. Ils avaient échappé aux pires effets physiques de la Dissuasion. Les événements avaient toutefois davantage marqué leurs esprits que leurs corps.
Un miroir, c’est tout ce dont tu as besoin pour ton narcissisme, pas d’une femme vivante. Voilà pourquoi les hommes ont créé celles de mon espèce. Tu ne me donnes rien.