Qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde ? Les talibans ou la chute de l’empire soviétique ? Quelques excités islamistes ou la libération de l’Europe centrale et la fin de la guerre froide ? (dans un article du "Monde diplomatique" suite à la reprise de l'Afghanistan par les Talibans)
Pour l'Amérique, l'enjeu géopolitique principal est l'Eurasie. Depuis cinq siècles, les puissances et les peuples du continent qui rivalisent pour la domination régionale el la suprématie globale ont dominé les relations internationales. Aujourd'hui, c'est une puissance extérieure qui prévaut en Eurasie. Et sa primauté globale dépend étroitement de sa capacité à conserver cette position.
À l' attrait que présente le système politique américain et son influence vient s' ajouter la séduction exercée par le modèle de la libre entreprise et ses corollaires: le libre-échange et la concurrence. L'Etat-providence, tel. que l'ont pratiqué les démocraties occidentales, montre ses limltes éco-nomiques, y compris sous la fonne allemande de la cogestion entre patronat el syndicats ouvriers. De plus en plus d'Européens admettent que s' ils veulent combler leur retard, ils doivent adopter la culture économique américaine, plus compétitive, plus dure. Même au Japon, on commence désormais à admettre que l'individualisme, dans la sphère économique, est un facteur de réussite.
La guerre n'est donc pas près de tomber en désuétude. Elle est peut être devenue un luxe que seuls les peuples pauvres peuvent s'offrir, les plus favorisés étant freinés par leur capacité technologique à l'autodestruction et par leur volonté de protéger leurs propres intérêts. Cependant, pour lors, les deux tiers environ de l' humanité ne sont pas sujets à ces facteurs modérateurs.
Au vu de la réalité démocratique aux Etats-Unis, les dirigeants politiques devront, s'ils veulent pouvoir les relever avec efficacité, convaincre l'opinion de l'importance de la pui ssance américaine dans l'élabonuion d' une structure plus large de coopération géopolitique, qui combattrait l'anarchie mondiale et remettrait à plus tard l'émergence d' une nouvelle puissance rivale. Ces deux objectifs vont de pair si l'on considère l'objectif à long tenne de l'engagemcnt mondial de l'Amérique, qui est de créer un cadre durable pour une coopération géopolitique mondiale.
L'lnde, en revanche, a acquis un statut de puissance régionale et se conduit virtuellement comme un joueur mondial de premier ordre. Elle se définit elle-même comme un rival de la Chine, surestimant peut-être ses capacités à long tenne. Il est néanmoins indiscutable que l'Etat le plus puissant en Asie du Sud constitue le seul pôle de pouvoir régional Il s'est doté de façon semi-offi cielle de l'anne nucléaire, non seulement afin d' intimider le Pakistan, mais aussi pour rétabl ir l'équilibre face à l'arsenal atomique chinois.
Un monde dans lequel les Étals-Unis n'auraient pas la primauté connaîtrait plus de violences et de désordres. moins de démocratie et de croissance économique que si les États-Unis continuaient. comme aujourd ' hui. à avoir plus d'influence sur les affaires , globaies que tout aulre pays. Le maintien de la primauté des Etats· Unis est essentiel non seulement pour le niveau de vieet la sécurité des Américains. mais aussi pour l'avenir de la liberté. de la démocratue des économies ouvertes et de l'ordre international
L' identification des joueurs de premier ordre et des pivots clés peemet de circonscrire les grands dilemmes auxquels la politique américaine se trouve confrontée et d'anticiper les défis majeurs qui risquent de surgir sur le super-continent eurasien
L'arme nucléaire a réduit, dans des proponions fantastiques : l'utilité de la guerre comme prolongement de la politique ou meme comme menace.
L' interdépendance de plus en plus grande entre les nations rend moins efficace le chantage économique. Ainsi, les manœuvres, la diplomatie, la formation de coalitions, la cooptation et l'utilisation de tous les avantages
politiques disponibles sont désomais les clés du succès dans l'exercice du pouvoir géostratégique sur l'échiquier européen.
A la faveur de l'affaiblissement russe, la Turquie et l' Iran tentent de faire valoir leur influence en Asie centrale et autour de la mer Caspienne. Leur présence suffit à les inclure au nombre des joueurs géostratégiques. Toutefois, des difficultés intérieures limitent leurs capacités à modifier la
distribution régionale du pouvoir et les efforts démesurés qu'ils consacrent
à annihiler, pour cause de ri valité, leur influence réciproque restreignent leur marge de manœuvres.