Céanny

Les mots sont inutiles, nos corps expriment ce que nos silences refusent d’admettre.

On ne m'avait jamais embrassé de cette façon. Jamais. C'était intense et brutal, mais durant le court instant où j'étais entre ses bras, je me suis sentie bien. En sécurité. Ce sentiment de plénitude, je ne l'ai pas ressenti depuis des années. J'ignorais même être capable de le ressentir à nouveau... Mais il m'a planté là et s'est tiré sans se retourner. Quel connard ! Je n'arrive pas à le croire. Je suis à moitié nue devant lui, je me jette presque à ses pieds, et il me repousse ! J'ai pourtant bien senti qu'il était au moins aussi excité que moi...

L’obsession que j’ai pour cet homme m’empêche de faire mon boulot correctement, il faut vraiment que ça cesse. Je continue de me dévêtir au son de la musique country pour finir en string, et quand les dernières notes retentissent, je m'approche du bord de la scène pour venir faire claquer mon lasso sur la table juste devant. Je récupère les vêtements éparpillés et je descends de la scène pour me préparer avant mon prochain passage, en constatant que Scars n'est plus là.

J'adore ce boulot, et je mets un point d'honneur à ne pas décevoir ma patronne. Elle m'a donné ma chance et il est hors de question qu'elle regrette de l'avoir fait. Sauf que si des filles sont absentes, il faut que je les remplace. Ce qui veut dire danser à leur place. En temps normal, ça ne me dérange pas, mais ce soir, Santos est dans la salle, ce qui veut dire que lui sera là aussi. Scars. L'homme qui envahit mes rêves depuis près de trois ans... Chaque fois que je monte sur scène et qu'il est dans la salle, je suis nerveuse et je perds mon assurance. Il reste en retrait mais je sens son regard sur moi, comme s’il pouvait me toucher juste avec ses yeux. Je ne lui ai plus jamais parlé depuis le soir où je l'ai rencontré, mais il continue de me troubler.

Autant j'ai toujours été terrifiée par Monsieur Banes, cet homme me glaçait les sangs dès qu'il posait les yeux sur moi, en plus d'être un connard infidèle qui était avec une femme différente, voire plusieurs, chaque fois qu'il venait au club ; autant mon nouveau patron ne dégage pas du tout la même chose. On sent bien que c'est un homme dangereux, mais on sent aussi que si on reste droit et loyal avec lui, il le sera aussi.

Elle m'a donné quelques cours de pôle-dance, mais le plus important dans mon activité, ce n'est pas ma façon de danser, c'est surtout ma façon de me déshabiller... Depuis, je me produis quatre soirs par semaines sur la petite scène du Paradise, et je suis au bar un autre soir. Ce n'est peut-être pas une vie rêvée, mais c'est une vie qui me convient.

Elle m'a probablement sauvé la vie, mais ce n'est même pas ce qui m'a le plus touché. Je ne lui accordais déjà plus une grande valeur à cette époque-là. Ce qui m'a donné confiance en elle, c'est qu'elle n'a jamais posé de questions. Aucunes. Ni sur le pourquoi je vivais dans la rue, ni sur qui j'étais. Elle m'a simplement demandé mon nom, et voyant que je ne lui répondais pas, elle m'a dit qu'à partir de cet instant, je m’appellerais Jade si ça me convenait. Parce qu'il paraît que la couleur de mes yeux lui ont fait penser à la pierre précieuse. J'ai éclaté de rire, et Eva est devenue mon amie ainsi que ma patronne.

Même un ouragan ne pourrait pas l'arrêter. Il m'embrasse, me mordille, me goûte comme si j'étais sa gourmandise préférée, et j'adore ça. Je me laisse porter. Il lèche la naissance de mes seins tout en les caressant par-dessus ma robe. Il tire sur le tissu du décolleté pour libérer ma poitrine et je vois ses yeux briller dans l'obscurité quand il voit mon soutien-gorge. Il tire dessus d'un coup sec pour le faire passer en dessous de mon sein gauche. Il mord mon téton, l'aspire tout en me fixant, puis renouvelle l'opération avec le droit.

Je ne suis pas comme toutes ces femmes avec qui tu aimes passer du temps, et ne me regardes pas comme ça je sais très bien tout ce que tu fais dans mon dos ! On m'a pris mon bébé, ma vie, et le pire dans tout ça, c'est qu'on devrait affronter ça ensemble, mais non, je me bats toute seule pour la retrouver, pour connaître la vérité ! C'est comme si ça ne te touchait pas et je suis épuisée d'essayer de te faire prendre part à ce combat !

Nous ne sommes plus que langues et dents qui s’entrechoquent et caresses langoureuses.

C'est Roman dans toute sa splendeur. Il peut être dur comme la pierre et la minute d'après, aussi tendre qu'une guimauve. Il me sourit timidement, me laissant entrevoir cette petite fossette qui me faisait craquer et que j'aimais tant embrasser.

Un jour je me suis retrouvée enceinte et ma tante m'a « aidé » à choisir. Ça n'a pas été difficile pour elle ; entre le mauvais garçon qui passait son temps au poste pour maintes et maintes bêtises en tout genre et le jeune homme des beaux quartiers, riche comme Crésus, n'importe qui de censé n'aurait pas réfléchi à deux fois avant de choisir le beau Ben. Mariage éclair et tout ce qui va avec.